La différence entre un Burn-out Autistique et une dépression
98% des burn-out autistiques débouchent sur une dépression. Si bien qu’il est extrêmement rare d’observer un burnout autistique sans dépression qui va avec.
Mais pourquoi on appelle ça burnout autistique ?
Déjà il faut savoir qu’il y a un débat pour savoir si le burnout traditionnel (celui qui découle d’un épuisement professionnel) est un trouble à part ou bien une autre forme de la dépression.
Y’a des gens qui disent que « burnout » c’est juste un mot sexy pour dire « dépression créée par mon travail ».
Mais les deux camps s’accordent sur l’idée de « se cramer », l’idée que la cause est identifiée et qu’elle agit lentement, insidieusement jusqu’à la bascule. Comme le feu qui consume quelque chose.
Y’a une théorie que j’aime bien sur le burnout professionnel c’est l’idée que certains sont provoqués non pas par un épuisement en tant que tel mais par un décalage entre nos valeurs et celles de notre travail. C’est d’ailleurs pour ça qu’un des traits du burnout est le cynisme : tu te détaches de cette version de toi que tu n’aimes pas.
Cette idée se transpose dans le burnout autistique : tu vis trop en désaccord avec ta « nature » autistique et à un moment ça craque.
Qu’est-ce qu’un burnout autistique, exactement ?
De la même manière qu’on peut lister des critères de dépression, on a des critères pour le burn-out autistique. Y’a pas une liste qui fait consensus car ça ne fait pas beaucoup de temps que la science s’intéresse au sujet mais en voici une qui me paraît pertinente et que j’ai découvert dans l’incroyable The Ultimate guide to autistic burnout :
Critères provisoires du burnout autistique
(d’après Higgins et al., 2021)
Les symptômes suivants doivent être présents pendant au moins 3 mois, et représenter un changement par rapport au fonctionnement habituel :
1. Épuisement mental et physique significatif — souvent décrit comme une fatigue extrême
Cet épuisement profond, caractéristique centrale du burnout autistique, correspond à une sensation écrasante de fatigue.
Il dépasse la simple lassitude et affecte de manière importante le bien-être physique et émotionnel de la personne.
2. Retrait interpersonnel, entraînant une réduction des interactions sociales
Le burnout s’accompagne souvent d’un retrait social accru.
Les personnes autistes peuvent éprouver des difficultés à maintenir des interactions sociales durant cette période, préférant la solitude comme stratégie d’adaptation.
3. Un ou plusieurs des éléments suivants :
a. Réduction significative du fonctionnement dans plusieurs domaines
(par ex. : social, professionnel, éducatif).
b. Confusion, difficultés liées aux fonctions exécutives et/ou états dissociatifs.
c. Intensification des traits autistiques et/ou diminution de la capacité à camoufler les caractéristiques autistiques, et/ou réduction de la tolérance aux stimulations.
Ou, en version plus graphique :
Les burnout autistiques intermittents
Je n’ai jamais fait de burnout autistique selon la définition précédente, car il manque la durée. Et surtout, je connais des gens qui ont fait des burnout autistiques de PLUSIEURS ANNÉES... la pensée me terrifie.
Mais… il y a une précision dans la définition. La voici :
🟦 Note
L’épuisement autistique (autistic burnout) ne s’explique pas mieux par une maladie psychiatrique telle que la dépression, la psychose, les troubles de la personnalité,
ou les troubles liés au traumatisme ou au stress.
⚠️ Mises en garde
Voici quelques éléments à garder à l’esprit lors du diagnostic de l’épuisement autistique
(Higgins et al., 2021) :
Des épisodes prolongés ou chroniques d’épuisement autistique
peuvent être précédés d’épisodes brefs ou intermittents.
Il peut être difficile d’identifier l’étendue de l’épuisement, car la personne peut connaître de brèves poussées d’énergie — souvent liées à une stimulation positive — tout en restant globalement épuisée.
L’épuisement donne l’apparence d’un mécanisme de survie intégré.
Je me reconnais totalement dans la notion de burnout intermittent : ça m’arrivait tous les 4 à 6 mois et ça durait entre 1 à 2 mois.
Je me reconnais encore plus dans l’idée que ça ressemble à un mécanisme de survie interne. Je me rappelle que je disais que mes dépressions étaient des formes de décompressions dont mon système avait BESOIN pour se maintenir.
Si bien que j’avais le plus grand mal à croire qu’il était possible de vivre une vie entière sans jamais vivre une seule dépression.
Une description encore plus précise
Des chercheurs ont développé une classification des signes du burnout autistique qui permet d’avoir une idée plus fine. Elle se découpe en 4 grandes catégories :
1. Épuisement
a. Épuisement mental et physique, accompagné d’un retrait social.
b. Désir de faire le moins possible.
c. Aggravation potentielle de la santé physique → Par exemple : fatigue chronique.
d. Faible estime de soi et sentiment d’inefficacité personnelle ; les anciens mécanismes d’adaptation ne sont plus efficaces, et les activités auparavant plaisantes ne le sont plus.
e. Abandon de l’université et/ou chômage.
f. Les signes d’épuisement persistent pendant des mois, voire des années.
