Quand j’ai créé ma formation de premiers secours à la santé mentale j’ai tout de suite proposé un accès gratuit à un moment dans l’année.
Je me suis donc demandé quelle serait la meilleure période pour ça ? Or, dans la formation à la santé mentale que j’ai moi-même suivi, la formatrice nous avait dit que la période avec le plus de dépressions était située entre le 17 janvier et le 06 février.
Je me suis alors dit que j’allais proposer un accès gratuit à la formation dans ces eaux-là.
Nous y sommes désormais. Je te propose un accès gratuit à cette formation pendant 48h. Tu pourras y accéder quand tu veux ensuite mais ce n’est gratuit que si et seulement si tu cliques sur le lien que je vais te donner avant demain 23h59 :
Tu peux partager le lien à qui tu veux, à qui tu penses que ça peut aider, mais il faut le faire dans les 48h.
“C’est pas le 17 mais le 16 : le Blue Monday”
Quand j’ai dit autour de moi que j’allais faire ça le 17 janvier, deux personnes m’ont répondu spontanément “ah oui, le Blue Monday, mais c’est le 16 cette année, pas le 17”.
Je me suis dit que c’était bizarre car j’avais bien retenu que c’était une période de plusieurs semaines et non un jour (ce qui est plus logique).
Je me suis dit ok ok ce sera le 16 alors.
Et donc, aujourd’hui je m’installe pour écrire l’email et je pose la question à chatGPT qui me répond :
Il y a eu plusieurs études qui ont montré que le jour où les gens dépriment le plus dans l'année est le 24 décembre ou le jour de Noël. Cela est souvent lié à la pression sociale pour passer un bon moment avec la famille et les amis, ainsi qu'à l'accent mis sur la perfection et les cadeaux. Cependant, il est important de noter que la dépression peut survenir à tout moment et pour différentes raisons, il n'y a pas de jour précis pour déprimer.
D’un coup ça me paraît plus logique. Ça n’a aucun sens que y’ait UN jour particulier. Sauf si ce jour est particulier dans la société entière, comme Noël. Mais, comme je sais que chatGPT n’est PAS un outil fiable de prise d’information, je continue en lui demandant : “t’es sûr que c’est pas le blue monday” ?
Parfois en faisant ça, chatGPT fait ah oui pardon je me suis trompé dans ma réponse précédente. Mais, pas là…
Le "Blue Monday" est un terme populaire utilisé pour décrire le troisième lundi du mois de janvier, qui est souvent considéré comme le jour le plus déprimant de l'année. Il est souvent associé à une combinaison de facteurs tels que la météo, les factures de vacances, la culpabilité liée à l'abandon des résolutions de la nouvelle année, les dettes, et la distance géographique avec les proches.
Cependant, il est important de noter que cette théorie a été créée en 2005 par un psychologue britannique pour un but publicitaire, et n'a pas été scientifiquement prouvée.
Il n'y a pas de preuve que cette journée soit plus déprimante que toutes les autres journées de l'année. La dépression est un état complexe qui peut varier d'une personne à l'autre et peut être causé par une variété de facteurs, il n'y a pas de jour spécifique ou de saison où il est plus fréquent de déprimer.
Wow. Ça paraît beaucoup trop spécifique pour être faux. J’ai donc été dans l’endroit le plus fiable que je connaisse : Wikipédia.
Et là, je tombe des nues… si les gens parlent spontanément du Blue Monday ce n’est pas parce que c’est un concept scientifique, c’est parce que ça vient d’une pub :
Ce nom a été donné par une campagne de publicité de la société Sky Travel en 2005. D'après Sky Travel, ce lundi serait le point de convergence de plusieurs paramètres négatifs dont le début de la semaine (lundi), le salaire du mois pas encore tombé, la météo, saison froide et nuits longues depuis déjà un certain temps et encore pour plusieurs semaines, la période post-fêtes dont les dettes de Noël non remboursées, l'arrêt des bonnes résolutions, paramètres pouvant se mettre en formule pour en déduire la date…
La date est apparue dans un communiqué de presse paru sous le nom du Dr Cliff Arnall, psychologue devenu alors tuteur au Centre for Lifelong Learning attaché à l'université de Cardiff.
Mais pire encore… c’est vraiment une opération marketing au sens le plus médiocre du terme. Le genre d’opération qui fait que le marketing a une si mauvaise image…
Le journaliste du Guardian Ben Goldacre rapporte que le communiqué (avec sa formule) a été envoyé pré-écrit à plusieurs universitaires par l'agence de communication Porter Novelli en proposant un paiement à quiconque accepterait de le signer de son nom.
Arnall lui-même déclarera que la fameuse formule n’avait aucun sens… mais les dégâts sont là :
Je crois fermement que la pseudo-science (comme cette équation) régulièrement présentée comme une véritable science dans les médias grand public nuit à la compréhension de la science et de la psychologie par le public.
