Faire un autotest sans s'embrouiller
Pourquoi les tests d'identification autistique font souvent plus de mal que de bien
La semaine dernière j’ai sorti cette vidéo :
Parce que je me suis rendu compte que savoir lire un test autistique était une compétence. Je l’ai moi-même apprise dans ce livre :
Avant ça, tous mes contacts avec les auto-tests avaient été mitigés. Voire catastrophiques. Je crois que plus j’en faisais, plus j’étais perdu et confus.
Y’a plusieurs ingrédients qui expliquent ça.
Aucun test ne mesure une quantité d’autisme
Y’a une idée reçue qui fait énormément de mal c’est l’idée de la quantité d’autisme. On a vu la semaine dernière pourquoi c’était faux. Mais même sans revenir sur cette question : aucun test ne prétend mesurer une quantité d’autisme.
Un test mesure des traits autistiques et regarde si tu en as suffisamment pour qu’on puisse supposer que tu es autistes. Sauf que… aucun test ne fait 1000 questions donc ils font des choix.
Petite expérience de pensée pour le comprendre :
Imaginons que y’a 1000 traits autistiques et qu’on puisse les classer par ordre de fréquence. Y’a donc un top 10 des plus fréquents.
Imagine désormais une personne, Aline, qui a 350 traits autistiques mais seulement 6 du top 10.
Maintenant, tu as aussi Nicolas qui a 150 traits autistiques mais, parmi eux, 10 du top 10.
Enfin… disons qu’un test en 10 questions soit proposé. On établit qu’à partir de 6 traits sur 10, une personne est probablement autiste.
Aline va faire 6, et Nicolas va faire 10.
Pour autant est-ce que Nicolas est plus autiste qu’Aline ? Non. Même si on accepte l’idée fausse de quantité d’autisme on voit bien que c’est Aline qui serait plus autiste que Nicolas.
L’exemple que je viens de te donner n’est pas si fictif que ça. Les tests détectent systématiquement moins les femmes autistes car la sélection des traits autistiques retenus a été faite en se basant sur des hommes.
Le seuil est la fin de la zone tampon, pas le début
L’autre truc compliqué à comprendre c’est qu’un bon test est créé pour discriminer franchement. Par exemple y’a un test qui s’appelle le RAADS-R. Et bien dans l’expérience originelle et en contexte clinique (donc pas d’auto-test), aucun·e alliste n’a fait plus de 64 sur 240.
Par conséquent, on a mis le seuil à … 65.
Je répète : toutes les personnes qui ont fait 65 ou plus dans l’étude originale étaient autistes. TOUTES.
Et, 3% des autistes ont fait en dessous de 65. Ce qui veut dire que si tu faisais plus de 65 c’était sûr que t’étais autiste mais que si tu fais en dessous y’a encore des chances d’être autiste. Ça te donne une idée de la prudence de ce seuil.
Attention, ce résultat a été obtenu dans des conditions rigoureuses avec une personne qui sait expliquer les questions du test. Quand il est fait en autonomie y’a davantage d’erreur de mesure possible.
Mais c’est important d’avoir ça en tête. Moi, la première fois que j’ai fait le RAADS-R j’ai fait un score genre 80 sur 240. Je me suis alors dit okay bah voilà c’est que je suis à moitié autiste mais pas complètement.
Je ne comprenais pas que 65 est la fin de la zone de doute, pas le début.
Pourquoi les tests utilisent des termes de doute, dans ce cas ?
Même si tu fais 240 sur 240, la plupart des sites où tu fais les tests seront dans la prudence et te diront probablement autiste.
Pour une raison simple : un test ne peut JAMAIS suffire pour un diagnostic.
Quelle que soit la forme du diagnostic (institutionnel, communautaire ou auto-diagnostic), le test numérique est toujours un début, jamais une fin.
Pourquoi ? Parce que les tests sont des informations quantitatives. Il faut ensuite étayer avec du qualitatif.
Par exemple y’a une question qui est grosso modo :
Avez-vous du mal à lire entre les lignes
Une personne m’a répondu :
Rien que la question 3 “je trouve facile de lire entre les lignes” ben en fait j’ai mis oui facile mais parce que je surinterprète tout tout le temps et je m’imagine tous les scénarios possibles. Donc les questions sont vraiment bizarres!
Bon bah là tu vois que malgré son non à la réponse il faudrait cocher un grand oui sur ce trait. Sauf que ça on ne peut le savoir qu’en creusant avec elle et en lui demandant du qualitatif, c’est-à-dire une réponse ouverte au lieu d’un oui/non.
