Les 7 piliers de l'alexithymie
C’est très dur de décrire l’alexithymie. Parce que c’est très dur de décrire l’expérience émotionnelle spécifique d’un individu.
D’ailleurs, c’est un des problèmes des personnes alexithymiques : comme elles ont un rapport différent à leurs émotions elles passent leur temps à être invalidées dans l’expression de leurs émotions.
Dans un email immédiatement à la suite de celui-ci, je t’envoie le lien de deux tests qui te permettront de mesurer objectivement et numériquement ton alexithymie.
Mais ici je veux essayer de te faire une description qualitative.
Ce que l’alexithymie n’est pas
Ce n’est pas un manque d’émotion.
Historiquement, on a commencé par croire que les personnes alexithymiques n’avaient pas d’émotions. On sait aujourd’hui que c’est faux. Elles ont des émotions mais quelque chose est plus compliqué soit dans l’identification, soit dans la distinction, soit dans la verbalisation des émotions (soit plusieurs à la fois).
Ce n’est pas non plus un manque d’empathie. La personne a plutôt une empathie différente. Parce que, la plupart des gens se servent de leur propre vécu pour ressentir l’empathie. En gros, moi je sais qu’à la place de la personne je me sentirais comme ça, donc j’évite de lui faire quelque chose qui la mettra mal. Lui faire peur par exemple.
Comment je sais que ça lui fera peur ? Parce que je sais que MOI ça me ferait peur. Maintenant imagine une personne qui a du mal à identifier la peur en elle… bah ce mécanisme serait faussé.
C’est pas qu’elle manque d’empathie au sens où elle manquerait de générosité. C’est juste qu’elle ne peut pas se servir efficacement de l’effet de miroir émotionnel pour deviner comment les autres se sentent. Elle va passer par davantage de rationalisation, de processus conscients.
Ce n’est pas un trouble psychique. L’alexithymie a une part stable et une part temporaire. On a donc des personnes qui sont alexithymiques comme un trait de personnalité, une particularité neurologique. Dans ce cas on parle d’alexithymie primaire. Mais on a aussi des personnes qui sont temporairement alexithymiques (dans le cas d’une dépression ou d’un état de stress post traumatique par exemple). Dans ce cas on parle d’alexithymie secondaire. Une personne peut évidemment avoir les deux.
Ce n’est pas de la mauvaise volonté. Je pense que tu t’en doutais mais c’est important de le dire car le monde extérieur arrête pas de dire aux personnes alexithymiques qu’elles pourraient faire un effort. Sauf que l’effort qu’on leur demande c’est précisément ce qu’elles ne savent pas faire. Un peu comme les gens qui disent aux gens dépressifs d’utiliser leur volonté alors que la volonté est précisément ce qui est attaqué par la dépression. Dire à une personne alexithymique de faire l’effort de reconnaître une émotion est voué à l’échec. Ça ne veut pas dire qu’on peut pas l’aider, mais on ne peut pas se contenter de ça.
Ce n’est pas unidimensionnel. Parfois des gens alexithymiques ne comprennent pas qu’iels sont alexithymiques car ça s’exprimer différemment d’une autre personne. C’est normal, il y a plusieurs dimensions relativement indépendantes. Tu peux donc scorer bas sur une moitié mais haut sur une autre, et vice versa.
Ce n’est pas qu’une question émotionnelle. Ça affecte aussi des dimensions cognitives. On voit ça juste après.
Les dimensions ne font pas tous consensus
Y’a 4 dimensions de l’alexithymie retenues par le consensus scientifique. 2 émotionnelles et 2 cognitives. Mais je vais t’en montrer 3 de plus qui sont en débat.
#1 | Une difficulté à identifier les émotions
C’est la dimension la plus évidente. D’ailleurs souvent on résume, par raccourci, l’alexithymie à cette dimension.
J’ai une amie qui va avoir du mal à identifier précisément les émotions, surtout les négatives.
