Je viens d’écrire un thread parce qu’en ce moment la gauche nie énormément les propos antisémites relayées en son sein et que ça fait écho à mon propre vécu.
La phrase de Frantz Fanon n’a jamais aussi violemment résonné dans mon oreille :
Quand vous entendez dire du mal des juifs, dressez l'oreille, on parle de vous.
Et voir la quantité astronomique de déni sur l’antisémitisme me blesse profondément. Parce que c’est un déni cousin de celui sur le racisme.
Tout ça s’est cumulé à une histoire dans l’actualité où on a plein de gens de gauche qui défendent une militante du RN parce qu’on se moque d’elle. En disant que quand même il vaut mieux comprendre sa pauvreté que de lutter contre son racisme.
Avant de te recopier le thread, petit rappel car je n’ai jamais abordé le sujet du massacre en Palestine ici. Car j’estime que je ne suis pas assez expert/informé pour assurer la ligne éditoriale de l’Atelier Galita qui est de faire l’inverse des journaux d’actualité : de l’intemporel, utile, épanouissant.
Mais tu peux me suivre sur Twitter si ça t’intéresse. Et je recopie un de mes tweets avant de continuer :
Ces trois phrases peuvent être vraies
1) Dénoncer le massacre commis par le gouvernement israélien actuel
2) Aspirer à ne pas propager des tropes antisémites en le faisant
3) On va forcément le faire. Être à l’écoute quand ça arrive et s’excuser.
Point 4 caché : je m’inclus dedans.
La réalisation en Guadeloupe
Si tu as suivi les chroniques guadeloupéennes où je racontais ici mes vacances en Guadeloupe tu le sais déjà : j’ai réalisé en Guadeloupe que j’étais beaucoup moins asociable que ce que je pensais.
Et donc voici le thread que j’ai écrit sur Twitter :
Au retour ma partenaire m'a dit "mais t'es SUPER sociable en Guadeloupe ?!!!" et d'un coup j'ai COMPRIS. ...
J'ai compris qu'en fait je portais en permanence une méfiance. Parce que je sais qu'ici si je dis bonjour à quelqu'un, il peut rapidement me dire "ahah tu ressembles trop à Maître Gims" (juste parce que j'ai des lunettes de soleil) et que ça va me souler...
Je sais qu'ici si je m'habille pas assez bien et/ou que je le regarde dans les yeux, le vigile du supermarché va vouloir me fouiller... que la moindre interaction sympathique peut tourner en blague raciste... ENORMEMENT de blancs font des blagues racistes...
Je sais qu'ici qu'en soirée appartement je vais vivre cette scène horrible de "tu viens d'où ?"... "non mais avant Reims ?" ... "non mais tes parents ?" ... "non mais avant tes parents ?" et qu'on me foutra pas la paix tant que j'aurais pas expliqué pourquoi je suis Noir.
Je sais qu'on a déjà dit à mon ex que "vraiment machine c'est trop une meuf à Noirs" puis "oh désolée...c'est pas ce que je voulais dire..." Et que cette personne ensuite je dois la recroiser et lui sourire (et au fond je lui en veux pas, mais je sais).
Un jour pour rigoler j'ai proposé de chronométrer le temps qu'il me fallait pour sortir en courant de l'appartement de ma pote. Je l'ai déjà fait en Guadeloupe (pour voir si on peut sortir en 10 secondes comme recommandé lors d'un séisme)...je l'ai fait...
Le concierge s'est énervé, je lui ai expliqué, il est devenu furieux, au point de me menacer physiquement puis il m'a suivi jusqu'au retour de l'appartement. Puis, il a dit que les gens comme moi (avec le geste de la main sur le visage) devraient pas courir sans raison car ça fait peur...
Dans le monde pro on m'a expliqué que tout le monde vit du racisme, que y'a bcp de racisme contre les bretons et les roux... La psy que j'allais voir pour me soulager de cette charge a elle aussi fini par dire "non mais les blancs vivent autant de racisme que vous" elle a été jusqu’à m’inventer un trouble psychique que je n’ai pas pour ne pas accepter que le problème que j’avais était lié au racisme.
On rappelle au passage qu’énormément de personnes vivent des troubles psychiques, moi le premier, je ne dis pas ça parce que ça serait infamant. D’ailleurs, je suis atteint de dépressions chroniques. Mais en l’occurrence elle m’avait totalement inventé autre chose et elle était incapable d’argumenter. C’est à force que je la pousse dans ses retranchements qu’elle a fini par lâcher que j’étais en colère de manière inappropriée, par exemple de m’énerver quand une personne blanche me demande d’où je viens.
Tout ça pour dire qu'en Guadeloupe d'un coup je deviens une autre personne car toute cette charge disparaît. Et je l'avais pas remarqué avant qu'on me le souligne. Mais oui en fait c'est évident. En Guadeloupe je ne ressens pas de menace permanente...
Alors quand vous avez du mal à croire que 25% des électeurs sont racistes. Alors que ce que je viens de raconter c'est le vécu d'un Noir très très à l'abri du racisme (imaginez si j'avais grandi en banlieue ou si j’avais été dans une famille pauvre)... et que c'est uniquement ce qu'ON ME DIT EN FACE...bah je vois que vous vivez sur un nuage.
Votre déni est trop fort parce que ce sont... des gens de vos familles. On le sait, à chaque Noël vous nous racontez le nombre de gens racistes à vos tables. C'est trop dur pour vous de voir la réalité en face.
Note : Ici, le vous s’adressait à toutes ces personnes de gauche en train de nier que les gens votent RN (au premier tour) par racisme.
Le concept de charge raciale
Ce n’est que récemment que j’ai découvert le concept de charge raciale. Et comme on m’avait déjà expliqué le concept de charge mentale quand on est une femme, j’ai compris avant même qu’on m’explique.
Mais je te donne quand même une définition :
La charge raciale, en fait, c'est une manière de s'adapter constamment dans une société majoritairement blanche, c'est-à-dire de fomenter des stratégies d'adaptation, que ça soit au travail, dans son couple aussi, parfois, dans ses relations, et de porter un masque pour ne pas subir des micros agressions ou des macros agressions d'ailleurs. Mais ce que je montre dans ma charge raciale dans cet essai, c'est qu'il y a aussi une part qui est très psychique, très individuelle, très centrée dans l'intériorité des personnes racisées.
D’où vient cette citation ?
Depuis que j’ai découvert ce livre je me dis que je dois le lire :
Mais ce n’est jamais dans mes priorités…
Et si vous m’aidiez à creuser le concept ?
Vous allez clairement me servie de cobayes. En choisissant de faire de ce thème le thème de la semaine, j’enfreins mon fonctionnement habituel. En effet, normalement si je te parle d’un livre ou de la pensée d’une personne c’est que je connais déjà, et je résume. Là ça va me demander de creuser en temps réel.
Je ne sais pas si j’aurais le temps de finir le livre en une semaine, mais l’autrice a plusieurs vidéos et podcast où elle le résume. Donc je me fixe comme objectif d’aller creuser et découvrir au moins ça, pour vous raconter mes découvertes au fur et à mesure.
Donc, pour une fois, le sujet on va le découvrir au même moment vous et moi.
Maintenant que je l’ai annoncé, ça va être dur de remettre à la semaine prochaine.
Hâte de lire les mails de la semaine !