La personne qui dit tout haut ce que les autres pensent tout bas
Nouvelle conférence, jeudi 11 décembre
Est-ce que tu es toujours la personne qui dit tout haut ce que tout le monde pense tout bas ?
Mais pas genre en mode « je dis leur quatre vérités aux gens ». Non même quand tu fais pas exprès. Comme si c’était ta nature.
C’est le pitch de départ d’une série qui s’appelle Iris.
Ça parle d’un personnage qui dit ce qu’elle pense. Pas tout le temps, tout le temps. Mais souvent. Et surtout, elle ne comprend pas pourquoi on lui demande explicitement de dire son avis puis on se fâche parce qu’on dit qu’elle aurait du mentir.
Je me suis beaucoup reconnu dans ce personnage.
C’est un truc qui m’a beaucoup pesé. Dans les groupes où j’ai été on attendait souvent que je dise LE TRUC. Sauf que c’est moi ensuite qui me prenait le poids du conflit. Par exemple, dans ma dernière année d’école de commerce. Tout le monde en avait marre d’un prof qui abusait et y’a que moi qui lui ait tenu tête.
Mais c’est pas que ce truc de dire ce que je pense qui me fait me reconnaître en Iris. Elle a aussi
du mal à ouvrir les emballages à ouverture facile
un sens de l’injustice qui bouffe sa vie
elle se plonge à fond dans un sujet quand elle est dedans mais genre vraiment à fond
Tu me vois venir… il se trouve que tout ça ce sont des traits autistiques !
Je me reconnais en Iris car je suis autiste et que je ne comprends pas la culture alliste. Les allistes ce sont les non autistes. Ceux qui sont la norme.
D’ailleurs, si au début la créatrice de la série Doria Tillier niait qu’Iris est autiste en disant c’est juste une version plus poussée de moi, elle a récemment été plus ouverte à l’idée.
Le podcast Un bon moment
Dans un podcast qui s’appelle Un Bon Moment elle discute avec Navo, Kyan Khojandi et Augustin Trapenard.
Voici un extrait de leur discussion
[Navo ] - C’est un peu toi (Kyan) qui m’a appris à être plus, un peu plus normal dans le sens où sinon c’est bizarre mes interactions avec les gens.
[Kyan] - Un jour Navo, on discutait comme ça dans la rue, on était quatre et Navo il fait :
Kyan mime Navo qui se retourne brutalement et s’en va.
[Navo] - C’était parfaitement guidé par la logique mais j’avais pas pris en compte les variables des interactions entre les humains je me souviens que mon argument c’était de dire mais quelle information n’ont pas eu les gens entre si je dis au revoir ou pas. J’étais là, c’est un groupe, c’est pas genre on est deux. Je pars, les gens voient que je suis plus là. Ce serait pas un peu redondant de leur dire je pars ? Et apparemment si, il faut le dire.
[Kyan] - C’est un peu un extraterrestre qui arrive dans les codes humains, c’est trop marrant
(…)
[Augustin] - Dans Iris, il y a des passages, des scènes que moi j’ai vécu en tant qu’ami (de Doria). J’avais l’impression de revivre des moments. Les gens me disaient : “Iris, quel personnage extraordinaire, on en voit rarement.” Et je me disais: “Alors oui on en voit rarement… sauf quand on est ami avec Doria.”.
[Navo] Ce que j’aime, c’est la dialectique dans la série. Moi, j’étais quasiment tout le temps du côté d’Iris. Donc quand les autres personnages lui disaient : “Tu pourrais faire un effort…”. J’étais là : “Mais quel effort ?”
[Doria] - Quand la série est sortie, il y a eu plusieurs réactions.
Des gens disaient : “Oh là là, quelle grosse chieuse, on a envie de lui mettre des tartes, c’est génial !”. Et moi j’étais là ah bon ? Ah bon parce que….
(sous-entendu, elle est comme son personnage)
[Augustin] - Et puis y’a tous ceux quand même qui t’ont dit merci d’avoir parlé de nous et qui étaient autistes Asperger
[Doria] - Pas autistes Asperger, juste autistes. Même si moi je connais pas assez le sujet, je connais pas assez l’autisme, peut-être qu’elle l’est mais je ne crois pas, en tout cas ce n’était pas mon intention
[Navo] - Mais tu es d’accord que tu es souvent d’accord avec les personnes autistes ? Les gens me disent que t’es autiste, je réponds je crois pas, je suis pas diagnostiqué mais genre je suis là pour moi ils ont tout le temps raison (…) on va leur reprocher de pas comprendre les codes de la société alors que ce sont des codes qui sont pas vraiment cohérents et logique.