2. Perturbations cognitives, problèmes de mémoire, confusion et humeur
a. Réduction du niveau de fonctionnement par rapport au niveau habituel
→ Par exemple : moindre soin de soi, dérégulation émotionnelle, mutisme sélectif.
b. Nouvelles difficultés des fonctions exécutives
→ Par exemple : la personne peut sembler avoir développé des traits similaires au TDAH.
c. Diminution des capacités cognitives
→ Par exemple : « brouillard mental » (brain fog).
d. Confusion quant à savoir si les signes relèvent d’une dépression clinique
(cette confusion peut être vécue autant par la personne que par les cliniciens non familiers avec le burnout autistique).
e. Difficulté à exprimer l’épuisement émotionnel (alexithymie) et à demander de l’aide.
f. Diminution du sentiment d’accomplissement personnel.
g. Dégradation globale de la santé mentale et changements d’humeur
→ Par exemple : désespoir, négativité, dépression, irritabilité, pensées suicidaires.
3. Hyperconscience autistique
a. Sensibilité sensorielle accrue et conscience plus marquée des caractéristiques autistiques.
b. Augmentation de la manifestation des traits autistiques.
c. À noter : de nombreux traits autistiques sont en réalité des mécanismes d’adaptation ; leur intensification reflète donc une plus forte mobilisation de ces stratégies (par ex. augmentation des comportements d’auto-stimulation – stimming).
d. Diminution de la capacité à camoufler ou masquer les traits autistiques.
e. Probablement due à une capacité réduite à camoufler, plutôt qu’à un choix conscient de ne plus le faire.
f. Peut précéder ou précipiter un diagnostic d’autisme.
g. Diminution de la tolérance aux stimulations sensorielles et sociales.
4. Débordement et retrait
a. Augmentation des épisodes de shutdowns → Par exemple : état de sidération (incapacité à faire quoi que ce soit, voire à bouger).
b. Besoin de retrait social et de temps de récupération.
c. Peut inclure un isolement social complet.
d. Pensées suicidaires, tentatives ou passage à l’acte.
e. Déclenché par un sentiment d’« impasse » ou de besoin de s’échapper.
f. 44 % des personnes autistes en burnout font l’expérience de pensées suicidaires.
Qu’est-ce qui provoque le burnout autistique ?
La bonne nouvelle c’est qu’on connaît les causes. Un des grands drames de ma vie c’est que j’étais frappé de dépression tous les six mois sans savoir pourquoi. Je m’étais même inventé que j’avais un cycle naturel relié à des traumatismes d’enfance parce qu’une fois on m’avait dit que c’était possible.
Savoir pourquoi permet d’éviter plus facilement d’en arriver là.
Voici les six grandes causes du burnout autistique :
1. Les causes sociales
des événements comme les mariage sans temps de récupération suffisant
la communication avec les allistes surtout si ce sont des proches (bien entendu on parle des cas où tes besoins de communication ne sont pas pris en compte)
2. Les causes sensorielles
une exposition trop longue et/ou répétée aux stimuli sensoriels pour les quels tu as une hypersensibilité
3. Les causes cognitives
une succession de « petits » changements dans tes habitudes
un très gros changement (commencer et/ou quitter un job, aller à l’université, prendre un animal, etc )
un changement relationnel (commencer à dater quelqu’un, se faire un·e nouvel·le ami·e , avoir un·e manager différent·e, le décès de quelqu’un)
4. La vie d’adulte (pas le nom officiel mais je le trouve beaucoup plus parlant)
Faire de l’administratif
Faire ses courses
Gérer ses factures ou ses impôts
Utiliser les transports publics
Réserver des RDV médicaux
Se faire couper les cheveux
Cuisiner des plats qui demandent de multiples étapes et/ou ingrédients et/ou modes de cuisson
5. Le manque de support
La plupart du temps, si tu fais un burnout autistique c’est parce que tu ne reçois pas les aménagements spécifiques nécessaires à ton handicap. Et pire, tu peux vivre :
Des gens qui te disent que tu es une feignasse au lieu de t’apporter de la compassion
De la solitude parce que tu arrêtes de fréquenter les gens qui ne te comprennent pas
L’impression que personne ne t’aide quand tu demandes de l’aide
Le fait de te comparer aux allistes en te disant que vraiment tu es nul·le
Et encore plein d’autres trucs
6. La discrimination au travail
Des commentaires explicitement validistes si on sait que tu es autiste
Le refus de te fournir des aménagements spécifiques
De manière générale une ignorance de ce qu’est l’autisme
Comment on soigne le burnout autistique ?
L’autre bonne nouvelle c’est qu’on a un protocole pour traiter le burnout autistique. Ça tient en 5 étapes :
1. Identifier le burn-out autistique
2. Se retirer des endroits qui en demandent trop (souvent le travail). Plus le retrait intervient tôt et plus on empêche le burnout de durer longtemps.
3. Apporter des changements structurels dans sa vie. Par exemple si c’est le travail ou une relation qui crée le burnout autistique il faut évaluer l’éventualité d’y mettre fin.
4. Se ré-énergiser avec des intérêts intenses
5. Revenir graduellement à une vie « normale »
Que faire si tu veux creuser le sujet ?
Je prendrai le temps de faire une semaine dédiée entièrement au burnout autistique mais si tu sens que le sujet t’intéresse voici trois pistes.
1. Aller lire le guide du burnout que j’ai paraphrasé quasiment tout le long de cet email : The ultimate guide to autistic burnout
2. Acheter le cahier d’exercices pour survivre à un burnout autistique : The Autistic Burnout Workbook: Your Guide to Your Personal Recovery Plan
3. Passer le test d’évaluation pour savoir si tu es en ce moment en burnout autistique : https://embrace-autism.com/autistic-burnout-construct/