La crainte de l'Eternel est le commencement de la sagesse
J’ai 19 ans. J’ai quitté la Guadeloupe. Mes parents m’ont donné une Bible à emmener. Et dedans ma mère a écrit à la main ce verset : la crainte de l’Eternel est le commencement de la sagesse.
Ça résume tellement bien la foi chrétienne. Ce n’est pas l’envie d’être une bonne personne qui nous guide : c’est la peur de finir dans le néant si on est une mauvaise personne. C’est un rapport de soumission.
Ce n’est pas pour rien si toutes les histoires connues de l’Ancien Testament sont des histoires de soumission.
Abraham se voit demander par Dieu de sacrifier son fils. De le tuer à la gloire de Dieu.
Dieu mit Abraham à l'épreuve, et lui dit: Abraham! Et il répondit: Me voici!
Dieu dit: Prends ton fils, ton unique, celui que tu aimes, Isaac; va-t'en au pays de
Morija, et là offre-le en holocauste sur l'une des montagnes que je te dirai.
Puis, à la dernière minute, Dieu lui dit de ne pas le faire.
Alors l'ange de l'Éternel l'appela des cieux, et dit: Abraham! Abraham! Et il répondit: Me voici!
L'ange dit: N'avance pas ta main sur l'enfant, et ne lui fais rien; car je sais maintenant que tu crains Dieu, et que tu ne m'as pas refusé ton fils, ton unique.
(…)
L'ange de l'Éternel appela une seconde fois Abraham des cieux, et dit: Je le jure par moi-même, parole de l'Éternel! parce que tu as fais cela, et que tu n'as pas refusé ton fils, ton unique, je te bénirai et je multiplierai ta postérité, comme les étoiles du ciel et comme le sable qui est sur le bord de la mer; et ta postérité possédera la porte de ses ennemis.Toutes les nations de la terre seront bénies en ta postérité, parce que tu as obéi à ma voix.
Voilà, Abraham est béni parce qu’il était prêt à tuer son fils pour Dieu. Parce qu’il a obéi. C’est quoi cette torture psychologique ?
L’histoire d’Adam et Ève c’est Dieu qui teste les humains en leur disant de ne surtout pas manger le fruit défendu. Alors qu’il pourrait tout simplement ne pas mettre le fruit dans la jardin. Et le prix de la désobéissance est délirant : il rend les humains mortels alors qu’ils étaient immortels.
On parle souvent des sous-punitions genrées qui sont que les hommes doivent travailler pour manger et les femmes souffrir pour enfanter mais on oublie que y’a d’abord la punition globale : devoir mourir un jour.
L’histoire de Moïse c’est l’histoire d’un mec qui obéit aveuglément à Dieu et du coup se voit récompensé.
Et la tour de Babel ? Dieu est vexé parce que les humains veulent faire une tour si haute qu’ils pourront le rejoindre. Alors il sème en eux l’incompréhension en leur imposant des langues différentes.
L’histoire de Loth (Sodome et Gomorrhe)… à un moment un ange ordonne :
Fuyez pour sauver votre vie ! Ne regardez pas derrière vous, et ne vous arrêtez pas n'importe où dans la plaine ; fuyez vers les collines, de peur d'être emportés.
Alors il s’enfuit avec sa femme… mais cette dernière regarde en arrière… alors Dieu la change en statue de sel.
Là encore… c’est d’une cruauté inouïe. On parle d’une femme innocente dont le seul tort a été de regarder en arrière pendant que Dieu détruisait une ville.
On note au passage que Dieu détruit toute une ville, enfants compris… parce que bon… ils sont décadents. Et qu’il aime pas quand on le regarde faire.
Ma moralité s’est évanouie
Après une rupture compliquée, rajoutée au fait que passer de la Guadeloupe à l’Ile-de-France était un déracinement… je passe par un moment très déstabilisant : mon sens moral me quitte entièrement.
Au point que je n’arrive plus à ressentir par exemple pourquoi tuer est mal. Je le sais rationnellement, mais je ne ressens plus l’émotion associée.
Ça “m’inquiète”… je mets des guillemets parce que je ne ressens plus la peur, c’est plutôt une construction rationnelle de l’inquiétude.
Je décide alors de trouver un appui dans la Bible. Je relis les évangiles.
Je suis frappé par deux passages. Le premier est dans l’évangile de Matthieu et de Luc :
Ne jugez point, afin que vous ne soyez point jugés. Car on vous jugera du jugement dont vous jugez, et l'on vous mesurera avec la mesure dont vous mesurez.
Ça me parle tellement. S’entraîner à ne pas juger. Pourtant ce n’est pas trop ce que j’ai vécu au sein de la communauté chrétienne où on juge en permanence les athées.
Le deuxième, dans Matthieu :
Vous avez appris qu'il a été dit: Tu ne commettras point d'adultère. Mais moi, je vous dis que quiconque regarde une femme pour la convoiter a déjà commis un adultère avec elle dans son coeur. Si ton oeil droit est pour toi une occasion de chute, arrache-le et jette-le loin de toi; car il est avantageux pour toi qu'un seul de tes membres périsse, et que ton corps entier ne soit pas jeté dans l’enfer.
Et… ça me contre-parle. Je me dis mais c’est quoi ce truc de taré où faut non seulement être monogame dans les faits mais aussi dans ses pensées ?
C’est à ce moment là que je commence à vraiment me demander si je suis chrétien.