Extrême-droite : comment recruter des gens normaux
Si tu fais partie des abonné·es premium tu as déjà lu cet article. Je m’excuse pour la redite. Mais je me dis que c’est le moment de le montrer à tout le monde.
Aujourd’hui je te propose ma “fiche de lecture” d’une vidéo :
The Alt-Right Playbook: How to Radicalize a Normie
Elle explique comment l’extrême-droite américaine s’y prend pour radicaliser le blanc moyen. On l’appellera Julien.
Julien c’est ton pote blanc qui d’un coup se met à faire des blagues bizarres, à utiliser des mèmes de l’extrême-droite ou des tics de langages comme “el famoso” ou “ben voyons”… puis petit à petit il se radicalise.
Étape 1 : identifier l’audience
2013 a été structurant pour l’extrême-droite américaine. On a observé une chute du nombre d’associations d’extrême-droite. Mais les crimes d’extrême-droite n’ont pas diminué.
Comment expliquer ça ? Simple : l’extrême-droite n’était pas en train de reculer. L’extrême-droite était en train de se décentraliser en passant sur le web.
Pourquoi ? Parce que l’extrême-droite avait un énorme souci : dès qu’elle se mettait en groupe il finissait par y avoir un membre du groupe qui commettait un acte horrible médiatisé.
Une fusillade par exemple. Or, à chaque fois, ça retombait sur le groupe. Du coup, on le dissolvait, on arrêtait les dirigeants, toutes les personnes qui étaient affiliées au groupe devaient se cacher et brutalement les membres étaient dispersés et désorganisés.
Le problème c’est que l’idéologie d’extrême-droite mène nécessairement à ce genre d’actes.
Donc il est très dur de maintenir des groupes d’extrême-droite hors-ligne.
Se décentraliser apporte donc un avantage génial : le groupe a une plus grande portée et échappe aux conséquences négative.
Si Julien commet un crime, ce sera dur de prouver que c’est la faute du groupe d’extrême-droite. Dans beaucoup de cas Julien n’aura même pas créé de compte qui prouve son appartenance. Il aura juste suivi des chaînes YouTube par exemple.
Tu te rappelles quand la gauche s’est mise à analyser les comptes YouTube suivis par le mec qui a giflé Macron ? Et bien c’est pour ça : on essaie de détecter les signes d’affiliation.
En revanche il y a un prix à payer : le manque de contrôle.
Le groupe d’extrême-droite en ligne ne connaît même pas Julien.
Julien fait partie d’une audience. On ne peut donc pas le diriger aussi finement que s’il venait tous les dimanche dans des réunions.
Cette audience se recrute toujours pareil : les hommes blancs cisgenres hétérosexuels qui se sentent émasculés par la société moderne et qui sont vulnérables à un endoctrinement.
On cherche des gens qui ont l’impression de vivre une discrimination. C’est dans leur vie la sensation la plus proche de ce que vivent les minorités. Ça peut être des personnes qui vivent du harcèlement scolaire, des personnes qui n’arrivent pas à avoir du sexe (Incels).
Et le moment de vulnérabilité est variable : un décès, un déménagement, un problème au boulot.
En résumé, Julien souffre du capitalisme.
Attention, ça ne veut pas dire que la précarité économique est le moteur de l’extrême-droite. Le moteur est l’intolérance (racisme/sexime/homophobie/transphobie).
En revanche ça veut dire que Julien pourrait très bien basculer à gauche si la gauche le recrutait avant l’extrême-droite.
Étape 2 : la communauté
Avant on pouvait voir ce genre de scène dans la rue :
Maintenant ce n’est plus possible. L’extrême-droite a donc développé une autre stratégie : la rencontre fortuite sur le web.
Comment ? Soit en créant une communauté dans laquelle vont tomber des Julien. Soit en inflitrant des communautés où il y a des Julien.
Un cas d’école de ça c’est le forum 18-25 de jeuxvideos.com. Il a été tellement infiltré par l’extrême-droite qu'on retrouve souvent sa trace dans les pires trucs. Par exemple l’infâme site vite mon prénom s’est organisé en partie là bas.
On va voir les deux cas de figure : créer la communauté ou l’infiltrer. Mais avant ça il faut comprendre que la communauté prend deux formes : les forums de discussion ou la fanbase d’un leader d’extrême-droite.
Le leader d’extrême-droite
Où trouver ces leaders ? Principalement sur YouTube. Ce sont des YouTubeurs qui appliquent toutes les recettes du succès : être authentique, accessible, drôle. Ils ne se présentent jamais au départ comme d’extrême-droite.
