L'équipe en face est diabolique
Non.
Mais on le pense à cause d’un mécanisme psychologique qui s’appelle l’erreur ultime d’attribution.
Pour la comprendre, il faut comprendre sa petite version : l’erreur fondamentale d’attribution.
Quand je rate c’est la faute du monde, quand une autre personne c’est sa faute à elle
L’erreur fondamentale d’attribution c’est notre tendance à surestimer les causes internes par rapport aux causes externes dans le succès ou l’échec d’autrui.
En français, ça donne quoi ?
Quand j’observe un échec je me dis que ça provient de quelque chose qui est à l’intérieur de la personne : son caractère, son travail (ou manque de travail). Au lieu de me demander si c’est la chance ou les circonstances.
Mais ce qui est marrant c’est que cette erreur se retourne quand on se juge soi-même. Face à soi, on se dit que si on échoue c’est la malchance alors que si on réussit c’est grâce à nous-mêmes.
C’est un mécanisme avec tellement d’impacts dans nos vies qu’on l’a appelée erreur fondamentale d’attribution.
Mais alors… c’est quoi la version ultime ?
La même chose à l’échelle d’un groupe
Princeton vs Darthmouth.
C’est un match de football américain entre deux universités. Mais il a pour particularité d’avoir tourné en une totale boucherie.
Là où c’est fascinant c’est que des chercheurs ont mené une étude pour découvrir la perception des étudiants. À qui la faute ?
Première conclusion : 2% des élèves de Dartmouth estiment que c’est leur équipe qui a commencé à jouer brutalement. Et 0% des élèves de Princeton estiment que c’est leur équipe.
Deuxième conclusion : bien que les étudiants de Dartmouth disant que Princeton a commencé étaient minoritaires, ils étaient une majorité à dire c’est la faute des deux.
Chaque camp minimise ses fautes.
On a alors demandé aux étudiants de revoir le match, enregistré. Et… rien n’y fait… le décalage persiste :
Alors qu’ils ont vu la même vidéo, ils ne comptent pas le même nombre de fautes. Là encore à l’avantage de leur équipe.
En vrai, je ne t’apprends rien : c’est vraiment un effet de supporter de match de foot.
Mon groupe n’a pas fait exprès de mal se comporter alors que l’autre groupe est un connard
En gros on commet l’erreur fondamentale d’attribution mais à l’échelle d’un groupe. Au groupe auquel on s’identifie on pardonne tout, on insiste sur les causes externes. Par exemple : les deux équipes ont commencé à être brutales alors que manifestement c’est bien mon équipe qui a commencé.
Alors que, pour le groupe “ennemi”, on insiste sur les causes internes : ils sont brutaux.
Malheureusement, ça ne s’arrête pas qu’au sport. Ça se passe pareil sur tout.
Ici avec des catholiques et des protestants dans le contexte de guerre civile en Irlande. On leur montre les mêmes images et on leur demande de dire à chaque fois si l’acte est de la faute de la personne ou si c’est à cause d’un facteur externe (par exemple : on l’a provoqué, quelqu’un d’autre a commencé, etc).
Et bien avec exactement les mêmes images on obtient ça :
En d’autres termes : quand les catholiques voient des catholiques commettre des violences ils sont indulgents. Quand les protestants voient des protestants commettre des violences ils sont indulgents.
Mais ils diabolisent le camp d’en face.
Bien sûr c’est ce biais que mobilisent le racisme, le sexisme, etc.
Pour aller plus loin
Je ferai jamais mieux que cette excellente vidéo dont sont issus tous les screens :