Je suis nul en ménage. Mais j’ai eu la chance de ne jamais le vivre comme un échec moral. Sur mon Skyblog, j’avais même une rubrique qui s’appelait Le Kézaco où je publiais des photos de trucs qui avaient pourri chez moi et je demandais aux gens de retrouver ce que c’était à la base.
Pourquoi n’ai-je jamais ressenti la moindre honte malgré certains regards ?
Déjà parce que j’ai été socialisé homme donc on m’a moins lavé le cerveau enfant sur le lien entre le ménage et ma valeur. Mais aussi parce que j’ai toujours été passionné d’apprentissage. Ce n’est pas pour rien si je suis devenu formateur. Et quelque chose que j’ai vite remarqué c’est à quel point les gens qui ont une compétence mais qui ne savent pas l’expliquer, préfèrent te culpabiliser et te dire que c’est évident.
J’imagine que l’autre truc qui m’a immunisé c’est que j’étais tellement bon à l’école (sans effort) que je voyais bien que y’avait juste des domaines de prédilection pour chaque personne. Rien n’est jamais instinctif.
Idem pour la cuisine. J’ai toujours résisté aux moqueries sur mon incapacité (que j’ai réglée depuis). Parce que je savais que…
Je n’étais pas nul, j’étais incompétent
Pour une raison qui m’échappe, il y a des domaines où les gens s’offusquent qu’on leur dise que c’est une compétence. Par exemple la communication dans une relation amoureuse. Ou encore la cuisine et le ménage, justement.
Mais, parole de prof, je te l’assure : tout est une compétence.
Même développer ton goût artistique c’est une compétence, c’est pas un truc magique. D’ailleurs l’art aussi est une compétence.
Et donc je voyais bien que j’étais incompétent en ménage. Malgré les personnes qui me disaient non mais tu fais exprès. Le plus ironique c’était quand ça venait de mes parents. Je me disais : mais tu ne te dis pas que peut-être il faut m’apprendre ?
Les profs de ménage sont généralement très nuls
Un jour, l’une d’entre vous m’a conseillé le livre de KC Davis :
Prendre soin de sa maison (même en plein KO): 31 jours d'autocompassion
Et d’un coup tout est devenu clair. Si seulement j’avais pu lire ce livre 10 ans plus tôt ! En le lisant je me suis rendu compte de toutes les compétences que j’avais amassées par moi-même, sans qu’on me les enseigne. Parce que, oui, le ménage est un des domaines où les références sont les plus nulles.
Par exemple je suis consterné par à quel point tout le monde parle de Marie Kondo,. Alors qu’elle n’aide que les personnes qui ont déjà la compétence. C’est un phénomène courant en pédagogie : une personne douée devient formatrice. Mais c’est le pire parcours. Le meilleur prof de perte de poids ne sera jamais une personne qui n’a jamais eu de problème sérieux et qui est passionnée de sport. Non, ce sera la personne qui avant était en souffrance et depuis a réussi à surmonter.
Je soupçonne nombre de personnes qui distribuent au compte-goutte des conseils en matière de productivité de se concentrer sur des domaines dans lesquels elles sont douées – qui leur demandent simplement un petit effort ou deux modestes conseils pour se sortir d’affaire.
Le nombre de personnes qui me disent oui la méthode Kondo est bien. Et quand je creuse… en fait ils ont jeté 95% du livre et gardé 5 pages… je m’auto facepalm.
Le ménage n’est pas une question morale
Dès le début du livre de KC Davis, j’ai su que j’avais enfin trouvé une méthode sérieuse.
Être traité de paresseux renforce la croyance selon laquelle les difficultés rencontrées dans l’exécution de ces tâches très simples sont le signe d’un échec moral. Si la lecture de ces lignes vous donne des frissons ou a fait monter les larmes à vos yeux, ce livre est fait pour vous.
Vous n’êtes pas une personne paresseuse, sale, ou répugnante. Vous n’êtes pas nul·le. Vous avez simplement besoin que l’on vous aide sans vous juger et en faisant preuve de compassion.
Il se trouve que KC Davis est TDAH. Or, c’est très difficile de faire le ménage quand on est TDAH. Voilà pourquoi sa méthode est infiniment supérieure à celle de Kondo : parce qu’elle a vraiment vécu l’incompétence.
KC Davis est également psychothérapeute. Et ça lui donne un autre avantage : aborder la question émotionnelle.
De nombreuses décisions sont morales, mais celle de nettoyer votre voiture régulièrement n’en fait pas partie.
Vous pouvez être un adulte débrouillard, brillant, heureux, gentil et généreux, et pour autant ne pas exceller dans l’art de faire la vaisselle à point nommé ou d’avoir une maison en ordre.
Ce n’est absolument pas votre rapport aux tâches d’entretien et de soin – que vous soyez propre ou sale, désordonné ou maniaque, organisé ou désorganisé – qui fait de vous une bonne personne.
Lorsque vous considérez comme morales les tâches d’entretien et de soin, c’est souvent la honte qui vous pousse à les mener à bien. Quand tout est en ordre, vous ne vous sentez pas nul·le, contrairement à ce que vous éprouvez ces jours où le désordre et la saleté règnent en maîtres.