Par exemple Le Raptor Dissident.
Pire encore, ils parlent rarement directement de politique. Ils vendent le conservatisme comme un mode de vie, tout en critiquant la gauche et les minorités.
Baptiste Marchais est un cas d’école : dans ses premières vidéos il ne parlait pas de politique mais plutôt de cigares, de musculation, de comment être un vrai homme.
Il ne faut pas oublier que Julien ne cherche pas une solution politique, il recherche une solution à son mal-être personnel. C’est une question d’affect bien avant d’être une question d’opinion. Julien ne se dit pas “je veux passer à l’extrême-droite”. Et d’ailleurs ça le ferait fuir si on lui présentait comme ça.
Il y a donc plein de YouTubeurs qui sont des points d’entrée. Certains le sont volontairement. Ceux que je viens de citer.
Mais d’autres le deviennent par accident. Oui : par accident. C’est un peu le cas de Psyhodelik.
Comment ça se passe ? Le YouTubeur dit un truc controversé qui plaît à l’extrême-droite (pense à Milla qui crache sur l’Islam). Une partie de l’audience trouve ça cool. La partie la plus à gauche s’en va.
Le YouTubeur recommence. Ça attire des gens d’extrême-droite dans son audience et ceux qui sont restés se sont accommodé. Du coup son nombre d’abonnés grossit et il est engagé dans une spirale : plus il s’enfonce dans les propos d’extrême-droite et plus son audience lui envoie des likes.
C’est donc un cercle vicieux : le YouTubeur est radicalisé par son audience autant que lui-même radicalise son audience en retour.
L’infiltration d’une communauté
En revanche, l’infiltration est toujours volontaire. On va viser une communauté en ligne qui respecte trois critères :
Majoritairement composée d’hommes blancs
Leur hobby leur fait se sentir vaguement marginalisés
Ils n’ont pas l’habitude d’entendre un discours de gauche
On voit ici pourquoi le forum de jeuxvideo.com était une cible de choix.
Au sein de ce genre de communauté, les personnes de gauche sont ignorées. Ou en tout cas elles ne parlent pas de politique. Elles n’osent pas.
Pour l’infiltration l’extrême-droite va attendre un moment de vulnérabilité. Ce moment c’est presque toujours un clash. Ça peut être par exemple dans une communauté sur Star Wars, quand on a introduit un acteur Noir dans les rôles principaux et que ça a fait hurler une partie des fans.
Mais on peut aussi provoquer le clash avec un raid : plusieurs membres d’extrême-droite se coordonnent pour infiltrer la communauté. Une fois dedans ils provoquent des clashs.
Du coup, les administrateurs décident d’interdire les sujets clivants. Et là c’est gagné.
Parce que, étonnamment, les sujets qui suscitent le plus de polémique sont toujours ceux qui rendent les hommes blancs cishétéros inconfortables.
On va donc interdire les sujets portés par la gauche.
De plus, vu que l’extrême-droite c’est mal est sensé faire l’unanimité, l’inverse n’est pas vu comme clivant. Quand quelqu’un dit l’extrême-droite c’est cool, la communauté va voir ça comme une blague.
On se retrouve donc avec un endroit où les propos de gauche sont interdits mais où on accepte les blagues racistes/sexiste/homophobes, etc. Ce qui, logiquement attire d’autres personnes d’extrême-droite.
À un moment, les gens de gauche de la communauté finissent par pointer qu’un autre membre dit des trucs d’extrême-droite.
Mais c’est trop tard. À ce point l’infiltration a déjà eu lieu. Le membre d’extrême-droite dit :
Attention ! Y’a un SJW/islamogauchiste/woke qui dit qu’on est tous d’extrême-droite.
Et là… le groupe marginalise la personne de gauche. Et ainsi de suite jusqu’à ce qu’il n’y ait plus aucune personne de gauche dans la communauté.
Quant à Julien, il a le choix entre quitter ce groupe qu’il a toujours aimé ou s’adapter à la nouvelle idéologie politique du groupe.
Rappel : Julien n’est pas là pour l’idéologie, il est là pour se sentir appartenant à une communauté. Il voit l’idéologie comme un prix d’entrée pour avoir le droit d’être dans le groupe.
Étape 3 : l’isolement
Une fois que Julien est dans la communauté (ou que la communauté a changé autour de lui) on va essayer de l’empêcher de parler aux gens de gauche.
C’est là que la stratégie du web décentralisé présente un autre défaut : on ne peut pas vérifier que Julien se coupe du reste du monde.