Si elle ne fait aucun effort elle n’a que deux états : contente et pas contente.
Je schématise pour que tu comprennes pédagogiquement, mais en elle c’est plus complexe que ça.
Y’a plein de classification différentes des émotions mais si on prend le modèle de Vice-Versa 1 (oui, oui le dessin animé…Inside out en version originale), alors ça donne :
Joie
Tristesse
Dégoût
Colère
Peur
Ce n’est absolument pas un modèle scientifique. Mais tu peux remarquer un truc très courant…
Y’a pas un truc qui t’interpelle avec ces émotions ?
Oui : à part la joie, ce sont des émotions qu’on pourrait qualifier de négative (aucune émotion n’est négative en soi mais tu vois ce que je veux dire).
Parce qu’on a tendance à identifier plus facilement les nuances entre les émotions “négatives” qu’entre les émotions “positives”. Du coup, c’est souvent comme ça que je découvre qu’une amie est alexithymique : parce que je vois qu’elle a du mal à distinguer les nuances de “négatif”.
Distinguer les nuances de “positif”, c’est un peu dur pour tout le monde. Alors que les personnes particulièrement alexithymiques sur cette dimension vont avoir tendance à décrire toutes leurs émotions négatives comme de l’anxiété. L’anxiété étant une sorte de grande mélasse.
Et du coup, ça peut même se percuter avec des choses qui ne sont pas des émotions en soi : la faim, la fatigue, la douleur. Elles peuvent avoir du mal à identifier si elles sont contrariées ou si elles sont fatiguées ou si elles ont soif.
#2 | Une difficulté à DÉCRIRE les émotions
Ici c’est différent. La personne identifie que c’est une émotion. Elle va ressentir une difficulté à utiliser un language émotionnel précis.
Par exemple, la peur, c’est un mot chapeau pour plein d’émotions plus fines : inquiétude, appréhension, terreur, frayeur…
C’est cet axe qui fait que la question ça va peut être un enfer pour une personne alexithymique. Je veux dire la vraie question, chez un·e psy, pas la question de politesse.
Attention, très léger spoil de Vice-Versa 2 mais c’est un spoil qui est dans les affiches et la bande-annonce. Je sais que moi je considère déjà ça comme du spoil mais que la plupart du gens ne diraient pas que c’est du spoil.
Je te laisse quand même la possibilité de sauter, ce passage, je te remets un gros titre fin du spoil.
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Dans Vice-Versa 2, le personnage a grandi, et du coup elle développe plus de finesse dans ses émotions. 4 nouvelles émotions débarquent donc :
Anxiété
Jalousie
Ennui
Honte
J’ai trouvé ça super cool d’intégrer cette finesse. Même si tu remarques encore que ce sont des déclinaisons d’émotions “négatives”.
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FIN DU SPOIL
En résumé, cette dimension de l’alexithymie repose vraiment sur le langage. Quelque chose se passe entre le niveau interne, puis le langage externe. Que ça soit parce que la personne n’arrive pas à décrire ses émotions avec les mots courants (elle peut être plus à l’aise avec des couleurs ou des mots inventés), que ça soit parce qu’elle n’arrive pas du tout à décrire ou alors que ça soit parce qu’elle trouve que les mots courants décrivent mal son expérience… ce qu’on observe ici c’est le résultat externe.
#3 | Pensée orientée vers l’externe (Externally Oriented Thinking)
Voici la première des sous-dimensions cognitives. Il s’agit d’avoir une pensée moins introspective. Moins tournée vers son intuition. Attention, je trouve que y’a un truc qui peut amener de la confusion sur cette dimension, surtout dans les tests.
Par exemple : I make decisions based on principles rather than gut feelings.
J’ai envie de répondre oui : je me repose davantage sur des principes que sur mon intuition. Mais parce que je veux dire que j’essaie de ne pas être biaisé par mon intuition. Sauf que si je m’inquiète d’être biaisé par mon intuition c’est précisément parce que j’en ai une très forte.
