Le critère antispéciste pour manger un être
Le spécisme est une idéologie circulaire. Comme toutes les idéologies circulaires, elle propose de classer le monde selon un principe autoproclamé.
Le racisme est l’idée qu’un Blanc est supérieur à un Noir, uniquement parce qu’un Noir est Noir.
C’est d’ailleurs pour ça que c’est inutile de vouloir montrer que nous avons les mêmes intelligences, etc. La supériorité des Blancs sur les Noirs est le fondement idéologique du racisme. Il n’y a rien en dessous pour le justifier.
Les arguments scientifiques ne peuvent rien faire pour convaincre une personne raciste de l’inverse car la supériorité des blancs est son postulat.
Qu’est-ce qu’un postulat ?
Un postulat c’est un truc qu’on ne peut pas démontrer et sur lequel va se reposer tout ce qu’on déduit dans le système.
Par exemple, en géométrie on a un postulat qui est deux droites parallèles ne se rejoignent jamais.
C’est indémontrable. D’ailleurs c’est même faux sur la planète Terre. Selon ce que je définis comme étant une droite bah en fait toutes les droites parallèles se rejoignent aux pôles.
Mais un espace où les droites parallèles sont définies est un espace dit euclidien. Et dedans on opère cette géométrie euclidienne.
Ici… le postulat est assez raisonnable.
En revanche il n’est pas raisonnable de postuler que les humains ont droit à un traitement moral spécial parce qu’ils sont humains.
(Ou que les chiens ont le droit à un meilleur traitement moral que les cochons parce qu’ils sont des chiens).
C’est ça qu’on appelle le spécisme.
Ça ne veut pas dire que tout le monde doit être traité pareil
L’antispécisme ne dit pas que les poules doivent avoir le droit de vote. Ni même que les poules doivent vivre dans des appartements de 30m2 par poule.
L’antispécisme va essayer de trouver un critère objectif qui va permettre de déterminer l’espace de vie.
Par exemple, on se dit qu’un humain commence à se sentir très mal mentalement si on le fait vivre dans un appartement de moins de 9m2. Et il faut également que l’appartement soit sensiblement plus haut que la taille des humains les plus grands.
Et bah du coup ce sera probablement le même traitement pour un chimpanzé.
En revanche… une poule est plus petite et peut vivre sans devenir folle dans un espace beaucoup plus petit. Alors on il lui faut un espace minimum plus petit.
Alors qu’un éléphant…
T’as compris le raisonnement.
Non, les poules ne voteront pas
De la même manière que le féminisme ne consiste pas à dire que on ne doit pas créer de congés menstruels pour les règles car sinon ça crée une inégalité de traitement entre les hommes et les femmes.
Ici il y a un critère simple : as-tu tes règles ou pas ? C’est ce qui justifiera le congé menstruel. D’ailleurs il existe des hommes qui ont leur règles et des femmes qui n’en ont pas.
Et bien le droit de vote est accordé aux êtres qui peuvent exprimer un avis sur la société. Pour l’instant on ne sait pas décoder le langage des poules donc ça n’a pas de sens. De la même manière d’ailleurs que les bébés humains ne votent pas.
Les animaux que l’on mange et ceux qu’on ne mange pas
Aujourd’hui, nous décidons que nous mangeons des animaux parce qu’ils ne sont pas de la bonne espèce.
J’insiste sur la bonne.
Parfois on me dit je ne mange pas d’humain car c’est ma propre espèce.
Mais ce n’est pas vrai : il y a plein d’autres animaux qu’on ne mange pas.
Beaucoup de gens refuseraient de manger un chat par exemple.
En réalité on a plutôt une sorte de classement implicite : on mange les animaux qui ne sont pas des animaux (trop) domestiques.
Je dis “trop” car un jour un élève chinois à qui un élève de mon école avait dit mais vous vous mangez des animaux domestiques, vous êtes des oufs avait répondu
“Mais le lapin c’est pas un de vos animaux domestiques ? Vous le mangez, non ?”
Autre implicite : on mange majoritairement les animaux que l’on peut élever.
C’est pour ça qu’on ne mange quasiment pas de prédateur. Ça aurait été trop dur de faire des élevages de Tigre pour les manger.
On mange également des animaux moches mais pas trop
Trop mignon et on voudra pas. Trop moche et on voudra pas non plus. Ça donne majoritairement : le cochon, le boeuf et le poulet.
Mais du coup pour savoir ce qu’on mange on fait comment ?
C’est là qu’entre jeu le critère proposé par l’antispécisme.
Voilà les critères refusés :
Je ne mange pas mon espèce
Déjà ça pose la question de ce qu’est une espèce puisque c’est un concept défini par les humains. Parfois on me dit que les Loups ne mangent pas d’autres Loups. Sauf que “Loup” c’est pas une espèce. Le Loup Gris et le Loup Rouge (mais les deux sont gris c’est à n’y rien comprendre) sont deux espèces distinctes.
Ou plutôt, il y a encore débat sur la question.
Mais admettons qu’on prenne le concept d’espèce. Pourquoi ne pas manger son espèce ? Il faut une autre réponse que parce que. Il faut creuser le critère.
L’intelligence ?
On a vu que non. D’ailleurs on serait scandalisés si un espèce extraterrestre plus intelligente que nous commençait à nous mettre dans des élevages pour nous manger.
La sentience
L’antispécisme propose ce critère : la sentience. Ce qui fait qu’on va classer les êtres vivants entre ceux qu’on mange et les autres c’est la sentience.
En d’autres termes : la capacité à ressentir de la douleur et des émotions.
Donc… de ce que l’on sait, les végétaux n’ont aucun récepteur de douleur et aucune émotion.
Ensuite… des animaux comme les huitres ou les moules n’ont pas de système nerveux central. On est donc pas sûr de la douleur. A priori plutôt non.
Et puis bien sûr tu as les animaux comme les poissons, les mammifères qui ressentent énormément la douleur.
Voilà qui nous donne un classement.
Un raisonnement non-spéciste dit qu’avant de manger un être très sentient il faut ne pas avoir le choix. Ou alors estimer que son plaisir personnel est plus important que cette sentience.
Mais dans ce cas il faut être cohérent et ne pas avoir d’interdit moral à manger des animaux à sentience similaire. Si on mange un cochon on devrait pouvoir manger un chien.
On peut améliorer ce critère
Bien sûr, on peut trouver un autre critère. Celui-ci est assez solide pour avoir survécu à l’épreuve des débats.
Mais à limite peu importe, ce qui compte c’est d’avoir un critère qui ne soit pas circulaire.
Sinon… tu peux faire comme moi la première fois que j’ai lu un philosophe antispéciste : ah oui merde je suis spéciste, j’accorde à l’espèce humaine des attributs de supériorité en soi, et non pas des considérations basées sur des critères.