Mais ça arrive quand même. Julien est tellement habitué qu’il ne se rend plus compte. Il fait des blagues racistes/sexistes et il ne comprend pas pourquoi ça dérange autour de lui. Ça confirme ce que l’extrême-droite lui a vendu : les gens de gauche sont susceptibles.
Car, pour s’assurer qu’il s’isole de la gauche, l’extrême-droite lui décrit des versions caricaturées. C’est pour ça que les concepts de SJW, islamogauchistes, woke, etc, sont si importants. Ça permet de rendre Julien agressif et caricatural. Dès qu’il va interagir avec quelqu’un de gauche il va être si insupportable qu’il va se faire exclure de la communauté.
Le pire c’est qu’il ne se rend même plus compte de son agressivité.
Ça te rappelle probablement ce qui a pu se passer sur le groupe Whatsapp.
En revanche, l’extrême-droite a un souci : les problèmes de Julien pourraient être résolus par des politiques de gauche. Donc on va commencer à lui vendre des solutions de gauche mais en version sexiste/raciste/etc.
C’est pour ça que beaucoup de Julien se sentent “apolitiques”.
Par exemple :
Oui, il y a un problème d’exploitation des travailleurs… MAIS ça serait réglé si on expulsait les immigrés.
Oui, on ressent du mal-être quand on est un homme… MAIS ce n’est pas la faute des injonctions à la virilité toxique du patriarcat. C’est la faute des femmes qui aguichent (idéologie Incel).
Oui, il y a des inégalités de richesse et de pouvoir détenu par une minorité MAIS c’est la faute des juifs. Pas du capitalisme.
Cette stratégie est dévastatrice. Parce que Julien est désormais face à un choix :
Soit il accepte ces théories (ils appellent ça prendre la pilule rouge), soit il refuse ces théories ET leur version originale de gauche.
Car Julien n’arrive pas à différencier gauche et extrême-droite.
Dans les deux cas (qu’il accepte l’extrême-droite ou qu’il rejette gauche et extrême-droite)… Julien s’est droitisé.
Or, même si les YouTubeurs qui sèment la confusion se défendent d’être d’extrême-droite… les algorithmes savent quoi faire. Ils savent très bien qu’on passe d’un contenu avec juste des blagues sexistes à un contenu plus radical et ainsi de suite. Donc ils proposent ça.
L’algorithme voit que Julien se droitise et donc il lui envoie de plus en plus de contenu conservateur. Si bien que Julien finit par ne consommer plus que ça.
Il va même se mettre à boycotter les films et les séries qui ont trop de Noirs ou de personnes LGBT. Or, ça a un vrai impact car consommer du contenu avec des personnes différentes représentées permet de diminuer les idées d’intolérance.
L’extrême-droite le sait : il faut donc l’en couper, lui dire que c’est intolérable, qu’il faut boycotter.
Étape 4 : intensifier la radicalisation
L’extrême-droite fonctionne comme un oignon avec plein de couches. Tout en haut il y a les choses les plus acceptées. Souvent ça tourne autour de la question trans. Le fait de dire que le sexe ça existe et que le genre est une fiction. Un homme c’est un homme, une femme c’est une femme.
Plongée dans l’oignon
Au moment où j’écris ces lignes c’est une première couche pratique car peu de gens sont éduqués à ces questions. Comme je te disais : moi-même je n’ai pas tout de suite compris pourquoi on disait que JK Rowling était transphobe.
Et, souvent, le coeur de l’oignon c’est la question juive. L’ultime étape. Parce que c’est celle qui est socialement la moins tolérée.
Le but de l’extrême-droite c’est que Julien s’enfonce de plus en plus, tout en niant qu’il existe une couche en dessous. La couche du dessous est présentée comme une exagération des gauchistes.
Sauf que… les problèmes de Julien ne se règlent pas. Pire sa vie se dégrade à chaque fois qu’il avance dans l’oignon puisqu’il se fait rejeter par les autres communautés.
N’oublie pas : l’extrême-droite ne vend pas de solution politique autre que la création d’un état blanc par la violence.
Tant que Julien n’est pas au fond de l’oignon, il voit bien que ça ne change rien à sa vie. Se contenter de blâmer les immigrés parce qu’il est au chômage ne l’aide pas à retrouver un travail.
Alors il va continuer à chercher des solutions. Il ne peut pas les trouver à gauche car on le verrait comme un traître, alors il va s’enfoncer encore plus. C’est très facile car souvent les communautés se font des ponts. Y’a souvent des featurings, des interviews, etc.