Y’a déjà tout dans cet échange. C’est comme ça que je me sentais, moi aussi, avant de comprendre que j’étais autiste.
Ils continuent :
[Doria] - En tout cas oui c’est c’est vrai que je vois tout à fait les points communs entre ce qu’on appelle l’autisme, la façon de penser de Navo et ma façon de pensée
[Augustin] - Oui, vous êtes sur le spectre, quoi !
Bon… si tu me suis depuis un moment tu sais que ça m’a rendu fou. Cette notion de spectre est un poison qui empêche les gens d’aller plus loin. Je me disais EXACTEMENT ça, que voilà je suis sur le spectre, à moitié autiste.
Mais revenons à ce sujet de décalage avec les conventions sociales. Tous les autistes n’ont pas ce trait mais c’est un trait répandu chez les autistes. Parfois en raccourci je dis que je ne comprend pas les codes sociaux. Parfois c’est vrai. Mais parfois on m’a déjà expliqué, je comprends mais, comme Navo je les méprise. Je les trouve stupides.
Un exemple de convention que je trouve stupide
Est-ce que tu savais que tu étais censé·e renvoyer les questions qu’on te pose ? Genre si on te demande comment ça va au travail, tu dois demander à la fin « et toi, comment ça va au travail» ?
C’est ma compagne qui m’a enseigné ça.
Pire que ça, parfois les gens te posent une question UNIQUEMENT pour que tu leur renvoies. Genre une personne me pose une question sur comment ça va dans mon couple… mais la personne n’écoute pas vraiment la réponse, elle veut juste que je finisse par « et toi » pour qu’elle puisse me raconter que ça va pas dans SON couple.
Je trouve ça totalement stupide.
Si tu veux parler d’un truc… bah parle du truc de toi-même. On est pas dans une interview, je suis pas journaliste, j’ai pas besoin de te faire des relances.
Bon…
En vrai ça me coûte rien… c’est juste que j’y pense pas. Donc depuis, quand je m’en rappelle, je fais l’effort de renvoyer la question. Mais c’est un effort CONSCIENT. Ce n’est absolument pas naturel pour moi.
Je dois vraiment me dire dans ma tête « ah attends… y’a un blanc ? Pourquoi ? Ah mais je viens de raconter un truc… à la base c’était suite à sa question… donc… est-ce que ce serait pas… parce qu’elle attend que je renvoie la question ? ».
Les gens sont tellement contents quand je leur renvoie la question que ça me fait plaisir pour eux.
Même si je trouve quand même ça stupide.
Entre temps, j’ai compris pourquoi ça me paraissait si stupide : c’est parce que je suis autiste. Et on revient à ce trait de mépriser les règles sociales.
Mais surtout, maintenant que je sais ce qu’est l’autisme, je sais aussi ce qu’est l’allisme, c’est-à-dire l’inverse. De la même manière que maintenant que je sais que je suis Noir, je conscientise ce qu’est la blanchité.
Les allistes, comme les blancs, détestent qu’on les appelle les alliste ou les blancs, parce que pour eux ils sont juste LA NORME. Leur donner un nom les mets déjà mal à l’aise.
Manque de pot pour eux, Clara Törnvall a décidé de les mettre totalement mal à l’aise dans un livre qui décrit la culture alliste. Ce livre a été une bouffée d’air frais pour moi car il m’a permis aussi d’éprouver de l’indulgence pour les allistes. Maintenant que je comprends POURQUOI c’est à ce point important pour les allistes qu’on leur renvoie la question, j’accepte plus volontiers de le faire.
Dans ce livre elle explique:
Pourquoi les allistes mentent tout le temps
Pourquoi ils aiment le small talk
Pourquoi ils nous trouvent bizarres
Ce livre je vais te le résumer jeudi 04 décembre à 12h15 dans une conférence en ligne. Si ça t’intéresse, voici le lien pour t’inscrire :
https://event.webinarjam.com/9y032/register/zlv02s2
PS : l’inscription te donnera accès au replay

MDR, cette conversation est lunaire quand on a les connaissances sur l'autisme.
"J'ai un truc en métal de 1.5 tonnes avec 4 roues et un moteur."
"Oui une machine sur le spectre de la voiture."