J’ai eu un dilemme : parler de Mediapart ou pas ?
Parce que, bon, là je pense que tout le monde connaît. Donc quel intérêt ? Mais en même temps ce serait un peu gonflé de ma part : c’est un peu LE journal qui m’a fait comprendre qu’un autre modèle était possible.
Et puis bon… la street cred de malade :
Mediapart joue un rôle important dans les révélations lors de l'affaire Woerth-Bettencourt en 2010, l'affaire Sarkozy-Kadhafi en 2012, l'affaire Cahuzac en 2012-2013 ou l'affaire Benalla en 2018-2019.
Ses enquêtes sont à l'origine de démissions, comme celle du ministre du Budget Jérôme Cahuzac, du ministre de l’Écologie François de Rugy, de la ministre de la Défense Michèle Alliot-Marie ou du député de Paris Denis Baupin.
Les réunions de travail de Médiapart doivent ressembler à ça :
Le journalisme d’enquête
Quand on pense journalisme on oublie que ça recouvre des métiers très différents. Quel rapport entre un journaliste qui donne son opinion sur tout et rien à la télé et quelqu’un qui fait de l’investigation ?
Le problème c’est que l’investigation c’est super coûteux à faire.
Alors qu’un plateau d’opinion c’est très économique. Tu filmes en direct des gens qui débattent de trucs qu’ils ne connaissent pas et tu as de l’audience.
À l’inverse, l’investigation, il faut des mois et des mois de travail pour aboutir à un seul article.
Wikipédia nous le rappelle :
Le journalisme d'enquête, ou journalisme d'investigation, est un genre journalistique qui se caractérise par des recherches approfondies sur un sujet délicat et d'intérêt général, en consultant et recoupant plusieurs sources pour révéler des faits, en résistant à la tentation de la course à l'exclusivité, ce qui implique une indépendance vis-à-vis des pouvoirs politiques ou économiques, le respect de la déontologie du journalisme et la protection des sources d'information.
Confinée longtemps à la presse écrite et à certains pays, il s'est timidement invité dans l'audiovisuel et de nouveaux continents au xxie siècle puis a bénéficié de la masse de données accessibles sur Internet.
Il faut du temps, un accès au terrain, de la persévérance.
Je l’ai vraiment réalisé quand j’ai voulu travailler sur ma série qui concernait les crimes policiers. Mediapart a souvent été ma source. Car c’était le seul endroit où j’avais des compte-rendu de décisions judiciaires. Ou carrément des vraies enquêtes comme dans une affaire où ils ont été interroger les personnes impliquées, l’entourage de la victime, etc.
Une enquête, quoi.
Le journaliste qu’on voit dans les séries quand le héros est journaliste.
La charte de Munich
Mediapart se revendique de la Charte Munich. Qu’est-ce donc ? Demandons à Wikipédia :
La Charte de déontologie de Munich (ou Déclaration des devoirs et des droits des journalistes), signée le 24 novembre 1971 à Munich et adoptée par la Fédération européenne des journalistes, est une référence européenne concernant la déontologie du journalisme, distinguant dix devoirs et cinq droits.
Voici les dix devoirs de cette charte :
Respecter la vérité, quelles qu’en puissent être les conséquences pour lui-même, et ce, en raison du droit que le public a de connaître la vérité.
Défendre la liberté de l’information, du commentaire et de la critique.
Publier seulement les informations dont l’origine est connue ou les accompagner, si c’est nécessaire, des réserves qui s’imposent ; ne pas supprimer les informations essentielles et ne pas altérer les textes et les documents.
Ne pas user de méthodes déloyales pour obtenir des informations, des photographies et des documents.
S’obliger à respecter la vie privée des personnes.
Rectifier toute information publiée qui se révèle inexacte.
Garder le secret professionnel et ne pas divulguer la source des informations obtenues confidentiellement.
S’interdire le plagiat, la calomnie, la diffamation, les accusations sans fondement ainsi que de recevoir un quelconque avantage en raison de la publication ou de la suppression d’une information.
Ne jamais confondre le métier de journaliste avec celui du publicitaire ou du propagandiste ; n’accepter aucune consigne, directe ou indirecte, des annonceurs.
Refuser toute pression et n’accepter de directives rédactionnelles que des responsables de la rédaction.
Bien sûr, comme toute charte, le but c’est d’y tendre : personne n’est irréprochable. Quand ils font des erreurs ils peuvent avoir du mal à faire des démentis. Mais souvent ils les font, même quand ils le font mal. Là où la presse classique a tendance à ne juste pas en faire.
La technique de la révélation progressive
Ils l’utilisent tellement que c’est devenu un cliché dans mon Twitter.
Au moment où j’écris, on est en plein dedans. La ministre de l’éducation nationale a été mise sous pression par un article qui révélait qu’elle avait mis ses enfants à Stanislas, un lycée privé, mais surtout réactionnaire. Avec une équipe pédagogique qui prône la chasteté et l’homophobie.
