Je vous réponds #1
Jeudi dernier je vous ai proposé de poser les questions que vous vouliez dans un document anonyme. Merci d’avoir joué le jeu !
Y’a pas mal de questions auxquelles je veux répondre, mais ça fait trop pour un email. Donc on va le faire en plusieurs épisodes.
Ceci est donc le premier épisode de réponses à vos questions.
N'y a-t-il pas une auto contradiction entre ton jugement sévère sur les news et ta présence sur Twitter qui accélère et magnifie tous les travers des news?
Tout à fait ! Je me demande d’ailleurs comment la résoudre. Parce que je sens que ça n’est pas neutre sur ma santé mentale. Pour l’instant voici où j’en suis dans ma réflexion.
Dans un premier temps, il se trouve que j’ai la chance de faire partie des personnes les moins anxieuses de la population. J’ai mis du temps à le comprendre. Jusqu’à un jour faire un test sur le sujet qui m’a classé dans les 2% les moins stressés de la population.
Du coup, les news me semblent avoir un effet beaucoup moins fort sur moi. Par exemple lorsque que la Russie a envahi l’Ukraine j’ai bien vu la différence entre mon indifférence et le stresse d’autres personnes. Pour autant, elles ont quand même un effet sur moi, ce qui nous amène au deuxième point.
Dans un deuxième temps donc, je ne peux pas nier cet effet sur moi. J’essaie donc de prendre du recul en permanence. Je suis sur Twitter, certes, mais je n’ai pas de notification de news. Ni de Twitter, ni d’une application genre Le Monde.
Dans un troisième temps, une fois que tout ceci est dit je suis très attaché à ce que j’apprends sur Twitter. En effet, Twitter a été pour moi une énorme école de militantisme. Que ce soit sur l’antiracisme, le féminisme, la lutte contre l’homophobie, contre la transphobie…
Suivre le black twitter a tout changé dans mon rapport à ma propre négritude. Parce que subitement je pouvais avoir les concepts structurés sans lire tout un livre. J’ai fini par lire Martin Luther King par moi-même, mais je ne l’aurais pas fait si d’abord Rokhaya Diallo n’en avait pas résumé la pensée sur Twitter.
Dans un quatrième et dernier temps, j’utilise Twitter comme un outil de mon militantisme. Je me sers donc de l’actualité pour faire comprendre des positions. C’est une démarche consciente d’utilisation de l’agenda médiatique à des fins militantes. Or, j’estime que l’impact que j’ai comme ça est plus important que le désagrément que ça crée sur ma santé mentale.
Voilà, donc pour le moment je suis content d’être sur Twitter, mais j’évoluerai peut-être sur la question.
À force de te lire, on voit bien que tu lis beaucoup. Est-ce que tu lis aussi des livres de fantasy, de SF, des polars (par exemple) ? Si oui, quels sont tes goûts ? Des titres à partager ? Chloé.
J’aurais adoré pouvoir te partager des titres, Chloé. Mais je ne lis quasiment pas de fiction. Par exemple, l’an dernier sur environ 35 livres j’ai dû en lire 2 ou 3 de fiction. Et encore, c’est parce que ma meuf m’y incite. On se lit des livres à haute voix.
Et… la fiction se prête beaucoup mieux à l’exercice.
Enfin je dis ça parce que je suis parti du principe que tu sous-entendais des livres avec que des mots. Parce que sinon je lis pas mal de bande-dessinées. Que ce soit des mangas ou des comics.
Ma recommandation : Superman, the redson
Ça se lit vite et c’est fou de voir comment on peut écrire très différemment l’histoire de Superman. Ça raconte ce que serait Superman s’il était arrivé en URSS plutôt qu’aux USA. C’est super court et haletant. En revanche, il faut déjà connaître un minimum les fondamentaux de la mythologie originale, sinon ça n’a pas grand sens.
Ou sinon : Injustice
Mais faut avoir du temps et du budget car c’est une série en 19 tomes !
J’ai été scotché et fasciné par cette proposition. Ici la problématique c’est : jusqu’à quand faire le bien sans le consentement c’est encore le bien ? À quel moment ça devient un totalitarisme ? Si Superman oblige le monde à être en paix, est-ce un dictateur ?
Cela m'est arrivé de donner mon avis en prenant le temps et en structurant mes arguments à tes newsletters ces dernières années mais jamais de réponse, même pas un merci.
