Vous avez été beaucoup à aimer l’email : Ecrire c’est ranger ta tête. J’ai reçu un nombre inhabituel de retours enthousiastes.
Ce qui est fou c’est que j’étais moi-même très insatisfait de ce texte.
Parce que je n’ai pas eu le temps de faire la quantité minimale de recherches que je m’impose normalement. Alors que, si tu me suis, tu sais que je n’aime pas le contenu de développement personnel qui ne fait pas l’effort de s’ancrer dans la science.
C’est la porte ouverte à juste donner un avis erroné et de camoufler ça avec de la sagesse. Tu sais du style si tu ne t’aimes pas toi-même, qui va t’aimer ?
Euh… tes parents ? tes ami·es ? tes partenaires ?
Je l’ai quand même envoyé parce que j’avais mémoire d’avoir lu des contenus scientifiques sur le sujet. Juste je n’avais pas le temps de les retrouver.
C’est là que l’une d’entre vous intervient.
Louise Morel nous parle de l’écriture introspective
Je reçois un email en réponse à Ecrire c’est ranger ta tête. Un message sympa qui mentionne à un moment
j’ai écrit un petit guide sur l’écriture introspective.
Et maintenant que j’ai commencé à le lire, je suis presque choqué de la formulation et de l’humilité du message vu à quel point ce guide est à des années-lumières d’expertise de ce qui était dans mon email.
Alors, avec son accord, j’ai décidé de t’en partager des extraits.
Extrait #1 | L’introduction
Et si on arrêtait de faire semblant ?
Promettez-vous de dire la vérité, l'entière vérité et rien que la vérité ?
À un repas de famille ? Avec vos collègues autour de la machine à café ? Pendant une rupture ? À un entretien d’embauche ?
On vit dans un monde qui valorise très fortement la sincérité – du moins en apparence. On nous enjoint à être authentiques et à faire preuve de “transparence”.
Mais la vérité, c’est qu’un certain degré de faux semblants est nécessaire à la vie en société.
D’autant plus que notre monde social est tissé de mille et une normes absurdes et d’un certain nombre d’injonctions paradoxales.
Ces attentes étouffantes pèsent encore plus lourd sur les personnes minorisées : les femmes, les personnes queers, les personnes racisées, les personnes neurodivergentes...
Si vous appartenez à plusieurs de ces groupes, banco : des strates et des strates de normes s’ajoutent jusqu’à vous écraser.
Sois belle mais pas aguichante. Sois gentille mais pas cruche. Sois polie mais pas fausse. Sois intelligente mais pas trop. Critique les gens dans leur dos, mais ne leur parle pas ouvertement de vos problèmes relationnels, car cela les vexera trop.
AU SECOURS.
Pour nous en sortir, on n’a pas d’autre choix que, parfois, jouer le rôle qui est attendu de nous. On le joue de mieux en mieux.
Jusqu’à connaître chaque ligne du scénario à la perfection.
On joue sans effort apparent – et, parfois, sans en avoir totalement conscience.
Le problème, c’est qu’au bout d’un moment, on finit par s’y perdre.
On s'épuise.
On ne sait plus trop qui on est.
On devient cynique ou amer·e.
Michel de Montaigne et Audre Lorde n’ont pas grand-chose en commun : le premier est un philosophe français blanc du XVIème siècle, la seconde une poétesse noire lesbienne américaine du XXe.
Mais les deux se retrouvent sur un point : pour mener une vie digne, il faut commencer par savoir, pour soi, qui l’on est.
Michel de Montaigne : « Il faut jouer dûment notre rôle, mais comme rôle d’un personnage emprunté. Du masque et de l’apparence il ne faut pas faire une essence réelle, ni de l’étranger le propre. Nous ne savons pas distinguer la peau de la chemise. C’est assez de s’enfariner le visage, sans s’enfariner la poitrine. »
Audre Lorde : “If I didn't define myself for myself, I would be crunched into other people's fantasies for me and eaten alive”.
