L'énorme danger des histoires
Les histoires sont des puissances dévastatrices. Hier je t’ai surtout parlé de comment faire le “bien” avec. Mais on peut aussi faire le “mal”.
Je vais te montrer trois histoires toxiques qui ont fait des dégâts et qui continueront à en faire tant qu’elles ne seront pas remplacées par d’autres histoires.
Mais avant ça il faut comprendre pourquoi les histoires sont si puissantes.
Nous avons le pouvoir d’imaginer
C’est un point qui est développé par Tim Urban dans son article A story of stories : à la différence des autres animaux nous pouvons nous projeter.
Un chien a une capacité limiter à recevoir des promesses. C’est pour ça que c’est dur de contrôler son comportement. Il ne comprend pas vraiment les promesses de récompense ou de sanction.
En plus de ça, un chien aura du mal à reconfigurer son logiciel interne. Il a le logiciel chien OS qui ne se met pas à jour. On ne peut pas le changer. Ou alors légèrement. Il est légué de chien en chien. Chaque chien va se mettre à manger de la viande par exemple.
Les humains ont un logiciel particulier : sur humain OS on peut faire de grosses mises à jour. Par exemple, les humains peuvent manger à peu près tout ce qui se mange mais certains peuvent décider qu’ils ne veulent plus manger d’animaux. Ils peuvent même décider de s’abstenir volontairement de manger pendant un temps.
Cette flexibilité est à la fois notre force et notre faiblesse.
La force d’un logiciel flexible
Puisque nous pouvons reconfigurer notre logiciel, nous avons une emprise partielle sur notre comportement. Mieux encore, on peut mettre à jour notre logiciel sans avoir vécu l’événement qui le justifie. Il suffit de croire une autre personne sur parole.
Par exemple, je n’ai jamais été piqué par un scolopendre, mais je fais confiance à toutes les personnes qui m’ont dit que ça faisait vraiment très mal. Par conséquent, quand je dormais en Guadeloupe dans une chambre située à côté d’un nid de scolopendres, je faisais très attention.
Je n’avais pas l’instinct de fuir les scolopendres. Mon instinct ça aurait été d’en attraper un.
Nous avons probablement quelques réactions instinctives. J’avais lu que nous étions beaucoup à fuir devant un serpent même sans jamais en avoir entendu parler. Je ne sais pas si c’est vrai, il faudrait que je vérifie. Mais ce que je tiens pour sûr c’est que ce genre de réaction est limitée. Nous n’avons pas d’instinct sur tout, si tant est qu’on ait un instinct tout court.
Tout ça pour dire qu’il m’a suffi d’écouter le récit des personnes qui avaient été piquées pour le croire. D’ailleurs, au début j’avais des récits de personnes qui avaient écouté les récits d’autres personnes. J’ai mis du temps avant de connaître vraiment quelqu’un qui avait été directement piqué. Pour autant je faisais quand même confiance.
Le danger de cette flexibilité
Tu vois probablement où tout ça va ?
Cette flexibilité est aussi un gros levier de manipulation. Imagine maintenant que les autres me racontent des histoires fausses ?
Par exemple le Père Noël. Quand on est enfant, les adultes envers lequel on a le plus confiance nous inventent cette histoire pour se moquer de nous.
Je ne crois pas une seule seconde en l’argument de “c’est pour leur mettre de la magie”. On profite de leur crédulité. Si on faisait ça à un adulte on le verrait comme quelque chose de grave.
Du coup, nous voici désormais en train de prendre des décisions sur la base d’une histoire fausse. Heureusement, la supercherie finit par nous être dévoilée. Mais ce n’est pas toujours le cas.
Beaucoup d’humains ont vécu en étant persuadés qu’il y avait une volonté divine qui les obligeait à labourer la Terre. Qu’il était normal d’avoir un roi, des seigneurs et des serfs.
Beaucoup de personnes ont cru que le tabac était inoffensif pour la santé. C’était l’histoire qu’on leur racontait.