Après tout puisqu’ils se présentent comme apolitiques, quand on est Dieudonné pourquoi ne pas interviewer un Soral juste pour discuter ?
Mais ils n’invitent jamais quelqu’un de gauche. Pas folle la guêpe.
La répétition
L’autre partie de la radicalisation passe par la répétition. Si tu te branches sur une émission de Pascal Praud sur Cnews tu verras que c’est très répétitif. Pourquoi ? Parce que les arguments sont mauvais. Or, un mauvais argument a besoin d’être beaucoup répété pour s’imprégner. Ils sont répétés énormément avec confiance. Et on dit à Julien que tout le reste est stupide.
D’ailleurs souvent, ce ne sont pas des arguments mais juste des moqueries de la gauche.
Par exemple la gauche dit que y’a un privilège blanc et eux répètent juste ah oui el famoso privilège blanc 😂.
Ce n’est pas un argument, mais n’oublie pas : on vend à Julien de l’affect.
L’effet tabac
Comme le tabac, les communautés d’extrême-droite sont à la fois stressantes et apaisantes. Stressantes car elles le confortent dans ses peurs. Apaisantes car elles viennent soulager ce stress qu’elles attisent.
Tout ce stress se transforme en colère. Car, la peur, la tristesse sont paralysante. La colère “apaise”
Rien n’est politique
Enfin, l’extrême-droite appuie sur le dilemme individuel versus collectif. En effet, face à une blague raciste Julien a deux possibilités : rire avec un autre humain ou dénoncer le racisme par responsabilité pour les autres.
Ne pas rire semble exagéré. Après tout… c’est de l’humour.
Voilà d’ailleurs pourquoi l’extrême-droite commence toujours par l’humour.
Mais le mécanisme continue ensuite. Et, chaque fois qu’il faut faire le choix entre son bien-être personnel (concret) et le bien-être collectif (abstrait), Julien va choisir la solution personnelle.
Quitter une communauté qu’il a aimé parce qu’elle vire à l’extrême-droite ou rester en s’accommodant ? Julien s’accommode.
Et de fil en aiguille on lui instaure l’idée que ce qui est politique est dangereux. Les sujets politiques génèrent des disputes et séparent les gens.
Ce qui est vrai uniquement parce qu’il y a des personnes d’extrême-droite dans le groupe mais ça, on se garde bien de lui faire remarquer.
Voilà comment Julien peut finir par vouloir un endroit sans “politique.”
Or… si on pousse totalement la logique, cet endroit est nécessairement un état blanc. Un endroit où il n’y a plus ces disputes avec des gauchistes.
Change l’entourage de Julien et tu as fini par changer Julien lui-même.
C’est pour cette raison que l’extrême-droite déteste qu’on dise tout est politique. Il faut à tout prix maintenir cette idée que la politique c’est dangereux, ça fâche les gens.
Étape 5 : ???
Cette étape n’a pas de nom. Parce que dans un groupe d’extrême-droite traditionnel (hors-ligne) on assignerait des missions à Julien, désormais totalement radicalisé.
Mais là il n’y a pas d’instruction. C’est pour ça que, si Julien va jusqu’au bout, il finira dans les actualités en tant que loup solitaire qui aura essayé (ou réussi) un attentat.
Car il n’y a rien à faire d’autre une fois qu’on arrive au fond de l’oignon. Contrairement à une idéologie de gauche où on va pouvoir se mettre concrètement en action pour pousser les solutions, ici la solution est la violence contre les ennemis.
Sans compter que Julien ne peut plus revenir en arrière. Il sait que le groupe peut lui faire ce qu’il fait aux gauchistes : cyber-harcèlement, etc.
Julien se dit que la gauche ne l’accueillera pas : il s’enfonce dans l’isolement.
Petite parenthèse sur les espace de radicalisation hors-ligne : gilets jaunes, antivax
Dans cette vidéo, l’auteur s’est concentré sur le recrutement en ligne. Et, accessoirement, il est américain. J’ajoute donc une petite parenthèse sur un phénomène qu’on a observé en France : le renforcement de l’extrême-droite par “accident”.
Tu te rappelles quand je te disais qu’il fallait un moment de vulnérabilité où des gens se sentent discriminés (alors qu’ils ne le sont pas) ? Et bah un gilet jaune blanc victime de violence policière a vécu l’expérience la plus proche qu’il puisse vivre de la discrimination. Normalement les policiers font ça aux personnes racisées, dans l’indifférence.