(Traduction par mes soins : « Si je ne me définissais pas par moi-même, je serais broyée dans les fantasmes que les autres se font de moi et dévorée vivante »).
Avec Michel et avec Audre, j’affirme à mon tour que, qui que nous soyons, nous avons un besoin vital de nous (re)définir pour nous-mêmes.
De savoir où commence le masque. Où finit la chemise.
Mais comment on fait, concrètement, pour renouer avec qui l’on est vraiment ?
Comment on arrête d’être la bonne mère, la lesbienne sympa (surtout pas en colère), l’épouse soutenante, la sœur serviable, l’amie dévouée, quand ces rôles constituent l’armature de notre identité ?
Eh bien... On écrit.
L’écriture intime, de soi à soi, permet de tomber le masque.
C’est pour cela qu’elle me paraît aussi importante et aussi fondamentale.
Et ce n’est pas que moi qui le dit : la recherche en psychologie suggère aussi qu’il est très important, pour notre bien-être mental, d’avoir des espaces où s’exprimer avec authenticité, sans se sentir jugé·e ou inadéquat·e.
Welcome Back Audre
Voici un screenshot de mon livre à moi :
Comme tu constates… je ne savais pas d’où venait la citation d’Audre Lorde que Louise reprend.
Le pire c’est que je me rappelle très bien avoir cherché encore et encore, mais comme j’avais une version française je ne retrouvais pas l’originale. J’ai hésité à tout simplement ne pas mettre cette citation dans mon livre. Mais je la trouvais si puissante.
Maintenant que je sais qui est l’autrice je la trouve encore plus puissante. Bien sûr que ça n’a pas le même poids quand c’est écrit par une femme noire lesbienne.
Et du coup c’est sûr que je m’en veux un peu de l’avoir invisibilisée. Là où ça ne m’aurait fait ni chaud ni froid si ça avait été un énième auteur blanc aux cheveux gris.
Du coup merci à Louise pour ça !
Mais on s’écarte du sujet
L’écriture introspective contre le silence
Comme tu le vois dans l’introduction, la puissance de l’écriture introspective réside dans le fait que nous n’avons pas forcément le luxe de l’honnêteté radicale.
Je ne saurais que trop te recommander d’essayer si tu peux, j’y ai dédié un chapitre entier dans mon livre tellement ça a changé ma vie. MAIS bien sûr que c’est un luxe.
D’ailleurs, même dans ce cas, sachant que je ne la pratique totalement qu’avec les personnes très proches de moi… j’ai évidemment moi aussi un décalage entre mes pensées et ce que je dis. J’ai moi aussi des zones de silence.
Du coup… l’écriture introspective permet de faire le pont. D’avoir ces discussions sur ces sujets que tu t’interdis où qui te sont interdits par les autres.
Extrait #2 | L’écriture introspective a mauvaise presse
L’écriture introspective a mauvaise presse. La plupart des gens ont un peu honte de dire qu’iels écrivent sur elleux-mêmes parce que tenir un journal intime, c’est vu comme un truc d’ado nombriliste et niaise. Une espèce de pis-aller auquel céderaient les personnalités narcissiques et égotiques.
Et si vous êtes une femme ou une personne minorisée, désastre ! C’est encore moins bien vu socialement de vous occuper de vous-même.
Moi-même, je suis souvent un peu mal à l’aise par rapport à ça. J’ai déjà parlé de ma pratique de l’écriture introspective à plusieurs reprises, par exemple dans ma newsletter, mais à chaque fois, je dois surmonter une réticence interne.
D’ailleurs, pendant la préparation de ce livre, quand j’en parlais avec des proches, je me suis rendu compte que j’avais tendance à diminuer l’importance de cette thématique pour moi, et à dénigrer mon travail sur ce sujet : « oh, c’est rien qu’un petit guide pratique, enfin voilà, rien de trop important, pas de la grande littérature quoi » (insérer un rire gêné).