C’est un sujet sur lequel j’ai prévu depuis un moment de prendre la parole. Mais je ne sais pas trop comment l’aborder de manière compréhensible. En effet, quand j’étais de l’autre côté de la barrière je ne comprenais pas les créateurs de contenu qui tenaient le propos que je vais tenir.
Je crois que ça fait partie des choses qu’on ne peut pas pleinement comprendre sans les avoir vécues. Mais essayons quand même.
Premièrement, ma boîte email en ce moment affiche 685 emails non-lus.
Donc, une personne qui m’écrit peut se dire “j’écris, c’est pas long de me répondre”. Mais moi de l’autre côté bah des emails j’en ai plein. Si je répondais à chaque fois ce serait une partie de ma journée. Je m’occupe de l’Atelier le soir et le weekend, après mes heures de travail. J’écris ces lignes un dimanche à minuit passé (un lundi techniquement du coup) parce que je me suis occupé de mes proches ce weekend.
Deuxièmement, je n’ai jamais promis de répondre. Au contraire même, puisqu’il faut payer pour laisser un commentaire ou pour faire partie du groupe Whatsapp. C’est un choix conscient et explicite : si vraiment, une personne veut que je lui réponde, elle peut s’abonner à l’Atelier premium. Ta question suppose que tu me suis depuis un moment, donc au lancement tu pouvais t’abonner pour 3€/mois. Si c’était si important que ça, la solution était toute trouvée.
Répondre à une communauté est un métier : community manager. D’ailleurs, je paie quelqu’un pour le faire sur Instagram. Donc sur Instagram, tout le monde a une réponse. Pas de moi, cependant.
Troisièmement, ce n’est pas qu’un problème de temps mais aussi de santé mentale. Je reçois des insultes racistes, des messages qui me disent que je suis un danger pour la France, d’autres qui nient mon expérience du racisme.
J’en reçois davantage pour me soutenir, mais malheureusement une seule insulte raciste efface une centaine qui me dit que c’est génial.
Quatrièmement, on oublie un peu vite que je n’ai pas demandé à recevoir de longues argumentations sur ce que je fais ? Et que je peux simplement trouver que ça ne m’a rien apporté ? La question sous-entend que je devrais quelque chose ? Mais pas du tout. Quand tu t’abonnes à cette newsletter, tu sollicites explicitement le fait d’avoir des emails de moi. Mais l’inverse n’est pas vrai.
Est-ce que quand tu vas à un discours politique, tu montes sur scène pour donner ton avis ? Est-ce que quand tu assistes à du théâtre engagé politiquement tu lèves la main pendant le show pour donner ton avis ?
Et bien c’est pareil ici. Si jamais je n’écris pas explicitement “j’aimerais avoir vos avis là-dessus” et bien c’est que je ne les sollicite pas.
Attention, ça ne veut pas dire que vous ne pouvez pas tenter votre chance en donnant votre avis. Récemment on m’a écrit que j’avais oublié de mettre les sources des images que je prenais dans mon formait une image vaut mille mots. Je n’avais pas sollicité cet avis. Mais je l’ai trouvé extrêmement pertinent donc j’ai remercié la personne en promettant de ne plus le refaire.
Une communication non-sollicitée doit être deux fois meilleure que si elle avait été sollicitée. C’est le jeu des communications non-sollicitées. Si tu vas voir quelqu’un dans la rue pour lui donner ton avis sur sa tenue, si ça se trouve la personne va adorer… mais si ça se trouve elle va mal le prendre. Tout dépend de ton talent dans l’exercice de l’approche à froid.
Par exemple récemment j’ai reçu un email qui me disait j’aime pas ce que tu fais, c’est ennuyant, même tes conférences sont bofs, sauf une que j’ai ADORÉ… vraiment c’était fou. Tu veux venir prendre un café avec moi ?
BAH NON ?
Oubliez pas que c’est une approche à froid. Il a l’impression de me connaître mais moi c’est le premier message que je reçois de lui, y’a aucune préparation et ça me dit que tout ce que je fais est bof. Pourquoi pas, hein ? Mais du coup j’ai pas envie de répondre.
Cinquièmement, par politesse je ne réponds pas si j’ai trouvé ça nul. Des argumentaires nuls j’en reçois. D’ailleurs je dirais que deux fois sur trois les gens qui prennent le temps d’écrire un long email c’est pour m’écrire un truc nul.