Ici ce qu’on essaie de mesurer c’est plutôt est-ce que tu as du mal à consulter ton intuition.
#4 | Réticence/Difficulté d’imagination
Le terme retenu dans la littérature c’est imagination restreinte. Mais je trouve la formulation validiste.
C’est la dimension que je trouve la plus floue.
Et, maintenant, les 3 suivantes sortent du consensus mais sont intéressantes parce que je les trouve étonnantes. On n’y pense pas forcément.
#5 | Désintérêt pour la sexualité
Là encore j’ai modifié le terme retenu qui est difficultés et désintérêt. Parce que j’ai l’impression que le concept de difficulté est dur à démêler des interférences du patriarcat.
#6 | Des problèmes relatifs aux relations interpersonnelles
On retrouve ici le problème de la double empathie. Les personnes qui ne sont pas alexithymiques vont te reprocher ton manque d’empathie ou se plaindre que tu ne partages pas assez tes émotions.
#7 | Interprétation des émotions par procuration
Ici on mesure la tendance à comprendre ce qu’on ressent, en se servant des autres personnes. C’est une conséquence indirecte des deux premières dimensions. Comme j’ai du mal à identifier et décrire mes émotions je m’appuie sur d’autres personnes qui me disent comment elles se sentiraient à ma place.
Si tu penses être concerné·e, je prépare une formation
Je ne réalisais pas à quel point l’alexithymie perturbait vos vies avant de faire des interviews avec vous. Comme je ne suis, a priori, pas concerné j’avais tendance à minimiser.
Attention, c’est comme pour l’autisme : quand je dis que ça perturbe vos vies c’est parce qu’on vit dans une société qui ignore l’alexithymie. Je ne dis pas que c’est un genre de défaut, de maladie que tu as.
Mais, dans le contexte d’une société neuronormative, ça peut être très dur à vivre.
Ne serait-ce que parce que ça augmente les chances de développer un trouble psychique qu’on ne voit pas venir.
Mais surtout parce que ça rend difficile de savoir ce que tu veux faire.
Dans son livre L’erreur de Descartes, António Damásio montre comment la séparation émotion/raison est artificielle. En réalité nous nous servons en permanence d’un mélange des deux. Il l’illustre avec une personne qui, suite à l’équivalent d’une lobotomie, perd sa capacité de ressentir ses émotions.
Ce n’est donc pas une personne alexithymique car, on le rappelle, une personne alexithymique ressent les émotions. Cependant ça reste intéressant car en surface l’effet est le même.
Comme Phileas ne ressent plus ses émotions il se met à prendre des décisions étonnantes. Par exemple, aller acheter une nouvelle agrafeuse pour le bureau au lieu d’assister à LA réunion avec les investisseurs sur laquelle repose l’avenir de l’entreprise. Sans émotion, il n’arrivait plus à décider, à prioriser. Alors même que ses capacités de raisonnement n’étaient PAS altérées.
Parce que les émotions sont notre boussole, notre manière de savoir ce qu’on valorise.
Voilà pourquoi l’alexithymie est comme une myopie entre tes valeurs et toi.
Je suis en train de préparer une formation sur le sujet. Ça s’appelle :
ANTI-ALEXITHYMIE : les premières étapes pour déflouter tes émotions
Mais je ne sais pas si y’a vraiment une demande de votre côté. Donc, ce que je te propose c’est ce que j’ai déjà fait pour ma toute première formation sur l’autisme : un système de prévente.
Si vous êtes 40 à prendre une prévente, je tourne la formation. Sinon je vous rembourse.
Pour l’instant on est encore loin du compte donc wait and see.
Si tu veux que cette formation existe, c’est par ici. Évidemment pour te remercier de la prendre en prévente je te fais un prix réduit :