Si vous accomplissez les tâches d’entretien et de soin par peur de la honte, celle-ci est sans doute également présente quand vous vous détendez – car ces tâches ne se terminent jamais et vous considérez le repos comme une récompense pour les gentilles filles et les gentils garçons.
Par conséquent, si vous vous reposez, vous pensez : « Je ne le mérite pas. J’ai d’autres choses à faire. » C’est un mode de vie incroyablement pénible qui touche tous les pans de votre existence : votre santé mentale, vos relations, vos amitiés, votre travail ou vos études, votre santé physique. Impossible pour la gentillesse ou les affirmations des autres de pénétrer votre cœur lorsque vous pensez « Si seulement ils savaient… »
Mais cela peut se dérouler autrement. En fait, j’ai une excellente nouvelle pour vous. Les tâches d’entretien et de soin sont moralement neutres. Être bon ou mauvais dans ce domaine n’a aucun rapport avec le fait d’être une personne, un parent, un homme, une femme, un conjoint, un ami de qualité. Absolument aucun.
Vous n’êtes pas nul parce que votre pile de linge ne diminue pas. Le linge est moralement neutre.
Sauf dans un seul et unique cas qu’on verra à la fin.
Rien ne cloche chez toi, c’est Kondo qui est l’exception
Comme les personnes les plus douées en ménage sont celles qui montrent le plus volontiers leur intérieur on peut avoir l’impression que le monde entier est plus doué en ménage que nous. Mais ce n’est pas vrai. Les personnes douées en ménage sont l’exception.
Je répète : les personnes douées en ménage sont l’exception.
D’ailleurs, même si on admettait que tu es la personne la moins douée… au final… ça ne devrait pas atteindre ton estime de toi puisque c’est une compétence comme tant d’autre.
Quand tu vois des personnes super douées en sport, tu ne te dis pas que tu es une personne défaillante parce que tu ne sais pas faire pareil.
Si tu es incompétent·e alors tu peux APPRENDRE
Bonne nouvelle : une fois qu’on comprend que le ménage est une compétence, on comprend qu’on peut l’apprendre.
Arrête d’écouter les personnes qui sont incapables d’expliquer comment faire. Arrête d’écouter les personnes qui te disent que ça ne s’apprend pas que c’est limite un savoir-être.
N’hésite pas à dire : non ce n’est pas moi le problème c’est toi qui ne sais pas m’expliquer.
De même, puisque ce n’est pas une valeur morale alors tu as le droit de déléguer le ménage à une personne dont c’est le métier.
J’ai eu le débat récemment où on me disait mais tu n’as pas l’impression d’être dans l’exploitation ?
Alors oui, totalement. Mais pas plus que quand je demande à un humain de me conduire en voiture comme s’il était un cocher du moyen-âge. Pas plus que quand je demande à un humain de me ramener de la nourriture à ma porte comme s’il était mon domestique de manoir.
Si tu utilises Uber et Deliveroo alors tu ne peux pas te réfugier derrière cet argument pour cacher le fait que tu attribues une valeur morale au ménage. D’ailleurs, probablement que dans ton entreprise il y a bien une personne qui fait le ménage dans tes bureaux, pendant que tu n’y es pas et ça ne te dérange pas.
Mon seul conseil, si tu délégues le ménage c’est d’apprendre quand même les bases pour savoir comment aider la personne à t’aider et aussi être capable de le faire un minimum si tu ne peux plus déléguer.
Bonne nouvelle si, comme moi, tu as la phobie administrative, tu as désormais des sites comme Wecasa (que j’utilise) et qui te permettent de le faire de manière fluide. Même le truc de la déduction d’impôts sur lequel j’avais fait une croix car y’a aucun monde où je vais réussir à m’organiser comme ça… ils le gèrent. Tu as une petite manipulation un peu reloue à faire mais une fois que c’est fait, tu n’avances plus le montant, la déduction s’applique par avance.
Ceci étant dit, apprendre les bases avant est une bonne idée. Et on va le faire au cours de cette semaine.
Le seul contexte où le ménage est moral
Je mets un petit bémol à tout ce que je viens de dire. Si tu es un homme cisgenre hétérosexuel alors il y a tout de même une dimension morale à prendre en compte : ton luxe de ne pas développer la compétence ménage est un privilège sexiste.
D’ailleurs, la première fois que j’ai accepté l’idée que je puisse avoir du sexisme en moi c’était lors d’une dispute sur le ménage.
Et quand je dis une dispute, on parle de 6 mois d’argumentation où je lâche pas l’affaire et j’affirme que c’est n’importe quoi, que je suis juste nul en ménage.
Puis j’ai fini par comprendre quand mon ex de l’époque m’a dit un truc du genre bah oui mais le truc c’est que moi je n’ai fréquenté que des partenaires nuls en ménage alors que toi tu n’as fréquenté que des partenaires meilleures en ménage que toi. Donc la charge est toujours sur moi.
Donc acquérir cette compétence quand tu es un homme dans un couple hétérosexuel ne peut pas juste être neutre. Ça n’est pas une option.
Source
Toutes les citations sont issues du livre de KC Davis :
Prendre soin de sa maison (même en plein KO)