On nous bassine avec le droit de vote comme si nos ancêtres s’étaient battus pour ça. Mais c’est totalement faux. Si tu disais à un·e révolutionnaire de 1789 qu’aujourd’hui on élit un président tous les 5 ans qui ensuite décide des lois à instaurer iel penserait que tu lui fais une farce.
Parce que les failles d’un tel système étaient déjà bien connues à l’époque :
La démocratie est dans la délibération
C’est pour ça que les dictateurs s’attaquent à la délibération et jamais à l’élection. T’as jamais remarqué ? Leur priorité c’est de faire taire les voix dissidentes.
Très souvent, le dictateur laisse des élections où il est élu à 90% à chaque fois (et parfois sans truquer directement le scrutin, il suffit d’avoir coupé à tout un pays la possibilité de discuter).
Alors que le dictateur ne laisse quasiment jamais une presse dissidente par exemple.
Le concept de l’élection est un garde-fou pour éviter qu’une personne reste trop longtemps à un poste de pouvoir, mais ça n’est que ça.
Notre obsession actuelle pour l’élection comme rituel démocratique c’est vraiment comme si on croyait que McDo était de l’alimentation.
Alors oui techniquement mais si tu t’alimentes que comme ça tu risques de ne pas très bien te porter.
Nos sociétés sont malades de bouffer ce McDo démocratique en boucle.
Si jamais tu votes pour des gens qui ensuite votent ce qu’ils veulent… ce n’est pas une démocratie saine.
L’élection chèque en blanc attire les pires personnes
On se plaint de nos politiques mais en même temps… est-ce qu’on l’a pas un peu cherché, quand même ?
On espérait quoi en faisant un système électif où des gens font une campagne pour dire que faut voter pour elleux ?
Qui va gagner ?
Les personnes compétentes ? Non : les personnes charismatiques…
Qui ça attire ?
Les personnes humbles qui adorent négocier ? Non : ça attire des monarques en puissance.
Déjà l’idée que y’aurait des personnes compétentes, en soi, pour diriger est une folie alors si en plus la principale compétence qu’on recherche c’est gagner des concours Miss France (pardon, des campagnes électorales)… ça devient compliqué.
L’élection chèque en blanc dépolitise
Comme les gens se décharge de la délibération dans les mains de quelqu’un d’autre… ils se ramollissent politiquement.
À quoi bon s’intéresser à un truc sur lequel on a pas le pouvoir ?
L’élection chèque en blanc brutalise
En plus, de tous les modes de scrutin possible on a choisi le scrutin majoritaire à deux tours.
C’est un des plus violents.
Pendant les délibérations du NFP je ne sais plus quel député avait fait la remarque très juste :
Nous procédons par consensus car le vote majoritaire c’est ce qu’on fait quand on ne se fait pas confiance.
On a associé le vote majoritaire à un truc très doux alors que c’est l’inverse : c’est la manière la plus brutale (en dehors de la dictature) de décider quelque chose.
Pourquoi te faire chier à prouver que tu as raison quand tu es la majorité ? La minorité peut parler autant qu’elle veut, tu n’as qu’à la battre au vote majoritaire.
Le peuple refuse la réforme des retraites ? Même parmi les gens qui ont voté pour toi ? Bah tu t’en fiches puisqu’ils t’ont délégué leur pouvoir.
Le consensus c’est plus long, mais ça laisse moins de gens dans la rage de la défaite.
D’ailleurs… quand tu es entre ami·es et que vous cherchez un restaurant vous procédez probablement par consensus. Vous dites pas :
Bon, on est 4 à vouloir aller dans le restaurant où on sert que de la viande, vous êtes 3 végétarien·nes mais tant pis pour vous, vous avez perdu le vote.
La délibération dans le projet de la première république
Dans le premier projet de constitution de la première république, les lois sont votées par un jeu d’assemblées.
Y’a les assemblées dites primaires où tout le monde peut venir.
Y’a les assemblées dites cantonales qui sont composées de gens élus par les assemblées primaires d’une même zone.
Et y’a l’Assemblée Nationale qui est composée de députés élus par les élus des assemblées cantonales.
Et donc l’Assemblée Nationale propose des lois qui ensuite redescendent jusqu’au peuple. S’il faut aller plus vite, l’Assemblée Nationale peut proposer une loi urgente qui ne redescend pas. Mais dans ce cas, les assemblées de terrain peuvent en proposer une autre ou faire révoquer les députés.
Voilà : une délibération circulaire.
Tu sais pourquoi tu n’as jamais entendu parler de cette première république ? Parce qu’elle n’a jamais existé. Ce que tu connais c’est La Terreur.
