Comment j'ai choisi ma psy
À la fin de cet email je te partage quelques psys en région parisienne. J’ai demandé à ma psy de me donner des noms de collègues qu’elle respectent. Bon… forcément si tu n’es pas en région parisienne ça ne va pas t’aider. Je vais réfléchir à un format. Peut-être un google docs anonyme où tous les gens de l’Atelier pourront recommander quelqu’un.
Ce qui va suivre n’est en aucun cas une recette à suivre les yeux fermés. Au début je voulais t’écrire comment recruter sa psy ? Ou comment choisir une psy ? Mais en vrai je n’en sais rien. Je ne peux que te dire comment moi j’ai fait. À toi de piocher ce qui te semble compatible avec toi.
Mon expérience médicale
La première chose qui m’a guidé c’est mon expérience du milieu médical en général. À commencer par le mépris. Le nombre de médecins qui me prennent de haut est hallucinant.
D’ailleurs je dis souvent en privé que je déteste les médecins généralistes. Bien entendu ça ne concerne pas tout le monde et j’adore ma généraliste traitante. Mais ça met en lumière une haine que j’ai développé.
Parce que je ne supporte pas qu’on profite de la vulnérabilité pour se grandir avec une connaissance. Que ça soit un médecin ou un recruteur, je ne supporte pas cette idée de se servir du savoir pour dominer. C’est d’ailleurs pour ça que je suis devenu prof.
Je n’aime déjà pas ça en temps normal : les jugements sur l’orthographe me rendent fous. Mais c’est encore pire quand y’a une dimension de vulnérabilité comme en situation médicale ou d’entretien de recrutement.
Un des tests que j’utilise est de dire au médecin que j’ai une idée de mon diagnostic grâce à Doctissimo. Doctissimo est une mine d’or. Mais, plus les médecins sont méprisants et plus ils vont dire ahaha non mais Doctissimo ? Un peu comme les profs médiocres face à Wikipédia avant.
Un prof qui crachait sur Wikipédia, ça me mettait immédiatement la puce à l’oreille, idem, pour un médecin qui crache sur Doctissimo. Oui, il y a des gens qui ne savent pas lire Wikipédia et ne prennent pas en compte les bandeaux d’avertissement qui disent clairement quand un article manque de fiabilité. Mais ce n’est pas la faute de Wikipédia. Oui, il y a des gens qui ne savent pas utiliser Doctissimo car ça demande un minimum de compréhension de quelques concepts poussés de probabilité. Mais ce n’est pas la faute de Doctissimo.
Et puis même ? Comment on peut manquer d’empathie au point de se moquer de quelqu’un qui essaie de sortir de sa souffrance en la diagnostiquant ?
Le summum c’est quand je suis arrivé devant un généraliste avec un problème génital. Il a regardé vite fait, il a fait des blagues de beauf…
Oh, surprise, quand on fait du bizutage dans le parcours académique le tout axé sur des comportements de beaufs à la fin ça risque de faire des médecins beaufs.
Franchement à un moment je me suis demandé s’il allait oser faire une “blague” sur la taille du sexe des Noirs.
Au final il m’a dit qu’il suffisait de continuer à avoir des rapports avec un préservatif et qu’il ne fallait surtout pas me faire opérer pour ça. Mais que quand même il me donnait une crème cicatrisante.
J’ai fait ce qu’il m’a dit. 15 jours après… le problème s’était grandement aggravé et j’avais une mycose en prime. Parce que sa crème n’était pas du tout la bonne, comme me l’a expliqué le dermatologue ensuite.
Je suis arrivé dans son cabinet, il a blêmi en voyant l’état et il a dit allez vite voir un spécialiste pour voir s’il faut opérer.
J’avais envie de l’insulter.
Ce n’était pas ma première mésaventure avec un généraliste. Depuis, j’ai décidé que j’allais arrêter de voir les médecins généralistes hommes blancs de plus de 50 ans. Et… surprise, tout va mieux déjà. En moyenne je fais face à des personnes plus humbles et plus à l’écoute.
Autre tri que j’opère : je ne vais plus que chez des médecins qui sont sur Doctolib. Car l’autre chose que je déteste c’est les médecins en retard qui ne préviennent pas. Avec Doctolib, zéro excuse.
Tu sais, du genre où tu attends une heure dans la salle d’attente. C’est un scandale. Comment on peut accepter ça ? Qu’est-ce que ça dit de la personne qui fait ça en termes du respect du temps des autres ? En moment de vulnérabilité.
Si j’attends plus de dix minutes sans explication je me lève et je pars (je sais que c’est un privilège de parisien qui a des cabinets médicaux partout).
Et, là encore, comme par hasard, j’ai en moyenne des personnes plus douées depuis que je refuse les retardataires sans respect.
