L'impuissance est l'ennemie
quand les gens se sentent impuissants, savent qu'ils n'ont pas les moyens de changer une mauvaise situation, ils ne s'intéressent pas au problème. Pourquoi, en effet, se mettre à concevoir et imaginer la façon de dépenser un million de dollars si vous ne les avez pas et savez que vous ne les aurez jamais? À moins, bien sûr, que vous ne vous adonniez à la rêverie.
Une fois que les gens sont organisés et qu'ils ont le pouvoir d'entreprendre des changements, alors seulement ils commencent à penser aux façons de les introduire et à en discuter
C’est, de loin, le passage qui m’a le plus marqué quand j’ai lu Etre Radical pour la première fois.
Déjà parce que ça s’applique directement à mon métier (formateur) et non uniquement à la politique. Et ensuite parce qu’il se trouve que je posais exactement cette question en début d’année à mes élèves. Chaque fois j’étais sidéré d’avoir 20 à 30% de la classe qui me répondait je sais pas quoi faire avec 18 millions d’euros. Vraiment qui refusaient l’exercice.
Je ne comprenais pas à quel point les gens refusent de réfléchir à un problème si c’est juste pour rêver.
Ce n'est que lorsque les gens ont réellement l’occasion d'agir et de changer quelque chose qu’ils commencent à approfondir leurs problèmes. Ils manifestent alors leurs compétences, posent les questions justes, sollicitent des conseils professionnels et cherchent des réponses.
Le chaos paralyse, le problème galvanise
D’où vient le sentiment d’impuissance ? De l’incapacité à formuler ses problèmes.
Ça a l’air chelou dit comme ça :
Au début, le travail de l’activiste est de découvrir et de formuler, donc de créer les problèmes. Cela paraît complètement stupide de dire qu'une communauté à faible revenu, un ghetto par exemple, ou même qu'une communauté de classe moyenne n'a aucun problème en soi, de sorte qu'il faille en créer.
Le lecteur ne va pas y croire, notamment en ce qui concerne le ghetto. Le fait est là; dans toute communauté, pauvre ou non, les gens ont des problèmes, et sans doute même des problèmes graves.
Mais ils n'ont pas de « problème» au sens où l’activiste entend ce mot; ce n'est qu'un mauvais état de choses, un chaos. Un problème est une chose sur laquelle vous avez prise; tant que vous vous sentez sans pouvoir et incapables de faire quoi que ce soit, vous n'avez pas un problème mais un chaos.
Les gens se rabattent sur des rationalisations: « Le monde est ainsi fait, qu'y pouvons-nous ? Nous n'avons pas demandé à venir au monde; tout ce que nous pouvons faire, c'est espérer que quelque chose finisse par se produire un jour quelque part.» C'est ce qu'on appelle la passivité.
Voilà.
Pour faire bouger des gens il faut leur donner des problèmes spécifiques et à leur portée de résolution.
La dissolution a précipité l’union
Tu pourrais te dire mais comment des partis qui n’ont pas réussi à s’entendre en 20 ans trouvent magiquement la recette de l’union ? Comment on peut avoir une union du NPA à Hollande ?
Bah parce que la dissolution ne crée pas du chaos au sens que ce mot a dans l’ouvrage d’Alinksy. Elle nous montre un chaos : ce qui se passe si l’extrême-droite prend le pouvoir. Mais elle dessine une liste de problèmes très spécifiques et chronométrés.
D’un coup tout devient simple quand tu es une organisation de gauche qui veut s’opposer à l’arrivée d’une majorité RN :
Affirmer que c’est tellement la merde que tu baisses tes exigences habituelles
Dire les grandes lignes qui sont le plus petit dénominateur commun
Répartir les circonscriptions (et donc l’argent car les partis politiques sont financés en France en fonction de leurs résultats aux législatives. C’est un point important qui explique pourquoi la question des alliance peut devenir explosive)
Signer l’accord
Etc
Formule des problèmes autour de toi
Tu as un champ d’action : convaincre des gens.
3 cas de figure.
Cas #1 : une personne de gauche qui ne vote pas
Explique-lui que cette élection est spéciale. Ne la prends pas de haut avec le bullshit de l’élection sacrée qui énerve tout abstentionniste. Mais là c’est spécial, c’est un peu comme le 21 avril 2002. L’extrême-droite est vraiment aux portes du pouvoir.
Cas #2 : une personne qui vote LREM
Il faut réussir à l’inciter à faire barrage si y’a un duel Gauche vs RN dans sa circonscription. Mais sinon si c’est une circonscription LREM vs Gauche… en vrai c’est pas la peine de s’épuiser non plus ça reste un siège que le RN n’aura pas. Et si c’est LREM vs RN, elle saura naturellement quoi faire.
Cas #3 : une personne qui vote RN
Et bah là tout va dépendre de ta capacité à risquer la relation. Je ne suis pas la bonne personne car je n’ai jamais su faire autrement. J’ai rompu avec toute personne dans ce cas. Mais de ce que je crois comprendre, il y a moyen de les retourner avec l’approche le RN est en train de vous trahir sur la retraite. Certes, ils votent avant tout par racisme, mais certains (surtout proche de la retraite) peuvent être refroidis.
Mais le vrai terrain c’est le racisme : comment on désintoxique quelqu’un. Alors là… dur à dire. Je sais qu’une des stratégies c’est de réussir à mettre la personne en situation d’empathie. Par exemple en la faisant se connecter avec une personne racisée qu’elle aime bien (et connaît personnellement) et qui contredit les préjugés qu’elle a sur le groupe.
Mais aussi en menaçant de couper les ponts quand on est assez proche.
Après… on va pas se faire trop d’illusions, en 15 jours c’est compliqué.
Cas #4 : les procurations
LFI a fait un site pour les dernières législatives. Ça permet d’aller trouver quelqu’un qui peut voter à ta place (car le problème des procurations c’est que la personne doit aller voter dans ton bureau de vote).
Donc si c’est ton cas ou le cas d’un·e proche à toi, voici le site : https://actionpopulaire.fr/procuration/
D’ailleurs ce site sert aussi si tu veux te rendre volontaire pour prendre la procuration de quelqu’un.
Parle autour de toi
Le moment est venu d’arrêter d’esquiver le sujet. Tu vois tous ces gens proches où vous évitez le sujet de la politique ? Bon bah c’est le moment de savoir. Tu ne peux pas avoir les discussions en les évitant.