Idem pour le pass sanitaire : c’est pour ça que tant d’entre eux ont fait le rapprochement à vomir entre le pass et l’étoile jaune nazie. C’est parce que, là encore, ils font l’expérience la plus proche possible de la discrimination.
Bien entendu il y a une différence énorme : il suffit d’arrêter d’être gilet jaune pour arrêter de se faire viser par la police pour ça et il suffisait de se vacciner pour pouvoir aller au restaurant. On ne s’attaquait pas à un trait qui fonde leur essence et qui est immuable. Par exemple, je ne peux pas arrêter d’être Noir quand je cherche un appartement.
Mais ils ne sentent pas la différence, pour eux ils ont vécu des expériences de discrimination voire de dictature. Ça les rend mûrs et vulnérable à un recrutement de l’extrême-droite. L’ironie c’est que l’extrême-droite, elle, la dictature elle est pas particulièrement contre.
J’ai vu des membres du mouvement royaliste être antivax. Tu imagines ? Y’a des gens qui sont pour le retour de la monarchie mais qui pensent qu’on est en dictature sanitaire…
Que faire ?
Déjà il faut relativiser. L’extrême-droite à ce niveau de radicalité reste minoritaire. L’extrême-droite tout court est minoritaire. Si elle occupe tant de place c’est parce qu’elle a appris les tactiques pour déjouer le système.
Faut-il déradicaliser les Julien ? Oui. Mais on ne peut pas y passer trop de temps. On ne peut pas passer plus de temps à convaincre les Julien qu’à promouvoir les idées de gauche, ça aussi c’est un piège.
Comment Julien peut-il s’en sortir ?
Il y a plusieurs cas de figure où Julien pourra stopper son enfoncement dans l’oignon, voire en sortir :
Avec l’âge, tout simplement. Il prend du recul. Il était jeune quand il a été endoctriné
En voyant que les promesses ne sont jamais satisfaites
Il peut être déçu quand quelque chose va mal pour lui et qu’il se rend compte que le groupe d’extrême-droite l’aime pour sa race et son genre mais pas pour sa personne
Il peut être choqué s’il avance trop vite dans l’oignon. Par exemple en voyant un attentat à la télé avant d’être suffisamment conditionné
Parfois c’est le groupe qui se retourne contre lui et l’expulse
Accidentellement Julien se coupe d’internet (voyage, panne) suffisamment longtemps pour retrouver ses esprits
La communauté en ligne peut-être suspendue par les autorités
Il rentre en contact avec les gens qu’il est supposé haïr et ils deviennent amis (c’est pour ça que l’extrême-droite déteste autant les campus universitaires).
“C’est moi ou le groupe”. Beaucoup de Julien se déradicalisent suite à l’ultimatum de leur meuf.
Il entend quelqu’un qui raconte comment il s’en est sorti
Dans tous les cas, il faudra de l’aide de ses amis. La bonne nouvelle c’est que s’il n’a jamais été aussi simple de tomber dans l’extrême-droite, il n’a jamais été aussi simple non plus d’en sortir. Un skinhead qui voulait quitter le gang avait peur pour sa vie. Julien peut souvent juste arrêter d’aller au mauvais endroit sur Internet.
Mais il a besoin de ses amis. Voilà pourquoi nous avons une énorme responsabilité à parle avec nos PROCHES qui tiennent ces propos. Parce qu’une discussion avec un inconnu ne marchera jamais. Un inconnu qui lui explique factuellement qu’il a tort n’aura aucun impact : il se contentera de le tourner en dérision. Rappelle-toi : ce n’est pas une question de convictions mais bien un enjeu d’appartenance.
Il faut alors que ses amis lui construise un endroit de transition où il reçoit une écoute sans jugement pendant qu’il se désintoxique. Une sorte de rehab. Cet endroit doit être privé. Il ne faut surtout pas réintroduire brutalement Julien dans des groupes avec des gens de gauche qui lui tomberont dessus.
Enfin, les autorités (plateformes et gouvernements) ont une énorme responsabilité. Si on traitait les communautés d’extrême-droite comme on traite les communautés djihadistes (qui sont d’ailleurs une autre forme d’extrême-droite mais c’est un sujet) et bien on avancerait beaucoup plus vite. On sait comment démanteler des cellules terroristes. Sauf que…
… ça implique de censurer aussi des politiciens qui ont trop de pouvoir pour que ça soit fait.
Même si, depuis cette vidéo, Twitter a fini par décider de suspendre le compte de Trump.