L'autiste français le plus connu est misogyne
Les gens sont souvent surpris quand je leur dis que je ne lis quasiment rien sur l’autisme en français. Parce que le niveau est vraiment consternant. À part Julie Dachez y’a rien à sauver. Je pense que les gens ne se rendent pas compte à quel point ils sont désinformés s’ils lisent des livres français. En tout cas au moment où j’écris ces lignes.
L’un des exemples les plus flagrants de ça c’est Josef Schovanec. Un des auteurs français les plus prolifiques sur l’autisme. Mais ici je ne veux pas te parler du retard de sa production, notamment sur le modèle médical de l’autisme. Je vais te parler d’un truc encore plus grave : une vision sexiste de l’autisme.
Je te laisse juger sur pièce :
Il faut mettre fin à la croyance que n’importe qui peut, après s’être déclaré autiste, définir l’autisme selon ses envies ou croyances. En particulier, pour ne citer que les erreurs les plus fréquentes de nos jours, non, l’autisme n’est pas lié aux énergies du corps astral, ni à l’oppression des femmes sous le patriarcat.
Voilà un sujet hautement sensible. Pour rester très factuel, contrairement à une idée répandue, l’autisme a toujours été un univers féminin.Depuis Temple Grandin (Américaine autiste ayant écrit le premier témoignage d’un autiste adulte, ndlr), une majorité écrasante de livres-témoignages ont été écrits par des femmes, une majorité écrasante des professionnels spécialisés sont des femmes (il suffit d’aller dans une fac de psycho ou d’orthophonie), une majorité écrasante de parents impliqués sont des mamans et même constat ou presque dans les sphères dirigeantes.
La situation est telle que, désormais, l’une des préoccupations quand on constitue un comité ou une association est de trouver des hommes.
Il est donc difficile de soutenir que l’autisme est un bastion du patriarcat.
Ceci étant, je constate une montée forte des diagnostics problématiques chez les hommes également, par mimétisme ou, tout simplement, par volonté d’être dans un environnement féminin – d’ailleurs parfois avec des visées plus ou moins avouables.
Voilà. Je ne sais même pas quoi dire. On croirait lire un incel. Comment on peut dire y’a pas de patriarcat dans le monde de l’autisme car la plupart des gens des parents sont des mamans ?
Il ne dit pas directement y’a trop de faux autistes parce que y’a trop de femmes diagnostiquées. Je lui laisse ce bénéfice du doute. Mais d’autres n’ont pas cette patience. Et je ne peux que comprendre les auteur·ices de CLE Autistes quand iels écrivent :
Le 28 février, Josef Schovanec, docteur en philosophie, voyageur polyglotte, conférencier polyvalent, autiste médiatique nous a fait part dans handicap.fr d’une information fulgurante : la France serait atteinte par une épidémie de faux autistes, dont les diagnostics seraient “abusifs”.
En cause : trop de femmes diagnostiquées, et ces dernières auraient le malheur d’être trop sociables, engagées politiquement ou trop incluses pour être autistes.
Mais ça ne s’arrête pas là… Schovanec nous rajoute une cuillère de transphobie sinon c’est pas complet :
Intervieweur : Comment peut-on identifier un diagnostic abusif ?
Schovanec : Un certain nombre d’éléments sont clairement indicateurs d’abus. Par exemple, pour n’en citer que cinq :
quand le médecin en question ne refuse jamais de diagnostic, sachant que d’autres en refusent les neuf dixièmes ;
quand le sex-ratio des personnes diagnostiquées est manifestement déséquilibré (j’y reviens) ;
quand la catégorie d’autisme phagocyte les autres diagnostics tels que la schizophrénie ou la dépression ;
quand des personnes sont en situation de « sur-cumul » de diagnostics (Ehlers-Danlos, double exceptionnalité HQI et multi-dys, non-binaire, TDAH, etc)
et, enfin, lorsque la personne présente ce que j’appellerais le « carré magique de l’inclusion sociale », à savoir emploi-logement-famille-voiture, avec une mention particulière pour les personnes ayant eu un nombre important de partenaires sexuels. Autant de signes qui doivent inciter à la plus grande prudence.
C’est d’autant plus grave que c’est l’inverse : il y a beaucoup plus d’autistes chez les personnes non-binaires que chez les autres et vice-versa.
26,5% des autistes (qui à la naissance ont été assignées) “femmes” ne s’identifient justement pas au genre féminin. C’est beaucoup beaucoup plus que chez les allistes.
Idem pour le TDAH d’ailleurs : entre 50 et 80% des autistes sont aussi TDAH donc cumuler les deux ne peut jamais être vu comme un surcumul.
Quant au carré magique de l’inclusion… il réussit encore à véhiculer du sexisme malgré lui. Bah oui… quelle catégorie de la population va être pressurisé à faire des enfants ?
Pire encore… son carré magique a été pris au pied de la lettre par des psychiatres qui l’utilisent pour leurs “diagnostics”.
Marie Bulle en parle dans Mes enfants sont relous :
Et… je surinterprèteront peut-être mais même ses blagues me crispent :
Vous savez en termes de bruits parasites je m’y connais. Je suis né le même jour et la même année que Britney Spears. Pendant longtemps j’ai cru que c’était notre seul point commun mais j’ai appris récemment que nous en avions un deuxième, c’est que ni elle ni moi ne savons chanter.
MAIS PAS TOUCHE À BRITNEY ???
Bref… je m’égare.
Revenons au souci.
Les hommes autistes ferment la porte aux femmes autistes
Phénomène pervers… alors que le même Schovanec va se plaindre de la discrimination contre les autistes, il reproduit pareil. D’ailleurs ce n’est pas que contre les femmes autistes : on comprend que ça l’énerve d’avoir la définition de l’autisme élargie. Il se sentait mieux quand la définition permettait d’identifier uniquement des mecs blancs.
Dans une interview il se plaint du fait qu’on se soit rendu compte que les intérêts autistiques n’ont pas besoin d’être spécifiques, il suffit qu’ils soient intenses. Sauf que… qui peut se permettre d’être fan de train depuis l’enfance ? Bah oui… un homme blanc qui était un petit garçon blanc et qu’on a donc pas réprimé à l’enfance.
Bien sûr qu’une petite fille autiste on va la punir socialement si elle se met à fond dans des trains. Bien sûr qu’un petit garçon noir on va lui dire pourquoi tu fais le blanc.
Et quand je dis que les hommes font obstacles, c’est tous les hommes, moi compris. Bien sûr que j’en suis pas au niveau de Schovanec à lutter activement contre l'identification des femmes autistes. Mais je me rends compte à quel point j’ai mis du temps à identifier les femmes autistes autour de moi, alors que les hommes autistes ça a été quasi immédiat.
Conférence gratuite jeudi 27 novembre sur l’autisme “féminin”
Plus je fouille le sujet de l’autisme, plus je me rends compte que c’est l’urgence : si l’autisme est sous-identifié c’est en grande partie parce que les femmes autistes sont sous-identifiées.
Jeudi prochain je te propose une conférence qui résume les découvertes du livre The lost Girls of Autism de l’incroyable Gina Rippon qui a fait un travail phénoménal pour vulgariser les découvertes scientifiques les plus récentes sur le sujet.
Si tu veux t’inscrire et partager autour de toi c’est par ici : https://event.webinarjam.com/9y032/register/5lqnysr
PS : à ne pas confondre avec l’atelier d’auto-identification de ce jeudi qui est ici : https://nicolasgalita.podia.com/atelier-autoid-201125


