Comme tu as dû le voir, je suis passé ces derniers temps par un énorme creux. J’ai frôlé la dépression de très près.
Plusieurs personnes sont venues m’aider.
Et une chose m’a marqué : différentes personnes m’ont dit la même phrase.
Je ne suis pas doué pour remonter le moral.
J’ai trouvé ça fou. Parce que je ne me disais absolument pas ça.
Quand un collègue marche avec vous dans Paris pendant deux heures alors qu’il a des enfants et que c’était absolument pas prévu je pense qu’on peut clairement le classer dans le top 1% de l’aide. Et pourtant : je ne suis pas doué pour remonter le moral.
Ce n’est pas la question
Je crois que cette réaction procède de plusieurs choses. La première c’est une idée fausse sur le fonctionnement de la dépression ou même de la tristesse. L’expression même de remonter le moral n’a selon moi pas beaucoup de sens.
En effet, quand une personne est triste, que fait-elle pour encaisser ? Elle écoute de la musique joyeuse ou triste ?
Bingo…
De la musique triste.
Parce que le “moral” c’est pas un truc mathématique.
Déjà… la tristesse est une émotion légitime et utile, comme toutes les autres. Elle est là pour envoyer un message. Souvent qu’on a perdu quelque chose qui comptait. Il est donc important d’accepter de passer par là pour ensuite remonter.
Quant à la dépression (qui n’est pas une grande tristesse), elle ne passe pas non plus comme ça.
Il faut voir ça un peu comme de l’eau froide : résister à rentrer dedans ne va pas abréger le calvaire. Plus vite on accepte de rentrer dedans, moins de temps on passe dans l’inconfort.
Du coup, ton rôle ce n’est pas de remonter le moral mais plutôt de montrer que tu te préoccupes.
L’impuissance ressentie
J’imagine que l’autre moteur qui pousse les gens à dire qu’ils ne savent pas remonter le moral c’est la sensation d’impuissance. Le fait de croire qu’il faudrait faire quelque chose.
Alors que, justement, le but ce n’est pas de faire. Le but c’est d’être.
Il vaut mieux rester avec une personne dans le silence en lui tenant la main (si c’est une personne avec qui ce genre de contact est habituel) que de faire la pire chose…
…que malheureusement plein de gens font.
La pire chose à faire…
Enormément de gens essaient d’imposer leur vision de remonter le moral.
Ils vont donc dire allez, tu veux pas sortir, ça te fera pas du bien de voir du monde ?
Puis n’écoutent pas quand on leur dit non.
Je pense savoir d’où ça vient. En effet, il est vrai qu’il faut parfois pousser un peu les personnes dépressives à faire des choses. Parce que ce petit coup de pouce va remettre la personne dans l’élan. Mais à condition de faire quelque chose que la personne aime en temps normal.
Par exemple, moi je ne suis pas quelqu’un qui en temps normal sort beaucoup et voit du monde. Donc me l’imposer quand je ne vais pas bien serait la pire chose à faire
Ce qui n’empêche pas de s’assurer que la personne a dit un vrai non et non pas un non-j’ose-pas-déranger.
Bon ok… on sait ce qu’il ne faut pas faire. Mais il faut faire quoi ? Comment on remonte le moral ?
Le secret pour “remonter le moral”
Tu l’as compris, c’est une très mauvaise expression. Mais admettons. Comment faire quand on est à côté d’une personne très triste ou déprimée (je répète : ce sont deux états distincts à ne pas confondre).
Et bien il faut lui donner ce que les gens vont chercher chez les psys.
Voici quelques passages d’un livre que j’adore où une psy raconte sa propre psychothérapie après une rupture amoureuse :
Plusieurs études ont montré que le facteur le plus important dans le succès de la thérapie est la relation que vous entretenez avec le psychothérapeute ou, si vous voulez, le sentiment d’être compris. Ce facteur pèse plus lourd dans la balance que la formation du psychothérapeute, le type de thérapie qu’il vous propose ou la nature de votre problème.
Il essaie d’établir ce qu’on appelle une alliance thérapeutique, une confiance essentielle avant d’espérer accomplir quelque progrès que ce soit. Au cours des premières séances, les patients ont toujours davantage besoin de se sentir entendus et compris que de comprendre ou de changer des choses.
ma superviseure déclare que malgré ma gaucherie, je m’en suis très bien tirée. J’ai accompagné Michelle dans sa souffrance, ce qui constitue pour beaucoup de gens une expérience inhabituelle et mémorable. La prochaine fois, ça ne me gênera pas au point de sentir que je dois agir pour y mettre un terme. J’ai été présente pour l’écouter quand elle a eu besoin de se libérer du secret de sa dépression. Dans le jargon de la théorie thérapeutique, j’ai « accueilli la patiente là où elle se trouvait »,
En résumé, le plus important est la compréhension.
Ce dont la personne a besoin en premier c’est que tu l’écoutes et que tu la comprennes. Sans la juger.
C’est tout.
Elle a besoin que tu montres que tu te préoccupes. Que tu es là.
C’est une première étape. Il y en a d’autres.
Mais tu n’imagines pas à quel point c’est rare de trouver des gens qui font la première étape.
Et si tu as le courage… voici la seconde étape :
Demande-lui ce qu’elle veut.
Tu n’as pas besoin de le deviner. Demande et écoute. Parfois la personne saura : ça te fait une boussole. Parfois elle ne saura pas : et, encore une fois, être là sera déjà une aide.
Voilà.
Bon bah voilà pourquoi je ne t'avais pas fait de message.
Alors je me lance même si je me sens impuissante.
J'espère des gens autour de toi sont là pour t'écouter et te remonter le moral.
Belle journée.