Et ainsi de suite.
Je t’avais promis trois cas de figure. Les voici.
Histoire #1 : le racisme c’est aux USA
Ici on a une histoire qui est au niveau national, voire mondial. On aime braquer les projecteurs et dire oh la la mais les USA quand même ? Alors qu’il s’agit avant tout d’un effet de projecteur, justement.
Comment expliquer sinon que d’un côté on se soit indigné·es sur la mort de George Floyd, et de l’autre pas la moindre réaction sur celle de Claude Jean-Pierre. C’est d’ailleurs peut-être la première fois que tu entends son nom ?
Cela s'est passé le 21 novembre 2020. Il y a tout juste un an, Claude "Klodo" Jean-Pierre, retraité de 67 ans, père de famille, bon vivant, résidant de Deshaies, a été contrôlé par une brigade de gendarmerie, derrière l'hôtel de ville de sa commune, sous l'œil de la caméra de vidéo-surveillance installée par la municipalité.
Après cette rencontre, il ne regagnera jamais son domicile. Il est mort, au Centre hospitalier universitaire (CHU) de Pointe-à-Pitre/Les Abymes, le mois suivant.
(…)
La scène a été entièrement filmée, par les caméras de sécurité installées par la ville.
Il a fallu que les avocats du clan Jean-Pierre fassent des pieds et des mains, pour enfin pouvoir visionner les images en question ; celles-ci ont aussi été rendues publiques, partiellement, le 20 mai 2021. Des images choquantes.On y voit les deux gendarmes extraire avec force Claude Jean-Pierre de son véhicule. Ensuite, le sexagénaire apparaît inerte, au sol, au soleil, au pied des deux militaires. La vidéo montre aussi sa tête heurter brutalement la chaussée, alors que l'un des représentants des forces de l'ordre le déplace.
Cette histoire a du mal à prendre de l’espace parce qu’elle se heurte à l’histoire majoritaire : le racisme c’est avant tout aux USA, les bavures c’est là-bas.
Alors que pourtant on a quasiment le même cas de figure de bavure policière. On a également les images. Mais… pas de réaction.
Il en va de même quand on a le malheur de dire un mot en anglais dans le cadre de l’antiracisme. On reçoit comme réponse mais j’ai l’impression que tu importes des modèles américains.
Cette accusation est totalement infondée. La première fois que j’ai fait une conférence sur l’antiracisme j’ai raconté des anecdotes issues uniquement de mon expérience personnelle directe. Puis j’ai eu le malheur de dire un mot en anglais. Et bien ça n’a pas loupé : une personne est intervenue en me disant que j’avais des références américaines selon elle. Une culture américaine même. Ce qui a rajouté une violence en plus : je me sens profondément français mais parce que je parle du racisme je ne le suis plus ?
Là encore je pense que c’est parce que l’histoire le racisme c’est aux USA est beaucoup trop ancrée.
Alors que, dans les faits, c’est bizarre comme méfiance. Premièrement parce que tous nos discours sont influencés par la culture américaine. C’est normal. Mais quand les entrepreneurs du web viennent expliquer leur vision on leur répond pas non mais c’est américain votre truc.
Deuxièmement parce qu’il est dur de trouver un pays davantage similaire sur la question du racisme à la France que les USA. On se focalise sur les différences qui existent mais on oublie ce qui nous rassemble : le fait d’avoir participé à la traite négrière et d’avoir sur son sol une population qui descend des esclaves de l’époque.
Histoire #2 : Marine Le Pen fait du social
Même moi je me suis laissé avoir. Pendant la campagne on nous a vendu une Marine Le Pen qui aurait changée, se serait adoucie. Mieux encore : elle aurait un programme de gauche.
Comme on l’a vu, c’est totalement faux. Je ne reviens pas dessus. Mais c’est fou qu’on puisse y croire.