C'est également un manque de respect envers les personnes qui souffrent d'une véritable dépression, en suggérant qu'il s'agit d'une maladie temporaire, mineure et vécue par tout le monde, plutôt que d'un état chronique et invalidant. Les personnes souffrant de dépression clinique ont souvent du mal à être prises au sérieux, d'autant plus que le terme "dépression" est très général.
Le danger de ce genre de concept
Je suis content de m’être rendu compte du problème avant de participer à relayer cette légende urbaine.
Car à la base j’avais prévu un email du type “c’est le Blue Monday, voilà de quoi prendre soin de ta santé mentale”
Les prescriptions d'antidépresseurs atteignent leur maximum au printemps, ou en février, mai et octobre. Les consultations de médecins généralistes pour dépression culminent en mai-juin et en novembre-janvier.) Les admissions pour dépression culminent en automne, ou au printemps et en été, tandis que huit études n'ont trouvé aucune variation.
Le Blue Monday ne consiste donc pas à mettre un nom accrocheur sur une vérité humaine simple. Il ne fait que nous montrer à quel point il est facile de prendre une idée que les gens pensent déjà connaître, puis de la leur vendre. Même si c'est faux.
Bien qu'il puisse être tentant de tirer parti de la confusion, la communication sur les questions de santé mentale - comme tout ce qui est intéressant - exige que vous remettiez en question la stigmatisation et les hypothèses, et non que vous les renforciez.
La déprime n’est pas la dépression
Les concepts comme le Blue Monday ont tendance à mélanger déprime, blues et dépression. Or, la santé mentale est un spectre. Nous avons donc des hauts et des bas, sans que ça soit nécessairement une dépression au sens d’un trouble dépressif caractérisé. Une déprime ou un coup de blues ça n’est pas un trouble dépressif caractérisé (dépression) :
On parle de trouble dépressif caractérisé quand on subit au moins 1 symptôme A et 4 symptômes B, pendant au moins deux semaines :
Symptômes A :
une humeur dépressive
perte de plaisir pour les activités appréciées habituellement
Symptômes B :
perte de l’estime de soi ou culpabilité injustifiée
idées suicidaires ou nombreuses pensées morbides
difficulté à se concentrer ou à prendre des décisions
ralentissement des mouvements ou, à l’inverse, agitation et incapacité à se poser
trouble du sommeil (diminution ou augmentation)
trouble de l’appétit (perte ou excès)
Bien entendu, cette liste est un guide sur une notion qui est un continuum. Ce n’est pas parce qu’une personne n’a que 3 symptômes B au lieu de 4 qu’on va dire “elle n’est pas dans un état dépressif”.
Est-ce que la météo joue sur la dépression ?
Attention, la question ce n’est donc pas est-ce qu’il y a un lien entre la météo et l’humeur. Mais bien est-ce qu’il y a plus de troubles dépressifs caractérisés en hiver. La réponse semble complexe.
Voilà ce que m’en dit ChatGPT :
Il existe des études qui montrent que les taux de dépression et de troubles de l'humeur peuvent augmenter pendant les mois d'hiver et de début d'année, notamment entre janvier et février. Cependant, il est important de noter que ces études ne sont pas toutes d'accord sur une période précise, et il n'y a pas de preuve concluante que la période entre le 17 janvier et le 6 février soit plus propice à la dépression qu'une autre. Il est important de noter que la dépression est un état complexe qui peut varier d'une personne à l'autre et peut être causé par une variété de facteurs, il n'y a pas de période spécifique ou de saison où il est plus fréquent de déprimer.
J’ai donc été fouiller. Et ça a l’air effectivement très complexe. Je suis tombé sur des sources qui disaient que oui. D’autres qui disaient que non. Et il semblerait que ça soit plutôt non :
L'année dernière, j'ai passé en revue les résultats de plus de 30 études réalisées sur les 130 dernières années sur ce sujet. Certaines constatent que les suicides sont plus nombreux au printemps et au début de l'été, d'autres au printemps et à l'automne, d'autres encore en été seulement, d'autres enfin ne dégagent aucune tendance.
De nombreuses études ont échantillonné des individus représentatifs d'une population et ont suivi leur humeur sur une année, constatant : plus de détresse en été, plus au printemps, plus en hiver, ou pas de pic du tout.
Et je suis aussi beaucoup tombé sur des sources qui disaient qu’il n’y avait pas plus de dépression dans les pays Scandinaves. Ce qui devrait être le cas si l’hiver accentue le risque de dépression.
Notamment un article (de presse) de la Docteure Kari Leibowitz. Elle se réfère aux résultats d’un article (scientifique) dont j’avais déjà entendu parler et qui montre que les Norvégiens du Nord ne font pas de dépression hivernale.
Comment est-ce possible ? Pourquoi dans un des endroits du monde où l’hiver est le plus froid et le plus sombre il n’y a pas ce phénomène ? Qu’est-ce que les norvégiens du nord on compris ?