Le problème du validisme
Malheureusement, les tests ont été créé par des gens qui ont une vision déficitaire de l’autisme. Si bien que parfois on a l’impression qu’on nous demande : es-tu un·e psychopathe.
Voici 3 questions issues de tests autistiques :
1️⃣ Es-tu une personne sympathique ?
2️⃣ Aimes-tu avoir des ami·es proches ?
3️⃣ Essaie-tu d’être aussi aidant·e que possible quand d’autres personnes te parlent de leurs problèmes personnels ?
Le souci c’est que tous les humains ont tendance à répondre oui, autistes ou pas.
Ces questions existent parce que des allistes (des non-autistes) portent un regard méprisant sur les autistes.
Mais, du coup, ça peut te pousser à refuser en bloc les résultats du test. Car c’est dur de se dire qu’un test peut être fiable malgré ces questions erronées.
C’est pour ça que si tu n’as jamais fait de test, je te recommande de ne jamais commencer par faire les tests irrespectueux.
Malheureusement, les plus irrespectueux sont aussi les plus connus.
La bonne nouvelle c’est que je t’ai fait une liste si tu veux commencer. Je te la donne à la fin de cet email.
La myopie au contexte t’empêche de comprendre le test
Y’a un paradoxe dingue c’est qu’il existe un trait autistique qui empêchent les autistes de voir qu’iels sont autistes : la myopie au contexte. C’est le fait de surinvestir le texte par rapport au contexte et au non verbal (tonalité, expressions faciales et gestuelles).
C’est le fameux truc qui fait que certain·es autistes ont du mal à détecter le second degré. Mais ça ne s’arrête pas là. Ça peut te rendre très à cheval sur les promesses par exemple. Moi j’ai déjà eu des ruptures amicales parce qu’une personne n’avait pas fait ce qu’elle avait dit. Alors que cette personne, dans le contexte, se disait probablement que c’était ok de dire un truc qu’elle ne comptait pas faire.
De même, dans ma communauté j’avais des autistes qui avaient besoin que je rajoute en moyenne devant chaque question.
Par exemple :
Est-ce que tu as du mal à socialiser ?
La personne me répondait :
Ça dépend, dans telle situation blablabla, mais dans telle autre blablabla et dans celle-ci blablabla
Je devais rajouter :
Du coup tu peux faire la moyenne ?
Parfois je le disais moins calmement parce que je l’avais répété 3 fois dans la même heure :
Et bien c’est un exemple de myopie au contexte. Dans le contexte d’un test psy, le “en moyenne” est sous-entendu, en l’absence d’autres infos. Le fait que ça ne soit pas explicité va mettre certain·es autistes dans la confusion.
Ou alors quand je discute avec une personne, que je lui explique vite fait les critères de l’autisme, j’ai souvent cette discussion sur les intérêts intenses :
- Est-ce que tu as une forme d’intensité dans tes intérêts ?
- Non
- Des obsessions ?
- Non
- Des fixettes ?
- Non
- Des lubies
- Ah oui, carrément TOUT LE TEMPS, là ma lubie en ce moment c’est la reproduction des baleines je trouve ça fou
Et dans ma tête je me dis mais je viens de te donner QUE DES SYNONYMES. Et bien non, pour une personne qui a une grosse myopie au contexte, ces mots ne sont pas exactement les mêmes.
Si tu te retrouves à dire souvent de manière agacée mais les mots ont un sens, c’est probablement que tu as une myopie au contexte.
Soit dit en passant, la plupart des allistes ont une myopie au texte, hein ?
Mais tout le monde est comme ça !
Un des critères de l’autisme c’est que tu as tendance à avoir des ami·es autistes.
En plus de ça, l’autisme est héréditaire donc tu as souvent eu une famille autiste.
Par conséquent, tu as l’impression que l’autisme est la norme.
On a beau te dire que 98% des gens ont un score négatif au test, ça te paraît trop normal parce que c’est ta norme.
Mais au fond de toi… si tu observes les gens hors de ton entourage, les gens que tu n’as pas choisi… tu dois bien voir que non ça n’est pas typique.
La suite dans la vidéo
Je ne te spoile pas davantage la vidéo, tu trouveras la suite ici :
Le Google Docs avec ma sélection de tests :
Et, comme promis, le document avec ma sélection de tests :
https://nicolasgalita.podia.com/selection-autotests
Ça te demande un email… c’est ce qui me permet de savoir qui est interessé·e par le sujet pour ensuite t’envoyer d’autres trucs spécifiquement sur l’auto-identification autistique.
Ou, si tu préfères être guidé·e, tu peux t’inscrire à l’atelier du jeudi 20 novembre que j’organise à partir de 30 inscriptions, on est à 10 pour le moment !