Ce récit est désormais si ancré que la peur de voter pour un programme d’extrême-droite est en train de diminuer à vitesse grand V.
Un peu comme si d’un coup on disait mais non mais les Cobras sont pas si dangereux, regardez blablablablabla…
Histoire #3 : les Noirs ne vont pas chez le psy
Pour finir, je voulais te parler d’une histoire qui m’a percuté de plein fouet. Quelque chose de plus personnel.
Dinos le rappe très bien :
J'peux pas aller chez l'psy parce que j'suis un mec de tess J'ai plein d'principes stupides que j'dois respecter Quand on m'demande pourquoi, j'réponds : "parce que c'est comme ça au quartier"
Il dit “le quartier” mais je pense que ça s’applique de manière générale dans les cultures Noires. Et je crois que c’est même le cas dans beaucoup de cultures non blanches, de manière encore plus générale.
La première fois que j’ai mis des mots dessus c’était en regardant la série Dear White People.
Il y avait un passage où un des héros dénonçait ce tabou qui existe dans nos cultures sur le sujet.
J’ai souvent cité ce passage à mes propres élèves Noires que j’avais en points individuels. En leur disant que c’était débile et qu’il fallait qu’elles aillent chez le psy malgré ça.
Plusieurs l’ont fait.
Puis l’une d’entre elles est revenue vers moi en me disant bon bah alors, toi t’as rdv quand ?
Et là… je ne pouvais pas lui répondre tu sais, c’est dur, dans la culture antillaise blablabla
Puisqu’elle était elle-même de cette culture, qu’elle m’avait elle-même avancé cette objection et que c’était moi qui l’avait poussée, notamment en lui racontant la scène de Dear White People. Résultat ? J’y ai été. Et c’est une des meilleures décisions que j’ai prises dans ma vie.
Je te raconte cette histoire parce que je trouve qu’elle résume bien comment une histoire collective a un impact à l’échelle individuelle et comment on peut remplacer cette histoire par une histoire plus en phase avec nos valeurs individuelles.
J’aime beaucoup de choses de la culture que j’ai reçue, mais je suis bien décidé à me sortir de ce point particulier, à m’en extraire. Ça a été dur mais j’y suis arrivé. J’ai réussi à reconfigurer mon logiciel.
Je peux t’apprendre les secrets des histoires
Les histoires ont une puissance phénoménale, on l’a vu. Que ça soit dans le bon au mauvais sens.
Voilà pourquoi je pense que tout le monde devrait comprendre les mécaniques fondamentales des histoires pour être en mesure de les détecter, les déceler, les décrypter.
Que ce soit les histoires collectives qu’on veut changer ou même les histoires qu’on se raconte à soi.
Savoir raconter et repérer les histoires c’est détenir le pouvoir de transformation…
…sur soi et sur autrui.
Que ce soit au travail : négocier son salaire est plus facile si on sait raconter l’histoire, passer un entretien d’embauche aussi puisque c’est la première question qu’on nous pose.
Que ce soit dans nos échanges avec nos proches : le couple en lui-même EST une histoire par exemple.
Que ce soit avec nous-même : être capable de se dire que ce qu’on se raconte c’est une histoire et non pas la réalité. Reconnaître les schémas qui caractérisent une histoire pour s’auto-sortir de sa propre hypnose.
Tout ça je peux te l’enseigner. J’ai une formation qui s’appelle :
Storytelling. Utiliser la puissance de la narration dans toutes ses communications. Même les plus austères.
Elle dure moins de deux heures : 7 vidéos de 15 minutes et 1 vidéo bonus de 30 minutes. Ce qui veut dire que si tu la prends maintenant tu peux avoir fini avant demain et commencer à appliquer après-demain.
Et surtout… jusqu’à vendredi je l’ai remise à son prix de lancement de l’époque. Donc tu économises 70€.
C’est par ici : https://nicolasgalita.podia.com/storytelling?coupon=RETOUR-DU-STORYTELLING