Comment la non-violence a mis des Noir·es en danger
Comme promis on continue avec le récit de Robert Williams.
Après l’incident où Robert a dû être extrait du piquet devant la piscine parce qu’une foule de plusieurs milliers de personnes voulaient le lyncher, il décide d’élargir le combat.
En fait… les actions non-violentes avaient tendance à se concentrer sur le racisme de l’humiliation. Ce que je trouve fou dans le texte qui va suivre c’est que parfois je me dis aujourd’hui je peux me focaliser sur des enjeux plus profonds du racisme parce que les gens d’avant ont lutté pour ne pas avoir à lutter sur le racisme d’humiliation.
J’entends par là tout ce qui est ne pas avoir le droit de s’asseoir avec les blancs, etc.
LE truc qu’on va nous raconter dans les livres d’histoire. On m’a tellement rabâché l’esprit avec ça (et c’est pratique car comme ça a été aboli on peut dire que le racisme a été aboli) que j’ai tendance à me dire que forcément un·e militant·e antiraciste de l’époque en ferait son combat principal.
Or… s’il est vrai que beaucoup d’actions non-violente se sont concentrées sur ça car c’est les trucs les plus médiatiques, Martin Luther King lui-même développe une pensée marxiste en parallèle en appelant à une égalité économique.
Mais surtout Robert Williams dit :
Nous estimions que la seule question de la piscine était trop restreinte au regard de nos besoins, que nous avions besoin d'un programme large, qui s'attache en particulier aux emplois, à l'aide sociale et aux autres besoins économiques.
Je pense que c'était un pas en avant important. Les luttes des Freédom Riders et les mouvements des sit-in avaient été concentrés sur un seul but: le droit de manger dans un snack-bar, le droit de s'asseoir n'importe où dans un bus…
Ce sont des droits importants, parce que leur déni est une attaque personnelle directe contre la dignité d'un Noir. II est important pour les racistes de maintenir ces formes périphériques de la ségrégation.
Elles établissent une atmosphère qui entretient un système. En dépréciant et démoralisant l'homme noir sur de petits sujets personnels, le système ronge le sens de la dignité et de la fierté, qui sont nécessaires pour défier le système raciste.
Mais le noyau fondamental du racisme est plus qu'une atmosphère - il peut être mesuré en dollars, en cents et en statistiques du chômage.
Nous avons donc décidé de présenter un programme qui allait de la piscine aux emplois.
Ce qui me frappe en lisant le texte c’est qu’il parle de ça comme les formes PÉRIPHÉRIQUES de la ségrégation ! Alors que d’instinct j’aurais dit que c’était les formes principales et que désormais il reste le racisme de fond.
Le 15 août 9161, Robert Williams dépose donc un programme en dix mesures. Sur ces 10 mesures, 4 sont des mesures sur l’emploi et 4 sont des mesures de dignité (comme avoir une piscine pour les noir·es). Les 2 autres sont transversales.
Robert va encore plus loin car il dénonce le fait que les luttes de la NAACP (l’association non-violente) détourne les noir·es des vrais enjeux. Oui c’est cool de pouvoir accéder à une piscine et ils vont obtenir des concessions sur des sujets comme ça. Mais
en revanche, quand nous nous attaquons aux maux fondamentaux, les racistes ne cèdent pas un pouce
Des demandes fondamentales génèrent un backlash raciste beaucoup plus violent
Suite au programme des dix mesures, les Freedom Riders arrivent à Monroe, la ville de Robert. Les Freedom Rider ce sont des militant·es qui prêtent serment de non-violence, même en cas d’auto-défense. C’est les gens que tu as vu dans tes livres d’histoire.
Robert les accueille en disant qu’il ne fera pas serment de non-violence mais que s’ils peuvent démontrer qu’ils arrivent à obtenir des progrès fondamentaux sur le programme en dix points alors il prêtera serment.
