Les 4 leviers de l'autonomie
On l’a vu, la motivation intrinsèque se compose de trois leviers :
La maîtrise
L’autonomie
L’appartenance.
Aujourd’hui on va creuser l’autonomie.
Mais c’est pas pour tout le monde !
Je suis toujours étonné quand les gens s’exclament que tout le monde n’a pas besoin d’autonomie. Je trouve cette vision de l’humanité tellement triste. Genre y’aurait les moutons et les bergers. Ça me fait penser aux gens qui me disent qu’ils sont multipotentiels… comme si y’avait des gens monopotentiel.
Au final, il y a un peu de vrai dans cette vision. Mais elle passe à côté du plus important : c’est un état induit.
Il n’y a aucune fatalité.
D’ailleurs :
Pour ma part, je suis convaincu que nous sommes plutôt voués à l’action et à l’implication. Je pense que nous sommes fondamentalement portés à être curieux et autonomes.
Je l’affirme non pas en vertu de je ne sais quel idéalisme naïf, mais parce que j’ai observé de jeunes enfants. Ma femme et moi en avons trois. Avez-vous déjà vu un bébé de six mois ou d’un an qui ne montrait pas de curiosité ni de propension à agir par lui-même ? Pas moi. Notre véritable nature, la voilà.
Si quelqu’un est passif et inerte, que ce soit à 14 ans ou à 43 ans, ce n’est pas parce que c’est sa nature. C’est parce que quelque chose est venu modifier son réglage par défaut.
Mais c’est quoi ce quelque chose ? Si tu as suivi les expériences présentées cette semaine tu as peut-être déjà la réponse : les récompenses et les punitions. Depuis l’enfance on nous apprend à faire les choses pour avoir une récompense ou pour échapper à une punition.
En ce moment je lis un livre que je vais te résumer bientôt. L’autrice étudie les cultures non influencées par l’occident. Pour voir comment elle élève leurs enfants. Et elle se rend compte que les enfants font spontanément les tâches ménagères. Sans en faire un plat, ça semble naturel. Pourquoi ? Et bien justement parce que les parents ne mettent jamais en place un système de carotte et de bâton. Y’a pas d’argent de poche pour faire la vaisselle. Y’a pas non plus de punition si tu ne la fais pas. Personne ne va crier sur toi, personne ne va te dire que ça le déçoit. C’est ta liberté. En revanche on te dira que tu te comportes comme un bébé.
Et ça appuie sur le besoin d’appartenance à la communauté des adultes qui lui est bien un motivateur intrinsèque.
Or, à l’âge adulte on fait encore pire : on utilise le management.
Ce quelque chose pourrait bien être le management. Celui-ci ne concerne pas seulement la façon dont les patrons traitent leurs employés, c’est aussi une philosophie de l’entreprise qui s’est introduite dans l’éducation, dans les familles et dans bien d’autres aspects de notre existence. Le management n’est peut-être pas la réponse à cet état d’inertie et de passivité qui serait notre état naturel mais plutôt une des forces qui modifient notre réglage par défaut et qui produisent cet état.
Le management classique est un poison qui se présente comme le remède. Une prophétie auto-réalisatrice.
En sapant l’autonomie il entretient un cercle vicieux qui oblige à proposer des récompenses/punitions de plus en plus fortes ce qui va nous permettre de conclure : ah bah voilà les gens sont fainéants, ils ont besoin d’être managés.
Levier #1 : ce que je fais
La première condition de l’autonomie c’est de pouvoir choisir ce que je fais. Au moins relativement.
Tu as peut-être déjà entendu parler de la règle des 20% :
L’entreprise la plus connue qui ait adopté cette méthode est Google, qui encourage depuis longtemps ses ingénieurs à consacrer un jour par semaine à un projet secondaire.
Certains mettent à profit ces « 20 % » pour améliorer un produit existant, mais la plupart les emploient à créer quelque chose d’entièrement nouveau. Bien entendu, Google ne revendique pas la propriété intellectuelle de ce qui est créé durant ces 20 % du temps : ce qui est sage.
Au cours d’une année type, plus de la moitié des innovations de Google naissent pendant ces périodes de pure autonomie. Ainsi, par exemple, c’est pendant ses 20 % de temps d’autonomie totale que le scientifique Krishna Bharat, frustré par la difficulté de trouver les actualités en ligne, a créé Google News. Ce site reçoit maintenant plusieurs millions de visiteurs par jour.
Paul Bucheit, alors qu’il était ingénieur chez Google, avait créé Gmail pendant ses 20 % de temps d’autonomie. Gmail est aujourd’hui une des messageries électroniques les plus utilisées du monde.
Cette méthode a été appliquée avec succès dans plein d’autres entreprises que Google.
Mais on peut le faire de plein de manières différentes. Parfois juste laisser le choix entre deux alternatives peut faire bondir le bien-être.
Levier #2 : quand je fais
Le deuxième levier de l’autonomie c’est de pouvoir décider du moment où je travaille.
D’ailleurs, les métiers où on facture son temps son souvent des métiers où on est moins heureux, heureuses.
Ça explique pourquoi on a cette intuition de j’aimerais gagner de l’argent sans devoir échanger mon temps.
Malheureusement, la plupart des entreprise sont bloquées dans la vision inverse : compter bêtement les heures de travail au lieu de mesurer le résultat.