Mon expérience du business
L’autre chose qui m’a guidé c’est mon éthique professionnelle. Avec qui j’accepte de travailler. Par exemple, je refuse de travailler sur un ordinateur Windows car je suis en désaccord total avec les valeurs professionnelles : cette idée de faire des produits médiocres pour baisser les prix et gagner le marché. Ne parlons même pas du fait de ne pas avoir de service client sérieux si j’ai un problème...
C’est très personnel, mais je suis obsédé par la simplicité, le minimalisme. Ça ne s’arrête pas au choix de l’ordinateur. C’est pareil dans tous mes services. J’ai quitté des outils qui me rapportaient de l’argent uniquement parce que c’était moche.
De plus, on retrouve mon problème avec les médecins : le service client. Je refuse de traiter avec les gens qui n’ont pas de compréhension du service client. En ce moment je vois des libraires nous expliquer avec mépris que faudrait aller dans une librairie puis commander le livre s’il n’est pas en stock.
Je ne comprends même pas comment on peut dire ça sans avoir honte d’être aussi nul en service client. Moi-même je ne suis pas au top du service client partout, hein ? Par exemple sur l’Atelier, comme j’utilise deux outils différents, vous êtes obligés d’avoir deux comptes différents si vous voulez devenir premium ET faire une formation.
Mais je ne le clame pas comme une fierté. Je trouve ça dingue les gens qui se vantent de faire un truc nul pour leurs clients. Ça me paraît être un manque de respect total envers l’argent de ses clients. Si j’étais libraire, soit j’aurais une plateforme qui permet à mes clients de voir le stock sans se déplacer chez moi, soit j’expliquerais pourquoi je n’arrive pas à atteindre ce niveau de service. Mais engueuler les clients pour ma propre nullité ? Lunaire.
Quel rapport avec le choix d’une psy ? L’option de payer par carte bleue. Je t’en reparle plus bas.
Mon expérience de l’action
J’ai écrit tout un livre sur le sujet. Donc j’ai essayé de m’appliquer mes propres principes. Voilà pourquoi j’ai fini par arrêter de me cacher derrière la discipline, du type non mais je ne veux pas de psychanalyste.
C’est dur de reconnaître la résistance en soi. Car elle utilise toujours de vrais arguments. Bien sûr qu’il y a une différence entre les méthodes, bien sûr qu’il y a beaucoup de charlatans dans la discipline de la psychanalyse. Mais je savais que je me cachais derrière ça pour ne rien essayer. Alors que je sais pertinemment que se lancer est plus important que de faire le choix idéal.
Ensuite, le principe de battre le fer tant qu’il est chaud. Les deux premières fois où j’avais essayé de voir une psy j’avais enfreint ce concept. La première m’avait annulé le RDV quelques jours avant, la deuxième c’est moi qui ai annulé.
Enfin, j’ai essayé d’en parler à plein de gens autour. Si bien que plusieurs personnes me relançaient alors t’as été voir une psy finalement ? Technique classique de l’engagement social.
L’obstacle de la culture
J’en ai déjà beaucoup parlé donc je ne détaille pas, mais j’avais un blocage hérité de la culture antillaise. Plus largement de toutes les cultures non-blanches.
J’en ai pris pleinement conscience en regardant un épisode de la série Dear White People. C’est le directeur qui parle à un élève qui a subi un traumatisme à cause d’un policier qui a braqué son revolver sur lui. Les deux sont Noirs.
- Avez-vous vraiment parlé de l’incident à quelqu’un ? De ce que vous ressentez ?
- D’habitude je suis comme le Teflon : tout glisse sur moi. Mais cette fois, je n’arrive plus à dormir. Je fais des crises d’angoisse alors que pourtant le mec ne m’a même pas tiré dessus
- Non, ne faites pas ça. La pire des choses à faire est de normaliser ce qu’il s’est passé (…) j’espérais que les séances de thérapie vous auraient fait du bien
- Je ne suis pas le genre à faire des thérapies
- Regardez tous ces jeunes, vous voyez ? Ce qui les préoccupe le plus ce sont leurs histoires d’amour et s’ils vont passer en master. Et pourtant la plupart d’entre eux suivent une thérapie. C’est drôle, tout le monde partage les mêmes inquiétudes, mais en tant que Noirs nous devons en plus faire attention à ne pas nous faire tirer dessus par un policier.
Ici, même si ce n’est pas dit explicitement, il n’y a pas de doute quand la caméra filme “les jeunes” : on a deux personnages Noirs qui discutent et on nous montre des étudiants blancs.
Cette scène m’a frappé. Au point que je l’ai rejouée avec mes propres étudiant·es noir·es qui venaient me trouver pour parler de certaines difficultés. Cette idée que nous partons avec ce handicap qui est la réticence culturelle à voir un psy.
J'peux pas aller chez l'bout-mara parce que j'ai peur du ciel
J'peux pas aller chez l'psy parce que j'suis un mec de tess
Les différent·es psys
À l’origine j’avais prévu de faire un récapitulatif, mais comme vous êtes une communauté incroyable, l’une d’entre vous (psy par ailleurs) l’a fait par email :
Bon, forcément, je suis tes écrits sur les psys avec attention... :) Et je voulais juste te préciser (ou que tu le reprécises, mais peut-être que c'est prévu), les différents "types" de psys :
Psychiatre : c'est un médecin, qui peut faire de la psychothérapie mais ce n'est absolument pas obligé. En général, ils assurent des consultations de 20mn comme les médecins. Ils peuvent prescrire des médicaments.