La condescendance des militant·es non-violent·es
Le premier jour, les Freedom Riders semblaient convaincus qu’ils faisaient de réels progrès. L’un des Freedom Riders est même revenu ravi du piquet. Il disait:
« Vous savez, un policier m'a souri en ville aujourd'hui, pendant que j'étais sur le piquet.»
J'ai ri et lui ai dit de ne pas y accorder la moindre importance, parce que le policier était sans doute en train de sourire en pensant à la meilleure façon de le tuer.
Constance, l'étudiante du programme d'échange, avait rejoint le piquet.
Elle disait: « Oh, je ne crois pas que ces gens soient si mauvais. Je pense juste que vous ne savez pas comment les aborder. J’ai remarqué qu'ils m'ont regardée d'une façon amicale, aujourd'hui, en ville.»
J'ai essayé de lui expliquer que ces gens-là essayaient de leur plaire, à elle et aux autres, dans l'espoir qu'ils quittent Monroe. Le jour où ces gens-là comprendraient qu'ils ne pouvaient pas convaincre les Freedom Riders, ils montreraient leur vraie nature.
Quelques jours plus tard, Constance Lever fut arrêtée par la police de Monroe et inculpée d'incitation à l'émeute.
Cette notion de condescendance est importante car il y a aussi le fait que sont pour une partie des militants blancs qui viennent expliquer quoi faire aux personnes noires qui connaissent le terrain.
La tension monte
Au bout du troisième jour, les gens comprennent que les Freedom riders vont rester, alors la violence physique monte. Un policier jette par terre un des membres, un autre a été arrêté. Quand, conformément à la stratégie un de non-violence un des Freedom Rider blanc a souri face à la foule raciste, deux femmes de la foule lui ont craché au visage.
Le quatrième jour un Freedom Rider a été isolé et frappé par trois blancs.
Le jour suivant, vendredi, un Freedom Rider blanc se prend un tir de carabine à air comprimé. Puis, la mairie gaze le piquet.
Parce que les racistes savaient que les Freedom Riders n’allaient opposer aucune résistance ils se permettaient des choses qu’ils n’osaient pas en temps normal.
Alors les Freedom Riders en appellent aux autorités de l’État. Notamment parce que l’un des leurs est porté disparu en fuite dans les bois car des racistes essaient de le lyncher. Le gouverneur répondra : si vous êtes un vrai pacifiste vous devez déguerpir de cette ville car il va y avoir un massacre.
Puis, en s’adressant directement à Robert Williams il s’amusera en disant :
Mais vous n’êtes pas encore mort, vous ? Ça ne saurait tarder.
Ce n’est pas un membre du Ku Klux Klan qui parle, c’est bien l’autorité, le gouverneur.
Le FBI appelé à la rescousse
Le Freedom Fighter blanc en fuite dans les bois n’a toujours pas été retrouvé. Alors on appelle le FBI (la police au niveau encore au-dessus de l’état, puisque c’est la police au niveau fédéral).
Le FBI répondait on arrive.
Et… n’arrivait jamais.
La cocotte minute va exploser
Samedi, les Freedom Riders ont manifesté en ville et, alors que les taxis qui les avaient transportés jusqu'au piquet commençaient à les rembarquer, les Blancs racistes de la localité se sont rassemblés et ont bloqué la route.
Les Freedom Riders ont été obligés de rentrer à pied jusqu'au quartier noir, qui se trouvait à près d'un kilomètre et demi. La foule les a suivis le long des rues, en leur lançant des pierres et en menaçant de les tuer.
Quand ils sont arrivés dans le quartier noir, les Noirs qui n'avaient pas participé au piquet se sont mis en colère en voyant notre quartier envahi par la foule qui pourchassait les Freedom Riders.
Beaucoup de Noirs ont commencé à caillasser les voitures et à repousser les racistes blancs.
Le dénouement demain
Demain on aura enfin le fin mot de cette histoire et pourquoi Robert Williams va devoir fuir les USA pour s’exiler à Cuba…