Et si c’était notre rapport à l’hiver le problème ?
Dans l’article, Leibowitz explique sa quête, à partir de l’article scientifique. Elle va donc explorer le pourquoi du comment ? Comment est-ce possible que dans un endroit où l’hiver dure 11 mois, les gens ne dépriment pas davantage ?
Au début, elle commence par demander aux habitants leurs stratégies. Et aucune réponse ne se rejoint. Certaines personnes affirment que c’est grâce à la luminothérapie, d’autres disent que c’est grâce à leur cure d’huile de foie de morue, d’autres postulent que c’est grâce au lien social très fort et les activités nombreuses.
Mais surtout, elle remarque que la plupart des habitants n’en font pas toute une affaire. Qu’elle est la seule à en faire un sujet.
Jusqu’au jour où elle a une discussion avec un habitant où elle explique qu’elle va rester jusqu’à l’été (qui dure un mois) car ce serait dommage d’avoir surmonté tout l’hiver et de partir juste avant la meilleure saison. Et il lui répond immédiatement :
Mmmm, je ne dirais pas nécessairement que l’été est la meilleure saison
Carrément.
Et là, c’est le déclic. Elle comprend que c’est elle qui a ce préjugé. Elle va donc repartir de zéro. En fait, les habitants ne voient pas l’hiver comme quelque chose à endurer, ils le voient comme quelque chose à apprécier.
Problème : il existe plein de questionnaires déjà créés par d’autres chercheurs sur la déprime hivernale, mais il n’existe à ce moment aucun questionnaire qui abordent les côtés positifs de l’hiver.
Elle va donc le créer.
Et les résultats sont sans appel : il y a une corrélation entre l’état d’esprit face à l’hiver et le bien-être. Plus une personne voit l’hiver comme un truc cool et plus elle le vit bien.
Les personnes qui vivent le mieux l’hiver sont aussi celles qui sont les plus satisfaites de leur vie et recherchent la croissance personnelle.
Encore plus étonnant pour moi : plus les gens habitent au nord, et plus ils ont une vision positive de l’hiver.
Attention : une corrélation n’est pas une causalité. Elle le rappelle dans l’article. Si ça se trouve c’est juste que les gens que l’hiver dépriment le plus quittent la région très vite.
Mais mesurer une corrélation reste une première étape pour étudier une causalité.
Conclusion : peut-être qu’on pourrait essayer de voir les côtés positifs de l’hiver ?
En tout cas je vais le faire
J’ai été frappé de lire ça car, quand je suis arrivé dans l’hexagone je n’avais pas de lien entre la météo et mon humeur. Je venais de Guadeloupe et je n’avais pas l’habitude de lier mon humeur à la météo. Et longtemps, même à Paris je disais aux gens que l’hiver n’avait pas d’impact sur mon humeur. Oui, j’avais tendance à rentrer en forte déprime voire en trouble dépressif à Noël, mais ce n’était pas à cause de la météo.
Puis, j’ai fini par développer de plus en plus cette célébration de l’été. Les trois dernières années j’ai vécu l’hiver comme une pause, un mauvais moment à passer. En mode “bon je serre les dents pendant trois mois et après c’est déjà le printemps”.
Encore ce matin je me disais ça.
Là, le simple fait de lire ça m’a réhaussé. En effet, quand je prends du recul, mes projets les plus significatifs ont été lancé en hiver. L’Atelier par exemple a été lancé en janvier 2020.
Parce que j’ai une énergie créative plus grande. Probablement parce que je me sens plus créatif dans la nuit que dans le jour et que le jour dure moins longtemps.
Je l’avais presque oublié.
Je fais le serment de m’en rappeler.
Peut-être que ça peut t’aider toi aussi.
Si tu veux comprendre ce qu’est vraiment un trouble dépressif caractérisé…
… tu peux découvrir ça plus en détail dans ma formation. Elle est accessible gratuitement jusqu’à demain soir :
Garanti sans Blue Monday ou autre concept cheap.
Les sources
How People Stay Happy in the Norewegian Town Where the Sun Doesn’t Rise - The Atlantic
La page Wikipédia du concept
https://fr.wikipedia.org/wiki/Blue_Monday_(jour)#cite_note-pasdesens-3
Is there a negative impact of winter on mental distress and sleeping problems in the subarctic: The Tromsø Study | BMC Psychiatry | Full Text
https://bmcpsychiatry.biomedcentral.com/articles/10.1186/1471-244X-12-225
Blue Monday: a depressing day of pseudoscience and humiliation | Psychology | The Guardian
https://www.theguardian.com/science/blog/2012/jan/16/blue-monday-depressing-day-pseudoscience
Feeling low? Don’t blame Blue Monday | Ben Goldacre | The Guardian
https://www.theguardian.com/commentisfree/2011/jan/22/dont-blame-blue-monday
Maintenant je me rappelle de liker les posts !
Super intéressant !
Merci Nicolas et beau lundi !