Ah bah du coup je le dis !
Au début j’avais écrit ça :
déjà elle m’a parlé d’un petit guide donc j’ai été très surpris quand je l’ai ouvert, ce n’est pas du tout un petit guide c’est un livre extrêmement bien sourcé et percutant.
Puis je me suis dit qu’en vrai, on ne se connaît pas… elle ne m’a jamais explicitement demandé mon avis…
Or je milite pour que les gens fassent davantage attention. Parfois je prends très mal les avis critiques d’inconnus qui m’écrivent sur des productions où vraiment je n’ai pas demandé d’avis. Mais je sais qu’on a du mal à le comprendre quand soi-même on écrit pas.
J’ai hésité et je me suis dit … si ça se trouve ce sera reçu de manière condescendante sans le ton oral… allez on efface…
Et j’ai effacé pour reformuler.
Mais du coup tomber sur cette phrase m’encourage à déseffacer et à confirmer : oui en effet, je confirme que le sujet m’a l’air super important. Ce n’est pas un petit sujet de personnes niaises qui se prendraient la tête. Je suis convaincu que vraiment ça pourrait faire un grand bien à plein de personnes, d’oser le faire.
Extrait #3 : un des buts de l’écriture introspective
Pour atteindre ces objectifs, un outil : vous exprimer avec sincérité
Cette première caractéristique est la plus fondamentale, et celle qui explique et justifie toutes les autres.
L'écriture ici est envisagée comme un outil pour explorer nos pensées et apprendre à se connaître. L’objectif de l'écriture introspective n’est donc pas d'écrire un texte. La production d'écrit n’est qu’un moyen, pas une fin en soi.
Ce qu’on cherche à faire en pratiquant l'écriture introspective, c’est de se permettre et de s'entraîner à l’expression authentique de soi. C’est d’utiliser l'écriture, c'est-à-dire une forme de dialogue avec soi-même, pour tenter de cerner ce qui se passe en nous, ce qui nous meut, ce qui nous travaille, ce qui nous empêche aussi parfois. Avec une sincérité difficile à obtenir quand on est face à quelqu’un·e et qu’on craint d’être jugé·e.
Cela peut paraître fastoche : suffirait-il d'écrire tout ce qui nous passe par la tête pour pratiquer l'écriture introspective ? Eh bien, oui et non.
D’une certaine façon, l'écriture introspective est effectivement « facile », dans le sens où elle ne requiert pas de savoirs-faires particulièrement complexes. À rebours de la rédaction d’un roman, qui nécessite à la fois une solide discipline et la maîtrise de certains aspects techniques (savoir créer un personnage, écrire un dialogue, faire progresser l’intrigue...), la pratique de l'écriture introspective est largement accessible à toustes. Que vous ayez ou pas l’habitude d'écrire. Il suffit d’une feuille, d’un stylo et d’un peu de temps.
D’un autre côté, l'écriture introspective présente un redoutable défi... justement parce qu’il s’agit d’avoir accès à nous-même, profondément.
Par exemple, supposons que vous ayez passé une journée banale mais pas géniale, colorée d'anxiété, sans que vous compreniez exactement pourquoi. Vous décidez d'écrire à propos de cette émotion, parce qu’une meuf croisée en soirée vous a tenu la jambe en vous disant que l'écriture était le remède à tous vos maux. Vous vous mettez devant la feuille et vous apprêtez à écrire.
Mais écrire quoi, exactement ? Si vous vous contentez de raconter platement tout ce qui s’est passé dans votre journée, en accumulant les faits les uns à côté des autres (« je suis allé·e au travail, j’ai vu Bidule, la réunion a duré longtemps, etc. »), il y a de fortes chances que l'écriture ne vous soit d’aucune utilité.