On a déclaré un régime autoritaire d’exception parce que la France était menacée d’invasion militaire par ses voisins en disant que dès que ça serait terminé on mettrait cette constitution.
Ça n’a jamais eu lieu.
Mon régime politique idéal : premières briques
Hier, je te disais que j’allais te dessiner mon régime politique idéal.
Alors tu te doutes de ce que je vais te dire : la base de ce régime sera la délibération.
🧱 Brique la plus facile : instaurer des Sénats Citoyens
Aujourd’hui, le Sénat n’a aucun sens. En résumé c’est une chambre qui sert à éviter que l’Assemblée Nationale vote trop à gauche. D’ailleurs, au début, le nom était évocateur, ça s’appelait “Sénat Conservateur” (mais genre le nom officiel).
Alors ce que je propose ce serait de remplacer ce sénat par des sénats citoyens. On touche rien au système actuel parlementaire sauf qu’on rajoute ces sénats. Y’en a dans toutes les communes de France. Et on peut également y participer en numérique.
Comme le Sénat actuel, ce système de sénats n’aura jamais le dernier mot sur l’Assemblée Nationale. Il vient juste amender et faire une contre-proposition à chaque proposition de l’Assemblée.
Ce serait pas grand chose… mais imagine… si l’Assemblée proposait une réforme impopulaire comme la réforme des retraites et au lieu que chaque personne peste devant sa télé ou aille en manifestation… elle allait délibérer dans un sénat citoyen avec d’autres citoyen·es pour ensuite proposer des contre amendements.
La sensation d’empouvoirement ?
Attention, ce n’est pas une critique de la manifestation. Je me joins à la constitution de l’an I qui avait instauré l’insurrection comme un droit du peuple. Mais je veux dire qu’il devrait y avoir un truc intermédiaire pour exprimer son désaccord entre parler tout seul dans le vide et descendre dans la rue.
🧱 Brique un peu dure : des assemblées focus sur un seul sujet
Sur le modèle de la convention pour le climat dont la production a été acclamée.
Là encore, zéro surprise : tu peux mettre les personnes les plus dépolitisées et qui disent les trucs les plus stupides, la magie de la démocratie c’est ça.
En fait c’est un peu comme la magie (noire) de la télé-réalité : tu enfermes des gens sur un jeu et à la fin les émotions sont décuplées.
Forcer les gens à délibérer ça les rend responsables et la nécessité du consensus fait qu’ils ne peuvent pas se contenter de postures.
Car ensuite faut proposer un truc crédible, chiffré, etc.
En vrai le modèle de la convention sur le climat était parfait à un détail près : ses propositions dépendaient du bon vouloir de Macron.
Si on refait le même système mais que les propositions sont obligatoirement soumises à l’Assemblée qui doit se prononcer dessus ça aurait déjà une autre tête.
Et donc on peut lancer ce genre de convention sur plein de sujets spécifiques.
🧱 Brique très dure : instaurer une Assemblée nationale à mandat court, tirée au sort
Bon… là je me fais pas d’idée… je sais que ça ne passerait jamais.
Mais ce serait le must, selon moi.
Déjà on arrête d’élire, on tire au sort. Le défaut du système de la constitution de l’an I, c’est que ça donne quand même la prime à des gens charismatiques qui se font élire. Certes, ces gens n’ont pas du tout les mains libres et doivent en permanence rendre compte au peuple et leur mandat dur une seule année, mais quand même.
Le tirage au sort supprime cette complication.
Le tirage au sort permet également d’avoir une assemblée représentative et non masculine, aisée, blanche, etc.
On s’inspirerait du système des jurés d’assise, avec donc des indemnisations pour les personnes tirées au sort.
Pendant un an, tu vas à l’Assemblée, tu continues de percevoir ton revenu habituel et tu vas délibérer des lois.
Cette brique est en conjonction avec les sénats citoyens qui amendent ce que tu fais.
Et évidemment cette Assemblée a les pouvoirs législatifs. Comme dans la plupart des pays d’Europe. En Allemagne, en Belgique, en Espagne… ce n’est pas à un président ou à un roi de gouverner. La personne avec le plus de pouvoir est le ou la première ministre. C’est-à-dire la personne qui représente l’Assemblée.
Mais… si je pousse encore la brique plus loin, ici on aura même pas besoin d’un premier ministre ou d’une première ministre : c’est l’Assemblée qui collectivement décide.
Ça n’empêche pas qu’il y ait un gouvernement pour exécuter.
Parce que, oui, quand on est à l’école on nous vend que le gouvernement a le pouvoir exécutif et l’assemblée nationale le pouvoir législatif. Alors que, dans les fait, dans la Vème République c’est tout simplement le président qui a les deux.
Le simple principe de séparation des pouvoirs n’est absolument pas déployé.