Elle a expliqué qu’elle avait été excédée par le non remplacement des profs dans le public.
Manque de pot… l’institutrice de l’époque donne une autre version à Libération.
L’enseignante du jeune Vincent, interrogée par Libération, explique le départ de la famille Oudéa-Castéra vers le privé en raison du refus de l’école de faire sauter un niveau à l’enfant pour le passer directement en moyenne section.
Et donc Mediapart va aller rassembler les témoignages :
Mais surtout… la cible originelle de Mediapart c’est l’école Stanislas. Or, la ministre a défendu en prétendant qu’il n’y avait eu qu’un seul cas d’homophobie.
Erreur.
Non seulement cette technique du feuilletonnage pousse la cible à la faute, mais en plus ça fait traîner le sujet dans l’agenda médiatique. Surtout que Mediapart cible l’école Stanislas depuis longtemps, en vérité.
En juin 2022 ils publiaient déjà sur le sujet :
Sauf que c’était tombé dans l’indifférence.
Là… les médias classiques reprennent parce que ça alimente le feuilleton avec la ministre :
Le modèle économique
Mediapart c’est vraiment les puristes : on ne peut pas y accéder sans payer et tous les revenus viennent de ces abonnements de lecteurs.
Mediapart défend un modèle où l'abonnement payant doit garantir l'indépendance journalistique, tout en permettant l'accès à un club participatif de qualité dont les contenus sont en accès libre. Critiquée à ses débuts par les défenseurs de la gratuité totale de l'information sur Internet, cette expérience nourrit depuis le débat sur les modèles économiques viables pour la presse numérique.
Avec d'autres médias en ligne Mediapart est à l'initiative de la création, à l'automne 2009, du syndicat de la presse indépendante d'information en ligne (SPIIL), dont Edwy Plenel est le secrétaire général et dont Maurice Botbol, président de Indigo Publications, est président. Sa ligne éditoriale est orientée à gauche
On est dans la version la plus pure du modèle puisqu’ils ont 210 000 personnes abonnées en 2023 et qu’ils déclarent un chiffre d’affaires de 21 millions d’euros. Donc exactement la multiplication du nombre de gens et du prix de l’abonnement.
Car, oui, c’est un abonnement très cher en comparaison des autres acteurs : 12 euros par mois.
Pour ça que je parle de purisme : 12 euros par mois sans possibilité de voir les articles autrement.
C’est un pari qui restreint énormément la visibilité des articles. En revanche ils ont réussi à peser énormément justement grâce à la qualité du travail. Ils deviennent souvent la source primaire d’autres journaux.
C’est rendu possible grâce à ce purisme du modèle économique. Leur slogan n’est pas mensonger :
Seuls nos lecteurs peuvent nous acheter
Mais c’est aussi ce purisme qui, selon moi, a permis de faire le journal le plus percutant de l’espace médiatique.
Si on en doutait à la création de Mediapart, il est désormais clair que le gratuit est une fausse bonne idée. Rue89 a disparu par manque de financements. D’autres se sont tournés vers la publicité.
Bref.
Vive les médias financés par les personnes qui lisent.
Personne d’autre ne finance l’Atelier
J’ai un modèle un peu moins puriste que Mediapart puisque je propose la plupart du contenu de manière gratuite. En revanche, tous les revenus de l’Atelier viennent de ses lecteurs et lectrices.
Environ 20% d’abonnements et 80% de ventes de formation.
Maintenant que j’ai retrouvé un espace de vie sans punaises de lit, je vais reprendre les formations. Mais en attendant, si tu veux soutenir financièrement l’Atelier, la meilleure manière de le faire c’est de prendre un abonnement premium.
Ce n’est pas un don. C’est une transaction commerciale. En échange, je t’offre de payer moins cher les formations (ce qui fait que si tu achètes 4 formations dans une année, c’est comme si le premium était gratuit. Au-delà tu “gagnes” de l’argent. Comme la carte 12-25 de la SNCF).
Tu auras également accès au groupe WhatsApp où je réponds.
De manière générale, je vise une réponse systématique (je n’y arrive pas toujours) à tous les premium. Alors que sinon je réponds selon mon temps et ma disponibilité. C’est d’ailleurs pour ça que les commentaires sont fermés aux non-premium.
Enfin, les abonnements premium c’est à la fois mon laboratoire puisqu’ils reçoivent deux emails de plus (ceux du weekend) mais aussi une forme d’assurance vie. Même si je n’ai plus l’énergie de tourner des formations, l’Atelier a un revenu récurrent qui couvre à peu près les frais. De manière à ce que ça ne soit pas déficitaire.
L’erreur que j’avais commise sur Dessine Toi un Emploi, mon blog qui m’a coûté de l’argent et rien rapporté et que j’ai fini par laisser tomber lentement.
C’est le dernier jour pour rejoindre les premium avec deux mois d’essai gratuits. Tu as jusque ce soir 23h59 : https://www.ateliergalita.com/2c07ef56