L'écriture introspective suppose d’apprendre à poser des mots sur ce que l’on ressent et ce que l’on pense vraiment, en trouvant peu à peu le juste équilibre entre explorer l'émotion brute, prendre du recul sur les faits et analyser nos réactions.
En clair : c’est à la portée de tout le monde... mais ça demande des efforts sincères.
Et si tout ça vous parait un peu abstrait à ce stade, c’est normal : j’en dis plus sur les bonnes pratiques à garder en tête, et sur les difficultés que l’on peut rencontrer, dans les parties 5 et 6.
Combattre le secret qu’on s’oppose à soi-même
Au final on pense souvent au secret envers les autres, mais on a aussi une dose de secret envers soi-même, un brouillard placé en nous qui nous empêche parfois d’accéder à nous-même.
Dernier extrait : écrire contre le trauma
Dans les années 1980, plusieurs études montrent que le secret est un facteur aggravant des risques liés au trauma : en d’autres termes, garder secret un événement traumatique augmente le risque que la personne connaisse des problèmes de santé par la suite. Ce que l’on commence à comprendre et à prouver, c’est que le fait de ne pas parler d’un trauma empire ses conséquences.
(Je me permets une parenthèse. En tant que féministe, ces études déjà un peu anciennes devraient retenir toute notre attention, parce qu’elles montrent que le tabou autour des violences sexistes et sexuelles – tabou du viol, de l’inceste, des violences conjugales... – n’est pas seulement un hasard des normes sociales, une coïncidence malheureuse. L'impossibilité pour les victimes de parler de ce qu’elles ont vécu fait partie intégrante du trauma. Le silence ne fait pas que s’ajouter au vécu initial : c’est le tabou qui constitue, pour partie, le trauma. Et c’est bien pour cela que la libération de la parole des victimes est si vitale. C’est aussi pour cela que les patriarches de tout poil s’efforcent désespérément de les faire taire. Fin de la parenthèse.)
Le livre numérique de Louise
Si tu veux aller plus loin tu peux découvrir l’ebook de Louise dont je viens de t’envoyer les extraits. Il est à 9€ dans un pack contenant également 2 programmes d’écriture et un journal imprimable.
C’est fou comment les prix des livres sont toujours très bas alors qu’en vrai c’est une mini-formation et que si on l’avait vendu sous forme de formation il aurait eu un prix à 3 voire 4 chiffres.
Le livre s’appelle :
À cause de la police j’ai eu tendance à zapper le premier mot. Mais il est fondamental : écrire pour être libre. Tout est dit.
Si tu veux plus d’infos voilà une page qui t’explique plus en détails :
Louise fait plein d’autres choses
Je découvre à l’instant en tapant dans Google pour trouver genre son LinkedIn…et je suis tombé sur un autre livre (le genre dont on dit que c’est un vrai livre car il est édité).
Ça s’appelle : Comment devenir lesbienne en dix étapes
Et elle a également un compte Insta qui s’appelle jesuislouisemorel
Je te laisse trouver tout ça sur Google.
Pourquoi tu ne mets pas de lien !?
Parce que tu remarqueras que dans mes propres emails de vente je ne mets jamais d’autre lien que celui vers la formation que je vends. Parce que c’est un des premiers principes qu’on apprend en cours de copywriting : mettre plusieurs liens diminue les ventes car les gens s’éparpillent.
Donc le seul lien que je te pousse c’est celui ci : https://shop.louisemorel.net/libre-le-guide-pratique-de-l-ecriture-introspective
PS : comme hier, ce n’est pas un placement de produit, je ne touche rien dessus, c’est juste un partage de quelque chose que j’ai aimé
Aaah trop cool que tu parles de Louis Morel, j'adore ce qu'elle fait 🥰
Concernant les conséquences de santé du secret autour du trauma, je n'y avait jamais pensé comme ça mais... quand j'ai (enfin) parlé du mien avec mes parents, j'ai commencé à avoir une bien meilleure santé (y avait pas que ça, mais je pense que ça a joué).