Je déteste la bise
J’ai ADORÉ le covid pour une raison précise : on avait ENFIN arrêté de faire la bise. Puis, à mon grand désarroi, C’EST REVENU. Et là je me suis dit que y’avait un truc qui clochait. Pendant longtemps j’avais cru que tout le monde détestait secrètement la bise.
Mais là j’étais obligé de me rendre à l’évidence: les gens aiment ça au point de lutter pour la réinstaurer.
À mon grand désarroi on a recommencé la bise comme avant. Alors que même sans covid c’est pas très intelligent parce que : ça transmet D’AUTRES maladies.
Mais y’a pas que ça que je déteste dans la bise.
Déjà : pourquoi dans le monde professionnel l’attendu c’est que les hommes et les femmes se font la bise mais pas les hommes entre eux ? Rien que cette asymétrie me fait bugger.
Mais le pire c’est que quand je me plie à l’exercice on me dit que je fais “mal” la bise. Je savais même pas qu’on pouvait MAL faire la bise.
On m’a expliqué qu’il fallait faire un bruit avec sa bouche en le faisant.
Bon... apparemment j’étais absent le jour où on a distribué à tout le monde le guide de comment faire la bise.
J’ai vécu 6 mois en Pologne et c’était un bonheur : personne ne fait la bise.
Mais ça n’a pas tout réglé : iels font des semi câlins à la place et j’y arrivais pas non plus. Et si je suis honnête avec moi-même : y’a AUCUNE salutation où je suis à l’aise, même serrer la main est compliqué.
Je me suis rendu compte que j’aime pas dire bonjour tout court.
Je ne sais jamais où et quand me placer, je suis gauche...
Mais la bise c’est pire pour une raison qui m’échappait : hyper réactivité tactile.
Quand on me fait la bise, je sens :
- la petite dose de salive
- la texture de la joue de l’autre sur ma joue et chaque point de contact
- la sensation de chaleur et d’humidité dégueu
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Je DÉTESTE ça.
Et l’hyper réactivité tactile… c’est un trait autistique auquel je n’avais jamais pensé.
Car, avant de découvrir ce qu’est l’autisme et ce qu’est une hyper réactivité tactile, je n’avais même pas conscientisé que j’avais une hyper réactivité tactile. J’avais des soucis avec la pulpe, les câlins, certains type de douche... mais je n’avais jamais conscientisé le point commun.
D’un coup tout s’est éclairé : la bise est un enfer parce que c’est un enfer sensoriel.
Cet enfer sensoriel se rajoute à mon incompréhension sociale. C’est vraiment un choc autiste/alliste (non-autiste).
D’ailleurs, j’ai remarqué que la plupart des autistes acceptent mon refus de la bise.
Mon camarade d’école, autiste
Quand j’ai découvert que j’étais autiste, un truc étrange s’est passé : plusieurs personnes m’ont proposé de se voir. Des personnes à qui je n’avais pas parlé depuis des années.
En une semaine j’ai vu 4 personnes et à chaque fois j’ai eu le déclic : mais cette personne est autiste, non ?
C’est le cas d’un mec qui a fait la même école que moi.
On se donne RDV dans Paris, j’arrive et je lui dis : désolé je fais pas la bise ça donne plein de microbes.
Et là il fait ah bah oui d’ailleurs est-ce que tu savais que même quand on se serre la main ça transmet plein de microbes et qu’il vaut mieux utiliser les coudes ?
J’exulte BAH OUI !
Puis je me dis non mais il est autiste aussi.
Parce que c’est vraiment très autistique d’accepter qu’une personne ne fasse pas la bise, puis de partir en infodump sur la bise plutôt qu’en small talk.
Attention, je ne dis pas que tous les autistes font ça.
J’ai aussi vu l’inverse, surtout chez des femmes autistes : elles se sont tellement faits violence pour apprendre à faire la bise qu’elles sont totalement perdues de ne pas la faire. Chaque fois elle me redise ah Nicolas désolé je sais que tu aimes pas la bise… mais je sens que le désolé est sincère.
Là où les allistes sont dans la moquerie pure. C’est en mode waaaa mais il est vraiment chelou, Nicolas.
Ça me fait bouillonner en moi : c’est moi qui suis chelou de pas échanger de la salive ???
Chaque fois je leur rétorque : mais t’étais où en mars 2020 ? Y’a pas un “petit” événement qui t’a marqué ?
Pendant longtemps j’ai vécu cette incompréhension sans comprendre d’où ça venait.
Jusqu’à découvrir que je suis autiste mais surtout que l’autisme est une culture.
Encore plus important : l’allisme est une culture aussi.
C’est limite plus important de conscientiser l’allisme que l’autisme. Parce que l’allisme est la neuronorme : il essaie donc de te faire croire qu’il est la normalité.
C’est toujours pareil avec les normes oppressives. C’est pour ça que quand je ferme les yeux je ne me sens pas du tout homme. Ni hétérosexuel. Je ne me perçois simplement pas comme ça.
En revanche, je me perçois très clairement Noir et Autiste. Parce que je sors de la norme dominante sur ces points.
Comprendre que y’a pas les gens normaux et les gens anormaux mais bien les allistes et les autistes change tout.
Car si l’allisme n’est pas l’universalité, alors on peut en étudier les spécificités.
Et ça, Clara Törnvall l’explique parfaitement dans The Autist’s Guide to the Galaxy.
Avec notamment des témoignages d’autistes qui s’énervent contre les absurdités culturelles de l’allisme.
Par exemple : pourquoi iels posent des questions dont iels ne veulent pas savoir la réponse ???
Ce livre, je te le résume jeudi 11 décembre à 12h15 dans une conférence en ligne gratuite.
Si ça t’intéresse, voici le lien pour t’inscrire : https://event.webinarjam.com/9y032/register/zlv02s2
L’inscription te donnera accès au replay et aux slides.
