La solitude n'est pas l'isolement
Hier je t’ai partagé une citation : "If we don’t teach our children how to be alone, then we doom them to always be lonely."
Que j’ai maladroitement traduit par :
Si l'on n'enseigne pas à nos enfants l'art d'être seuls alors nous les condamnons à éprouver continuellement le sentiment de solitude.
Le problème c’est que nous n’avons pas l’équivalent du mot solitude anglais. Les anglais ont loneliness (qui est ce que nous entendons nous par solitude) et ils ont également le mot solitude (pour parler de la sensation positive).
Le sentiment de solitude est très intime : les autres ne le voient pas
On voit la tristesse, on voit la colère mais on ne voit pas la solitude. D’ailleurs on peut se sentir seul avec du monde autour.
(Même si, justement dans cette chanson d’Orelsan c’est plutôt la version positive de la solitude qui est décrite).
Tu es la seule personne qui sait si tu te sens seul·e.
Solitude subie ou choisie
Nous n’avons donc pas de mot en français pour différencier ces deux sentiments de solitude. C’est dommage. Parce que ça nous empêche de comprendre le concept fondamental décrit dans la citation : apprendre la solitude positive limite le fait d’éprouver la solitude négative. Ça dépend moins du nombre de personnes qui nous entoure que de notre capacité à éprouver.
Solitude versus esseulement
Pour traduire loneliness on peut essayer introduire le concept d’esseulement.
Etre avec moi-même et juger par moi-même s’articulent et s’actualisent dans les processus de pensée, et chaque processus de pensée est une activité au cours de laquelle je me parle de ce qui se trouve me concerner.
Le mode d’existence qui est présent dans ce dialogue silencieux, je l’appellerais maintenant solitude. La solitude représente donc davantage que les autres modes d’être seul, en particulier et surtout l’esseulement et l’isolement, et elle est différente d’eux.
La solitude implique que, bien que seul, je sois avec quelqu’un (c’est-à-dire moi-même). Elle signifie que je suis deux en un, alors que l’isolement ainsi que l’esseulement ne connaissent pas cette forme de schisme, cette dichotomie intérieure dans laquelle je peux me poser des questions et recevoir une réponse.
La solitude et l’activité qui lui correspond, qui est la pensée, peuvent être interrompues par quelqu’un d’autre qui s’adresse à moi ou, comme toute activité, lorsqu’on fait quelque chose d’autre, ou par la simple fatigue.
Dans tous ces cas, les deux que j’étais dans la pensée redeviennent un. Si quelqu’un s’adresse à moi, je dois maintenant lui parler à lui, et non plus à moi-même; quand je lui parle, je change.
J’aime bien cette distinction. La solitude vue comme une activité et non comme un vide. La solitude vue comme étant l’activité correspondant à interagir avec soi-même.
Sans la solitude on se laisse emporter par les autres
Si on n’est pas capable d’être bien avec soi-même, comment ne pas céder à la pression du regard des autres ?
Comment savoir ce qu’on veut vraiment ?
Où ai-je volé ça ?
La citation vient de Hannah Arendt mais c’est dans cette vidéo de Cyrus North que je l’ai trouvée :