Aujourd’hui j’aimerais te faire suivre l’extrait d’un email que j’ai reçu. C’est une personne juive qui écrit son ressenti.
Personnellement… je considère que si tu lis ce texte et que tu ne vois toujours pas le souci de la “blague” de Meurice : tu es une cause perdue. Je laisse à d’autres gens le soin de te désintoxiquer.
Un email qui illustre ce qu’est la charge raciale
Bonjour Nicolas,
C'est un intense soulagement de recevoir ce mail, j'en ai les larmes aux yeux tellement ça fait du bien à l'intérieur, et en même temps ça me ramène au fait que c'est assez rare que des personnes prennent position sur l'antisémitisme dans mon propre camp, puisque cet intense soulagement que je ressens me semble inédit (au point que j'ai du mal à le décrire.)
Vraiment, merci pour ce message. Merci.
Je suis fatiguée d'essayer d'expliquer aux gens que certaines blagues sont antisémites, et que non, dire ça n'empêche pas de condamner la guerre en Palestine (parce qu'en plus je ne devrais même pas préciser cela mais j'ai l'impression qu'il faut toujours mettre ce disclaimer quand je commence à parler de ce sujet).
C'est assez fou de recevoir le même genre de réaction de déni que ces personnes combattent pourtant dans d'autres discriminations, et de réaliser que parfois en face les personnes ne voient pas qu'elles réagissent ici comme ceux qu'elles combattent.
En fait, je n'en parle même plus avec personne, tellement j'ai intériorisé le risque d'en parler.
Mais dernièrement j'ai osé en parler à un ami qui a été très réceptif, et je me disais que les choses peut être avançaient un peu sur le déni de l'antisémitisme de gauche. (C'est peut être un peu optimiste).
Parce qu'il y a quelques années encore je me sentais assez seule politiquement. Je n'avais pas envie de voter Mélenchon pour cette raison, sans savoir quoi voter puisque le reste n'était pas dans mes valeurs.
Et des gens venaient me dire qu'il fallait mettre de l'eau dans mon vin sur certains sujets, et moi même avait fini par me dire que ce n'était pas si grave l'antisémitisme de Mélenchon.
Moi même je n'ai pas eu l'habitude de trouver ça grave finalement, comme si c'était une fatalité. J'avais l'impression de devoir toujours faire profil bas sur ma judéité. Ce que je fais 99% du temps.
Bon en écrivant ce mail, je ressens quand même cette petite insécurité et ces voix internes : "non mais c'est bon arrête de te plaindre, y a pire"
(…)
Merci encore.
Il est temps, à gauche, de prendre nos responsabilités
On ne peut pas continuer à refuser d’aborder la question. Avoir un angle mort c’est normal. Il y a encore pas si longtemps que ça j’avais du mal à voir en quoi les propos de JK Rowling était transphobe et je n’étais pas le seul.
Ce qui n’est pas normal c’est de partir du principe que c’est faux.
Je rappelle ce que j’ai déjà écrit il y a longtemps dans un article sur le racisme :
Aucun adulte ne “crie au racisme” pour rien. Parce que personne n’aime s’humilier gratuitement.
Accepter qu’on a vécu une expérience raciste c’est également accepter que décidément, on n’est pas un humain comme un autre. Crois-moi, la plupart du temps tes amis noirs se taisent. Je m’en suis rendu compte grâce au féminisme. Quand les premiers récits de #metoo sont arrivés, j’ai été étonné du volume. Je me suis dit “mais comment ça se fait que ça n’arrive pas à mes amies à moi”. Alors j’ai demandé…et mes amies m’ont raconté un flot d’histoires qu’elles ne m’avaient jamais raconté avant.
Je me suis alors rendu compte qu’au final je faisais exactement pareil : avant mes 28 ans, je me taisais 95% du temps. Quand je l’ai conscientisé, j’ai décidé de ne plus le faire. Maintenant je parle.
Mais du coup, quand quelqu’un te parle de racisme, il y’a de grandes chances que ce soit les 5% du temps. La personne est donc en train de te parler du top 5% de son sentiment d’humiliation. Voilà pourquoi les probabilités sont très hautes que tu aies vraiment fait ou dit quelque chose de raciste. Ou d’au moins ambigü.
D’ailleurs, je crois qu’à chaque fois qu’on m’a accusé de sexisme, j’ai fini par voir en quoi la personne avait raison. Pourquoi ? Parce que la plupart des femmes attendent un truc vraiment sexiste pour se risquer à le dire. De même, la plupart des noirs attendent un truc vraiment raciste pour le dire.
En effet, l’accusation n’est pas gratuite : on sait qu’on va plomber l’ambiance et que la discussion ne va pas être agréable. Surtout quand il s’agit de dire à un ami qu’il a fait un truc raciste.
C’est particulièrement le cas ici
Vous croyez que ça fait plaisir ? De devoir expliquer à Meurice qu’on adore que sa “blague” était problématique ?
Je trouve ça vraiment fou de partir du principe que c’est faux quand on vous parle d’antisémitisme.
Et si vous essayiez l’inverse ? Partir du principe que c’est vrai. Comme quand quelqu’un vous dit qu’il a mal quelque part.
Commencer par reconnaître la douleur, demander à l’autre d’expliquer.
Et si la personne s’est trompée elle vous le dira. Ça m’est personnellement arrivé plein de fois. Mais… ça m’est arrivé beaucoup plus de fois que la personne ait raison.
Il m’est aussi arrivé personnellement de me braquer sur le sexisme, hein. En privé. Ici ce que je trouve fou c’est de le faire en public.
Dans tous les cas, la douleur de la personne est réelle. Que tu aies fait exprès ou pas, on s’en fiche.
Enfin non… mais je veux dire que ce n’est pas le sujet.
EVIDEMMENT QUE MEURICE A PAS FAIT EXPRES ? IL MANQUERAIT PLUS QUE ÇA ???
J’ai jamais compris ce qu’espéraient les gens de gauche en se précipitant sur j’ai pas fait exprès. Sur le racisme c’est pareil NON MAIS J’AI PAS VOULU ETRE RACISTE ?
Bah ? Encore heureux ? Si tu renverses de l’eau bouillante sur quelqu’un en transportant une casserole d’eau salée, ce serait bizarre de commencer par dire que t’as pas fait exprès.
C’est vraiment super chelou.
Enfin bref. Je te l’ai déjà dit hier, je suis en train de me répéter.
En tout cas un énorme merci à la personne qui a fait ce témoignage et qui m’a autorisé à te le transmettre.
🙏 🙏 🙏
A propos de ce passage :
> C'est assez fou de recevoir le même genre de réaction de déni que ces personnes combattent pourtant dans d'autres discriminations, et de réaliser que parfois en face les personnes ne voient pas qu'elles réagissent ici comme ceux qu'elles combattent.
Je me suis souvent dit que c'était un biais manichéen de la part de ces personnes (si je veux défendre le camp A, il faut que le camp B ce soit 100% les méchants). Mais plus ça va et plus je pense que "malheureusement" ce n'est même pas tant ça que l'antisémitisme sous-jacent :(