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- Toutes mes expériences de la vie font que j'ai été obligée de voir vraiment mon reflet dans le miroir. (...) En l'occurrence le fait d'être une femme, d'être noire, d'être humoriste, d'avoir des locks, d'être homosexuelle
- Tu es un peu le pôle inverse de l'homme blanc cisgenre d'école de commerce comme moi (...)
- Ouais, effectivement, le fait d'avoir vécu toutes ces expériences de la vie (...) tu finis par te rendre compte de ce que tu représentes dans le monde. Je me suis rendu compte qu'en effet, on a un maillot. Faire partie d'une équipe. Mais j'étais pas au courant, j'ai mis beaucoup de temps à comprendre que je faisais partie d'une équipe. Une équipe pas du tout choisie mais arbitraire selon comment tu sors du vagin de ta daronne.
Shirley Souagnon a été interviewée dans un podcast que j'adore qui s'appelle Nouvelle Ecole.
Et, comme tu viens de le lire, elle fait un passage sur l'identité. J'ai trouve ça assez fou car c'est à la fois tellement étonnant et tellement pas...
J'ai vécu le même cheminement : j'ai commencé par refuser que j'étais Noir.
Non, même pas.
J'ai commencé par ne pas le savoir. Ça c'était le tout tout début. Puis dans la cour de récréation un enfant me traite de Bamboula. Je lui réponds Bamboula toi-même.
Ce qui est fou c'est que je n'ai aucun autre souvenir autour. Je ne sais pas ce que je faisais la seconde d'avant, je ne sais pas ce que je faisais la seconde d'après. Je me rappelle juste de cet échange. Alors que, pourtant, je suis incapable de comprendre ce qui se joue.
Je ne le comprendrai pleinement que bien plus tard.
Deux décennies plus tard, je suis en Pologne et je refuse de répondre quand les Noirs qui me croisent me disent bonjour.
Je me dis bah je dis bonjour à personne, pourquoi je devrais les saluer eux ?
Pire encore, je détestais me faire appeler "frère". Je répondais Je n'ai pas de frère, que des soeurs.
Ce que certaines personnes interprétaient comme une remarque beauf (en mode ahah clin d'oeil quel dragueur) alors que j'étais semi-littéral : j'ai deux soeurs.
Faut te remettre dans le contexte : on est en 2012 et y'a pas encore l'invasion du mot frère dans nos langages (et du coup on dit pas encore "du coup" non plus).
Puis... après quelques semaines en Pologne, j'ai compris.
Les regards hostiles, les blagues des autres français erasmus de province...
... et voilà que disais moi aussi bonjour aux rares Noirs que je croisais dans les rues polonaises. Une forme de solidarité dans la galère.
Depuis ce jour, j'ai décidé systématiquement d'appeler frère ou soeur toute personne Noire avec qui j’échange dans la rue.
Bon... maintenant qu'on dit frère à tout le monde ça ne fait plus le même effet de code de solidarité.
Je ne saurais dire exactement quel jour j'ai vraiment assumé que je portais ce maillot que je n'avais pas choisi.
Je crois que le vrai déclic a été en deux temps : d'abord les attentats contre Charlie et la montée du racisme exprimé dans la foulée, ensuite la rencontre amoureuse avec une militante féministe. Qui m'a non seulement initié aux milieux militants sur Twitter mais qui me montrait aussi comment on faisait pour lutter à sa propre échelle.
Bref... j'ai ce maillot...
J'essaie d'mentir au désenchantement mais souvent c'est encore pire
J'tire une autre taffe quand j'vois l'score
La faucheuse - Elie Yaffa
Je ne savais pas que j'appartenais à une équipe
Tellement d'accord, la solidarité nait de la galère et du moment où on prend conscience qu'elle est partagée.
Ça marche aussi dans leur sens. La startuffe nation qui n'a jamais connu de vraie galère voient la solidarité comme un vieux truc démodé