Accidents d'bagnole, violences conjugales
L'alcool est toujours à la racine du mal
Rien remplit plus l'hôpital et l'tribunal
On n'assume pas d'être alcoolique, c'est relou d'en dire du mal
À l’époque, quand Orelsan chante ça, ça m’intrigue mais je ne creuse pas davantage.
Aujourd’hui cette strophe me percute vraiment.
Il y a vraiment ce phénomène :
relou,
alcoolique,
normal·e,
choisis ton camp.
Si tu bois pas t’es relou·e. Si tu bois vraiment vraiment beaucoup tu es alcoolique. Et sinon tu es normal·e.
On ne s’en rend pas compte mais c’est très violent.
Je le sais car je suis souvent le relou.
J’ai en tête une scène qui me revient où ma boss, est venue à mon secours en disant non mais Nicolas boit pas d’alcool à une personne qui allait s’étonner.
Et je me suis dit mais c’est fou, c’est moi qui doit justifier le fait de pas me mettre du poison dans le corps. Je suis le seul à ne pas boire mais c’est pas moi le fou !
Je répète : il ne faut pas culpabiliser la consommation d’alcool. Comme toutes les drogues : culpabiliser les consommateurs aggrave le souci. Mais je te partage ma pensée brute de sur le moment. Parce que ça m’a frappé.
L’alcool c’est de l’eau
Y’a une chanson qui scandait l’alcool c’est de l’eau qui représente bien cette banalisation qui justement passe par ce genre de blague.
On a aussi une banalisation via la fiction. Dans les fictions on associe les femmes fortes avec femmes qui consomment du vin. De plus, quand les personnages boivent, on les voit rarement en gueule de bois.
Pire encore :
Sept français sur dix ne voient aucun problème à laisser des mineurs consommer de l'alcool à l'occasion de ces fêtes de fin d'année. Ils sont même 30 % à estimer qu'on peut servir de l'alcool à des enfants de moins de quinze ans.
“Oh, une petite coupe de champagne, ça ne fait pas de mal.”
Et bien si, ça peut en faire.
La banalisation de groupe
En fait, tant qu’on fait comme tous les gens autour de soi, ça va.
C’est le gros piège. La consommation excessive c’est uniquement en solitaire.
Je me rappelle avoir alerté une personne sur sa consommation dangereuse (avec un début de risque pour son intégrité physique) et la réaction très sincère de mais autour de moi je suis la personne qui boit le moins.
Certes, mais ça marche pas comme ça. Les dégâts de l’alcool sont en valeur absolue, pas en valeur relative. Notre corps se fout de savoir que d’autres se détruisent encore plus.
La pression du groupe
On connaît ces phrases pour nous remettre dans le rang :
Mais t’es enceinte ?
Oh non ! Tu peux pas nous faire ça ce soir !
Allez… je peux pas boire tout seul !
Dans le podcast Alcool, nous avons un problème | Vivons heureux , nous est raconté une scène où carrément une autre personne va coller le verre sur la bouche d’une autre et verser le contenu sur ses lèvres fermées. Dans l’hilarité générale.
Moi-même, en école de commerce, j’ai vu des scènes similaires où on rigole alors que le consentement est clairement enfreint.
On a également une pression au virilisme. On parle de tenir l’alcool. Il faut boire quand on est un homme. Montrer qu’on peut le faire quand on est une femme si on veut être acceptée dans le groupe de pouvoir.
On associe aussi l’alcool à l'âge adulte : pour être un vrai adulte il faut boire.
Soit t’es normal·e, soit t’es alcoolique
Pour que ça tienne, il faut absolument avoir une binarité. Les alcooliques et les autres. Alors on invente des centaines de règles.
Si tu bois pas le bon alcool alors tu es alcoolique.
Par exemple de la vodka à midi, on va te regarder mal alors qu’un verre de vin c’est ok. Ça n’a aucun sens : la substance active des alcools est la même peu importe l’alcool.
Si tu bois pas à la bonne heure alors tu es alcoolique
Par exemple si je bois un verre de vin tous les matins on va me regarder mal alors que si j’en bois 2 le midi et 1 le soir, on va trouver ça normal. Là encore ça n’a aucun sens : j’ai trois fois plus de risque quand je bois 3 verres au bon moment qu’un seul au “mauvais”.
Si tu bois sans personne alors tu es alcoolique.
Si une personne vide une bouteille de vin, seule chez elle, on va énormément s’inquiéter. Mais si la même personne vide deux bouteilles de vin pendant une soirée on va se dire que c’est une fêtarde.
Sauf que beaucoup de gens tombent dans l’alcoolisme sévère de cette manière : avec des consommation hebdomadaire, uniquement en soirée.
C’est pas parce que tu bois 30 verres chaque weekend au lieu de boire 4 verres en solo chez toi par jour que c’est mieux. C’est même probablement pire car y’a un effet seuil. C’est pas parce que tu ne bois que en soirée que tu ne peux pas être en état d’alcoolisme très sévère. Ce n’est pas lié.
Il y a un spectre
Il faut combattre cette binarité. En repensant la question et en se disant que : moins d’alcool c’est toujours mieux pour la santé. Il n’y a pas une zone qui serait la modération et qui serait la normalité. Parce que personne veut être anormal. Tout le monde veut dire que l’alcoolique c’est une autre personne.
Non y’a pas les normaux et les autres. Y’a toi qui bois et toi qui bois moins.
D’autant plus qu’on ne pare pas de ce qui se passe pour les personnes qui dépassent la consommation repère recommandée par les autorités mais qui ne sombrent pas pour autant dans la déchéance.
Car oui, quand on pense alcoolisme en vrai ce qu’on veut dire c’est alcoolisme de la déchéance. Le stade critique qui amène à l’hospitalisation.
Justement, c’est cette expérience qui est raconté dans un livre, lui-même résumé dans ce podcast :
mais alors comment savoir si on est alcoolique ou pas ?