Psychologue : c'est un titre réglementé, pour l'obtenir il faut une licence + un master en psychologie. On peut être psychologue clinicien (le psy classique), psychologue du travail, psychologue du développement, psychologue en gérontologie, psychologue du trafic routier (et oui !), etc...
Psychothérapeute : c'est un titre aussi. Souvent il vient en complément par une autre formation : les psychiatres l'obtiennent d'emblée, les médecins non psychiatres doivent faire une formation pour l'avoir, les psychologues cliniciens ou spécialisés en psychopathologie l'ont d'emblée, certains psychanalystes, etc.
Psychanalyste : profession absolument pas réglementée, la "condition" est d'avoir fait sa propre analyse mais cela reste très subjectif
Psychopraticien : on entend de plus en plus ce mot partout, ce n'est pas réglementé du tout et ça ne veut rien dire. Souvent, des gens qui "font de l'accompagnement psy" (chez les psychologues on les appelle les "psychopitres") mettent ce mot, ça attire le chaland et ça fait bien. Mais ce n'est pas du tout un gage de compétence.
Bref, je trouvais important de te redire ça, car même si c'est important que le feeling passe (et parfois, il ne passera pas avec un psy très compétent), la question de la compétence est ultra importante. En psychologie, on étudie pendant 5 ans post-bac le fonctionnement psychique humain, ce n'est pas pour rien... !
Les disciplines
Impossible d’être exhaustif ici, mais voici celles que je connais :
La psychanalyse et les thérapies psychanalytiques
On en a déjà parlé hier, donc je ne m'étends pas dessus. Mais en gros c’est une discipline qui va s’intéresser à ton enfance, donner un rôle central à ta parole, passer du temps à interpréter ce que tu dis et ce que tu vis, analyser le transfert (des sentiments très forts que tu ressens envers l’analyste) s’il y a lieu…
On se concentre sur la racine des problèmes.
C’est probablement ce que tu imagines quand tu imagines des psys.
Les TCC (thérapies comportementales et cognitives)
C’est presque la discipline inverse. D’ailleurs c’est souvent d’elle que sont venues les critiques les plus violentes envers la psychanalyse. L’idée ici c’est d’essayer d’adopter un protocole scientifique. Les thérapies sont brèves (tout est relatif, ça peut durer deux ans) et ont des protocoles précis.
On se concentre davantage sur la disparition ou la diminution des symptômes des troubles psychiques.
Les psychothérapies humanistes
Pour ces approches thérapeutiques, une source essentielle des troubles psychologiques repose sur le manque de sens que l'on donne à son existence. Plutôt que de chercher à analyser le passé, elles visent à éclairer le présent et l'avenir, en mettant notamment l'accent sur les aspirations de l'individu et son engagement
Les thérapies familiales
On pense souvent aux thérapies de couple mais il existe également des thérapies familiales. Je ne sais pas si on peut parler de discipline à proprement parler puisque les trois disciplines précédentes peuvent être faites de la sorte. Mais c’est une nuance à avoir en tête qui peut débloquer certaines situations.
Mes critères de choix
Je savais que la plupart des gens autour de moi rencontraient entre 2 et 4 psys en moyenne avant de trouver la bonne personne. C’était ma hantise. J’ai donc décidé de mettre en place un filtre.
J’avais donc les critères suivants :
Une femme ou un homme racisé
D’un âge proche du mien (pour maintenir une forme d’égalité)
À moins de 5 minutes à vélo de chez moi
Disponible dans moins de 3 jours
Qui prend la carte bleue
Ce dernier critère fait rire quand je le dis à mes proches. Mais je crois que c’était le plus important pour moi. Parce qu’il dit tellement de choses, à plusieurs niveaux.
Déjà il me permettait de m’assurer que dans le cas d’une psy qui propose une thérapie psychanalytique, j’aurais une personne qui est capable d’avoir un regard critique sur ma pratique.
Ensuite, on revient au fait de travailler uniquement avec des professionnels qui ont la même éthique que moi, le souci de la facilité du service client.
Enfin, ça filtre… tu sais le patron du bar qui te dit que le minimum de carte bleue c’est 15€. Pour te faire consommer.
Quelques psys
Comme promis au début, voici quelques psys :
Laura Tichené (rubrique PSYCHOLOGUE Clinicienne/Psychothérapeute de son profil LinkedIn)
Pour avoir plus de disciplines de psychothérapies
Voici un endroit avec une description exhaustive. Je m’en suis servi pour ma propre description :
https://www.cairn.info/magazine-les-grands-dossiers-des-sciences-humaines-2013-6-page-13.html