Du coup, pourquoi ça m’obligerait ? Par exemple, je vais écrire sur un sujet où j’ai une expertise et la personne va faire un long email avec tous les clichés de débutants (le racisme est un sujet où ça arrive souvent). Pourquoi devrais-je répondre ? J’ai l’impression qu’on confond souvent “argumenter” et “donner son opinion”.
Des gens qui m’ont apporté des précisions d’expertise, y’en a eu plein. De mémoire je me rappelle de deux sujets : le sucre et les sans abri. Dans les deux cas j’ai reçu des emails longs et argumentés de personnes qui étaient expertes sur le sujet. Forcément, ça m’a permis de préciser (voire de changer) ma pensée.
Mais je trouve ça étrange de n’avoir aucune connaissance sur un sujet comme le racisme et de se dire tiens, tiens, j’ai grave envie d’envoyer mon avis argumenté qui ne repose sur aucune lecture ni aucun vécu en tant que personne racisée, à un militant antiraciste, ça va grave l’intéresser.
Et encore plus étrange de se dire je mérite un merci parce que j’ai pris du temps à faire quelque chose qu’on ne m’avait pas demandé.
Bon…
Maintenant je me rappelle que quand les gens que je suivais expliquaient ça, j’avais l’impression de me faire engueuler alors que je n’avais rien demandé. Donc je rajoute un point super important : la plupart des emails que je reçois me font plaisir. Comme je l’ai déjà dit : je lis tout même si je ne réponds pas souvent.
J’en profite pour faire un merci général à tous les gens qui m’ont envoyé des messages de soutien.
Mais aussi un merci aux personnes qui m’envoient du soutien par télépathie. Je le fais moi-même souvent : y’a des gens dont j’adore le contenu mais je leur dis pas, parce que je ne fais pas la démarche. Pour autant le soutien est là.
Une ferrari, un appart 100m² dans le quartier latin, une play 5 et un cheesecake. Plus sérieusement, chaud pour une partie d’échecs ?
Ahahahahah, je ne suis pas sûr d’avoir compris le début. C’est une invitation dans un appartement du cinquième arrondissement de Paris ?
En revanche pour la fin, c’est avec plaisir. Je me suis remis aux échecs depuis environ un mois. Donc tu (et n’importe qui) peux venir jouer avec moi sur lichess.org.
Il suffit d’aller dans jouer avec un(e) ami(e) puis de rentre mon username : nicolasgalita. Tu verras si je suis en vert (donc connecté) ou pas.
J’accroche moins depuis quelques temps, alors que je te suis depuis plus de 2 ans. C’est moi qui change ou c’est toi ? Je pense que l’épisode politique n’a pas aidé car cela m'intéresse de loin….
Je ne peux pas savoir avec certitude car il me manque des infos.
En revanche ce que je sais c’est que c’est normal d’accrocher moins au bout de deux ans. Est-ce parce que je change ? Ou parce que j’ai produit mon travail le plus brut et puissant dans la première année ?
Je ressens souvent ça avec les artistes que j’aime : souvent mon album préféré est le premier ou le second. Puis ensuite y’a une grosse période de creux.
Orelsan par exemple j’ai adoré Perdu d’avance. Puis je l’ai perdu pendant 8 ans. Je n’ai pas aimé son deuxième album, puis ses deux albums en duo.
Je crois que c’est une courbe artistique normale.
Je suis également actuellement dans le dur. J’ai du mal à publier tous les jours. Donc j’imagine que ça se ressent. J’ai remarqué que ça correspondait aussi aux baisses des taux d’ouverture. J’avais connu ça l’an dernier aussi. Puis d’un coup ça revient, je retrouve une flamme pour écrire.
Là, c’est vrai que si on oublie l’épisode de la campagne présidentielle, je me sens moins animé par une flamme. Mais ça reviendra, ça reviendra toujours.
Dans tous les cas, merci de m’avoir suivi aussi longtemps. Je vois ça comme les relations amoureuses, c’est-à-dire que ce n’est pas un échec parce que ça se termine. Si t’as aimé pendant deux ans c’est déjà incroyable.
Si ça se trouve un jour la flamme reprendra. Ça m’est personnellement arrivé avec certains artistes. Si ça se trouve la flamme reprendra pas, mais ça voudra pas dire que c’est un échec : ce sera juste la fin d’un truc cool.