Certaines entreprises l’ont compris et ont mis en place la méthode ROWE, c’est-à-dire en gros se mettre à juger les résultats au lieu du temps.
À propos des résultats obtenus par la compagnie en appliquant la méthode ROWE, Tamara Erickson écrit dans Harvard Business Review :
“Les salariés passent le temps qu’il faut à faire leur travail. Dans ce programme, des salariés payés à l’heure travaillent un nombre d’heures fixé pour respecter la réglementation fédérale du travail, mais ils choisissent eux-mêmes leurs horaires.
Chez ces salariés, les relations avec les proches et les amis sont meilleures, ils sont plus loyaux envers la compagnie, plus consciencieux et consacrent davantage d’énergie à leur travail. La productivité a augmenté de 35 % et le nombre de départs volontaires est inférieur de 32 points par rapport aux équipes qui n’ont pas adopté ce changement. Les salariés disent qu’ils ignorent s’ils travaillent moins d’heures : ils ont arrêté de compter.”
Là encore, sans aller jusque là, le simple fait d’introduire de la souplesse peut décupler le bien-être. Je suis effaré chaque fois que j’ai un·e ami·e qui me raconte qu’il faut demander la permission à un·e manager pour poser ses congés à une date !
Pire, encore, certaines personnes ont carrément des dates de congés imposées ! L’horreur.
Dans l’entreprise où je travaille c’est l’inverse : tu annonces tes dates de congés et ton manager s’arrange sur comment gérer.
Levier #3 : comment je fais
Personne n’aime être micro-managé·e. Or, pour un métier donné, il existe toujours une version micromanagée et une version avec de l’autonomie. Même pour des métiers qu’on pense sans autonomie comme être à la caisse d’un magasin.
Il y a toujours de la place pour que les personnes qui exercent le métier ait leur mot à dire sur comment le faire.
Un des drames du management classique c’est qu’on dépossède les travailleurs et travailleuses de leur capacité à dire comment s’organiser, pour la remettre dans les mains d’un·e manager qui parfois n’a jamais fait le métier !
Et même quand il ou elle l’a fait par le passé, il ou elle finit par être déconnecté·e des réalités terrains.
On a vu les effets désastreux de cette logique sur le service public.
L’exemple qui m’a le plus éclairé dans le livre La vérité sur ce qui nous motive c’est un exemple sur un métier où vraiment on imagine que ça peut pas être fait en autonomie : être dans un centre d’appel pour prendre les appels des clients dans un service après vente.
La compagnie aérienne américaine Jetblue a été une des premières à essayer cette méthode. Depuis son lancement en 2000, Jetblue emploie des salariés qui travaillent à domicile pour le service clientèle et elle arrive largement en tête dans les classements en termes de qualité de service.
La productivité et la satisfaction des salariés sont généralement meilleures avec le homeshoring, en partie parce que les salariés sont plus à l’aise et se sentent moins surveillés et moins contraints quand ils travaillent chez eux mais aussi parce que cette façon de privilégier l’autonomie permet de trouver des travailleurs plus talentueux ou plus compétents.
Il s’agit souvent de parents, d’étudiants, de retraités ou de handicapés qui ont une véritable volonté de travailler mais qui ont besoin de pouvoir le faire selon leur propre rythme. Selon une étude, entre 70 et 80 % des télé-agents assurant un service client depuis leur domicile ont un diplôme d’études supérieures de premier cycle, c’est-à-dire deux fois plus souvent que les personnes qui travaillent dans les centres d’appels.
Alpine Access, PHH Arval et LiveOps, qui gèrent des départements de service clientèle pour le compte d’un certain nombre de grandes sociétés, ont vu leurs coûts de recrutement se réduire à presque rien après avoir adopté cette méthode. Ce sont les candidats qui viennent les voir.
Aujourd’hui, un certain nombre de compagnies américaines comme 1-800-Flowers, J. Crew, Office Depot et même l’Internal Revenue Service ont suivi le même chemin. Les télé-agents se sentent libres de leurs choix et s’approprient les appels qu’ils traitent, comme cela se passe partout où l’on utilise à bon escient Motivation 3.0.
Levier #4 : avec qui je le fais
C’est le levier le plus compliqué à mettre en oeuvre : pouvoir choisir avec qui on travaille. C’est d’ailleurs probablement ce levier qui pousse les gens à vouloir se mettre à leur compte, créer leur entreprise, etc.
Chaque personne accorde une différence différente à chaque levier
En outre, tout le monde n’accordera pas la même importance aux différents aspects de l’autonomie. Certains auront surtout besoin d’être autonomes par rapport à leur travail, tandis que d’autres tiendront plutôt à maîtriser leur environnement humain.
Comme me le disait Hisieh, le PDG de Zappos, dans un courriel : « Des études montrent que le sentiment de contrôle est une composante importante du bonheur de l’individu.
Cependant, ce que les gens ont l’impression de pouvoir contrôler est en réalité variable, aussi je ne pense pas qu’il y ait un aspect de l’autonomie qui soit le plus important de façon universelle. Des individus différents ont des désirs différents, aussi la meilleure méthode pour un employeur serait de chercher à savoir ce qui est important aux yeux de chacun de ses salariés. »
Source
Comme toute cette semaine, les extraits viennent de :