"Je suis Charlie" est un slogan raciste
Hier, avant les résultats de l’élection, j’ai vu ce tweet :
C’est fou le nombre de personnes blanches que ça dépasse dans mon entourage. Alors que je ne connais aucune personne racisée qui en doute (elles doivent exister mais je ne les connais pas).
Peu de personnes blanches font le lien entre Je suis Charlie et le niveau actuel du RN.
La France nous a craché au visage avec ce slogan
#1 | Je suis Zemmour
Si demain Zemmour mourrait lors d’un attentat, est-ce que tu changerais ta photo de profil pour y mettre Je suis Éric ?
Ou Je suis Zemmour ?
Si Jean-Marie Le Pen était mort dans l’attentat qui a visé sa maison en novembre 1976, aurait-on scandé Je suis Jean-Marie ?
Tu vois bien que y’a un souci à dire Je suis.
On peut très bien condamner une violence politique, soutenir la famille des victimes, sans :
En faire un hommage public à la personne décédée
S’identifier à cette personne par un Je suis.
#2 | Charlie Hebdo est un journal raciste
Or, qu’est-ce qu’était Charlie Hebdo ? Un journal islamophobe et raciste.
Quand Charlie Hebdo choisit, en 2013, cette une :
Et que nous, nous la prenons dans la tronche… comment qualifier ça ?
On nous a expliqué en long et en large que décidément on a rien compris c’est un dessin antiraciste.
Sauf que… c’est pas parce qu’une personne a l’intention de contredire des racistes que la contradiction n’est pas raciste.
Par exemple Ruffin qui dit :
… bah, même si c’est d’une intention contradictoire, ça reste raciste.
Quand une personne blanche dessine Taubira en singe… on peut quand même se poser des questions, peu importe l’objectif.
On m’a expliqué que je ne comprenais rien que “c’est de la satire”. Bah oui mais la satire ça doit se moquer de la personne qui oppresse, pas de la personne opprimée.
Pourquoi pas un dessin où on voit plutôt Marine Le Pen caricaturée en singe ? Avec une blague genre “la vraie guenon n’est pas celle que l’on croit” ? Non, il fallait à tout prix que le dessinateur se lâche et reprenne l’imagerie négrophobe sous couvert de la dénoncer.
#3 | Le choix de Charlie et rien d’autre
Pour rappel, dans la séquence, les terroristes ont tué des journalistes de Charlie Hebdo. Mais pas que.
Ils ont tué :
Ahmed Merabet, un policier
Clarissa Jean-Philippe, une policière municipale martiniquaise
4 personnes juives dans le magasin Cacher
Alors pourquoi Je suis Charlie ?
Qu’est-ce que ça veut dire ?
Quand c’est une personne noire, arabe, ou juive… on s’en fout.
Ça aurait pu être l’occasion d’avoir une solidarité nationale et de clamer un truc qui montrait que face au terrorisme nous sommes tous et toutes des cibles.
Mais non : comme d’habitude les personnes blanches ont eu le syndrome du personnage principal.
Elles se sont vues comme étant universelles. Et pour le coup c’était le cas, même à gauche. Ce n’était même pas malveillant. Simplement dans la douleur, ce réflexe a été plus fort que tout.
#4 | La violence de me demander de changer de prénom
C’est quelque chose que ne peut pas comprendre une personne blanche. Mais j’ai immédiatement ressenti une violence à cette injonction.
Quelques années plus tôt, en école de commerce, j’ai participé à l’élection du BDE de mon école. Il se trouve que je soutenais la liste des personnes racisées.
Ce n’était absolument pas une volonté de faire une liste racisée. Simplement c’était la liste des gens qui auraient bien voulu que la définition de la fête soit autre chose que de l’alcool et des chansons beauf et il se trouve que ce programme rassemblait surtout des personnes racisées.
À un moment un blanc a dit (pour rigoler) :
Pour qu’on gagne il faudrait qu’on mette en avant une personne vraiment qui fait terroir français, comme les listes d’en face. Attends, je regarde dans la liste… oh… Nicolas Galita ! C’est qui ???
