Le point commun entre l'URSS et Trump
Dans l’épisode précédent on a vu que les chercheurs avaient essayé de trouver un autoritarisme de gauche. En vain.
Attention : ça ne veut pas dire qu’il n’existe pas de personnes autoritaires à gauche, ça veut dire qu’il y en a moins, beaucoup moins.
Mais pourquoi une telle obstination à chercher un autoritarisme de gauche ? Parce qu’on essayait de comprendre l’URSS.
Personne de sérieux ne peut nier que c’était bien un endroit traversé d’autoritarisme.
On a fait passer l’échelle aux soviétiques
Le chercheur qui a découvert l’échelle de l’autoritarisme de droite (je te jure que ça s’appelle comme ça, c’est pas pas pour enfoncer le clou encore… l’échelle s’appelle Right Wing Authoritarianism ) a contacté des chercheurs soviétiques pour en avoir le coeur net.
Rappelle-toi, hier on disait que les membres du parlement italien qui étaient communistes faisaient, de très loin, le plus petit score d’autoritarisme. Alors que se passait-il en URSS.
Petit indice : toute la population était officiellement adhérente au Parti communiste Soviétique.
Question : penses-tu que du coup toute la population avait basculé à gauche ?
On a adapté l’échelle RWA (autoritarisme de droite) au contexte soviétique. On a remplacé Bible par Communisme. On a également adapté les groupes ennemis. En URSS c’était : les capitalistes, les juifs, les étrangers, les femmes, les défenseurs de la liberté de la presse.
Et… stupeur… on retrouve exactement les mêmes répartitions qu’aux USA.
C’est-à-dire que par exemple les hommes ouvriers sont un groupe avec un haut taux d’autoritaires de droite (tiens, tiens ça doit te rappeler quelque chose du contexte actuel).
Mais aussi : les membres du Parti communiste affichaient les plus haut taux d’autoritarisme de droite.
En d’autres termes : la personnalité autoritaire est une personnalité et ne dépend pas du contexte des idées.
Autrement dit :
“Les communistes soviétiques sont devenus la droite politique presque aussi vite qu'ils ont pris le pouvoir. En Union Soviétique, les autorités post-révolutionnaires ont immédiatement établi une stratification sociale stricte et des barrières très fortes entre elles et le grand public, même si leur programme avait proclamé l'égalité sociale.
Les dirigeants du Parti ont crée une structure de privilèges spéciaux pour eux-mêmes dans presque tous les domaines, y compris l'accès au logement, aux loisirs, aux soins de santé, à la nourriture, aux biens de consommation et même à l'information.”
Ou encore dit autrement :
Les belligérants les plus sûrs d'eux dans les populations de chaque côté de la guerre froide, ceux qui se détestaient le plus et se blâmaient le plus étaient psychologiquement semblables.
S'ils avaient grandi de l'autre côté du rideau de fer, ils auraient probablement cru les dirigeants qu'ils méprisent actuellement et méprisés les dirigeants en qui ils ont confiance actuellement.
Ils auraient été certains que le côté qu'ils pensent actuellement avoir raison avait tort.
J’ai encore mieux pour le comprendre. Concentre-toi et imagine Nicolas Sarkozy. Maintenant tu imagines que Sarkozy naît à la période de Staline. À ton avis où sera Sarkozy ? Dans un mouvement de dissidence à risquer sa vie pour défendre le capitalisme ? Ou….assistant de Staline ?
Bien sûr qu’il serait assistant de Staline.
À l’inverse… imagine Olivier Besancenot qui naît à cette période. À ton avis il serait où ? Bah bien sûr qu’il serait dans un parti de dissidence (ou alors il serait personne car il aurait trop peur pour sa vie et se tairait).
Maintenant… imagine-toi Staline… sauf qu’il naît aux USA. Tu penses qu’il aurait été un leader communiste dissident dans une société où on faisait la chasse aux communistes ? Bien sûr que non. Au mieux il aurait été au parti Démocrate.
C’est bien une PERSONNALITÉ
On trouve une répartition stable de l’autoritarisme de droite, peu importe les contextes. En revanche comment s’exprime cette personnalité va varier.
C’est pour ça que gauche et droite ne sont pas des contenus mais bien des rapports au monde.
Il y a quelques années, vouloir que les Noirs et les Blancs aillent dans les mêmes écoles mais pas qu’ils se marient était une position de gauche. Aujourd’hui ce serait une position d’extrême-droite.
Gauche et droite c’est par rapport au statu quo actuel.
Les autoritaires de droite sont-ils de droite ?
La question peut paraître bizarre mais elle se pose. En effet à la base cette échelle n’avait absolument pas pour but de faire un lien avec droite ou gauche, c’est arrivé par “hasard”.
Mais je ne fais pas durer le suspense : oui. L’échelle RWA est un des outils qui prédit le mieux si une personne va être de droite ou pas. Plus tu fais un haut score, plus tu risques d’être à l’extrême-droite. Plus tu fais un bas score, plus tu risques d’être très à gauche.
Mais y’a des partis autoritaires à gauche
Oui, ça peut exister. Des partis qui ont une structure autoritaire et qui vont exprimer des caractéristiques de la personnalité autoritaire. L’URSS est un bon exemple. Mais attention il faut distinguer organisation et individu.
Même si le Parti communiste se déclarait de gauche, dans les faits il a vite été dominé par des personnes de droite.
Un parti peut se dire de gauche sans qu’il attire des personnes de gauche.
Y’a-t-il plus de racisme chez les autoritaires ?
Oui. L’échelle RWA prédit aussi bien le racisme, que le sexisme, l’homophobie et la transphobie.
Il y a donc bien de manière générale plus de racisme ouvert à droite qu’à gauche.
C’est ce qui rend d’autant plus triste que la LFI ait laissé augmenter en son sein les préjugés antisémites. Rappel : un parti n’est pas immunisé à ce que se droitise ses membres, c’est même sa trajectoire inéluctable.
Je le dis parce que parfois j’ai ce débat autour de moi avec des personnes très militantes et je dis
Oulah mais attention t’as oublié les vrais gens hostiles ! Bien sûr qu’ils sont plus nombreux à droite.
Bien sûr que quand je dis que y’a autant de racisme à gauche, notamment relayé par Ruffin et Roussel, je différencie ces deux derniers de leaders comme Zemmour ou Le Pen qui sont pas dans le racisme ordinaire mais bien le racisme ouvert.
Comment expliquer que les personnalités autoritaires de droite se rebellent contre l’autorité ?
Prenons par exemple l’attaque du Capitole par les partisans de Trump. C’est pas un peu chelou ? Des gens qui sont fans d’autorité, qui viennent s’attaquer aux institutions ?
Demain on va creuser ce sujet : comment la soumission à l’autorité mène à la rébellion.
Avec notamment une explication de pourquoi Trump peut avoir des dizaines de charges criminelles contre lui qu’il aura toujours des soutiens parmi les plus autoritaires. Idem pour Sarkozy.
Plus une personne est de droite et plus elle soutiendra son leader même quand ce dernier enfreint la loi alors que c’est la loi leur valeur importante.
Comment expliquer ce paradoxe ?
On le fait demain.
Mais si tu veux tu peux déjà aller regarder la vidéo que je vais continuer d’utiliser. L’épisode 4 de la saga de Hacking Social :