Il se trouve qu’en école de commerce je ne me faisais pas appeler Nicolas. J’avais un pseudo. D’où le moment de flottement.
Mais, même si c’était pour rire, ça résume bien à quel point on me fait comprendre que je n’ai pas une tête à m’appeler Nicolas.
J’avais d’ailleurs trouvé l’écriture de Booba magnifique à cet égard :
Ai-je une gueule à m’appeler Charlie ?
Réponds-moi franchement.
Toute ma vie on m’a fait sentir que je n’avais pas une tête à m’appeler Nicolas mais là on voulait me mobiliser pour que je sois Charlie ? AH BON ?
C’est mort.
On ne rend pas d’hommage aux morts racisés
En Guadeloupe, la même année, il y a eu 45 morts par meurtre (à comparer aux 17 des attentats de Charlie)… qui en a parlé ?
L’état français a empoisonné l’eau guadeloupéenne, si bien que l’eau est contaminée pour 700 ans. Qui en parle ?
Alors tu me diras que c’est loin et que y’a la dimension terroriste qui a tendance à décupler les émotions.
Très bien. Dans ce cas pourquoi on a pas fait une grande marche après les attentats de Mohammed Merah à Toulouse ?
Parce qu’il a tué Imad Ibn Ziaten, un militaire d’origine marocaine dont le courage face au terroriste fait froid dans le dos :
« Mets-toi à plat ventre. Allonge-toi », insiste Merah qui arme son pistolet, un 11.43.
Ibn Ziaten ne baisse pas la garde: « Tu ranges ton arme. Je ne me mettrai pas à plat ventre. Tu dégages. »
Merah insiste mais Ibn Ziaten ne bouge pas : « Tu vas tirer ? Ben vas-y, tire »
Parce qu’il a tué Abel Chennouf et Mohamed Legouad deux militaires d’origine algérienne et a handicapé à vie Loïc Liber un militaire d’origine guadeloupéenne.
Parce qu’il a tué le professeur et rabbin Jonathan Sandler qui tentait de protéger ses deux enfants Gabriel Sandler (3 ans) et Arié Sandler (6 ans).
Parce qu’il a tué Myriam Monsonégo une autre enfant juive, de 8 ans.
C’est parce que le terroriste a tué 3 adultes arabes, 1 adulte juif et 3 enfants juifs que tout le monde s’en fout.
Là y’a pas eu de grand mouvement avec un logo que tout le monde met sur sa photo de profil. Pourquoi ?
Parce que c’était la campagne des élections présidentielles de 2012 et que… bon… voilà quoi ?
Nos vies ne comptent pas. Seules les vies blanches comptent.
La France nous a laissé tomber en criant Je Suis Charlie
Non mais tu comprends, c’était quelque chose de plus grand qui était attaqué : la liberté d’expression.
Non, je ne comprends pas. Je ne vois pas ce qui est plus grand que la vie d’un enfant innocent. Et puis même en acceptant ce principe… qui aujourd’hui fait une grande marche pour dénoncer la morts des journalistes en Palestine ?
Et puis… la liberté d’expression. Quelle blague. On en reparle dans un autre article. Parce que j’ai jamais eu aussi peu de liberté d’expression que pendant cette folie collective censée défendre la liberté d’expression.
Je me rappelle de l’immense solitude que j’ai ressenti pendant que je voyais mes amis blancs se souder dans une grande communion.
Je me rappelle du moment où j’ai enfin osé en parler à une amie noire, puis un autre et où… OUF JE SUIS PAS FOU.
Je me rappelle de comment on avait l’impression d’être dans la clandestinité. De tenir un contre-discours entre nous mais qui était absolument inaudible.
Vous avez réussi à nous faire taire.
Mais dans nos coeurs et entre nous, nous n’étions pas, nous ne sommes pas et nous ne serons jamais Charlie.
Tout simplement parce que c’est un slogan raciste.
D’ailleurs… la fameuse “union nationale”… c’était main dans la main avec le Front National, du coup. Eux ils étaient grave Charlie.