Comment j'ai appris à m'habiller
J’ai fait mon collège au Lamentin, en Guadeloupe. J’avais donc un uniforme : tshirt orange et jean bleu.
D’ailleurs, pour les gens qui en ce moment sont séduits par l’uniforme à l’école, je te le dis : moi on se moquait de mon sac et de mes chaussures… les autres trouvent toujours un moyen de marginaliser.
Mon père voulait que je respecte strictement le règlement intérieur, or ce dernier disait que le t-shirt devait être rentré dans le jean. À l’époque la mode en Guadeloupe c’était le baggy : un jean très très large. Alors évidemment moi j’avais un jean super serré.
Ça m’a traumatisé. Je me suis juré que dès que je pourrais, je m’en débarrasserais. Du coup, quand je suis arrivé au Lycée j’ai acheté un jogging Nike. Un truc confortable.
Je suis devenu allergique aux jeans.
Désormais je venais en jogging partout :
Jogging trop grand, t-shirt trop grand, baskets noires… j’ai dû mal à me reconnaître sur la photo alors que ça a été mon style pendant 10 ans.
J’en faisais un principe
Je me rappelle d’une discussion avec des amis qui me disaient que ça serait mieux si j’étais mieux habillé. Ma réponse c’était que je voulais qu’on m’aime pour ma beauté intérieure et que ça faisait le tri.
C’est marrant le genre de propos qu’on tient en oubliant de dire qu’on a pas le choix. Même si j’avais voulu à l’époque je ne savais simplement pas comment bien m’habiller.
Faut te dire que même pour aller à la banque je venais en jogging. La seule exception entre mes 14 et 21 ans ça a été un enterrement et une sortie en boîte.
L’arrivée du chapeau
Puis, je me suis inscrit dans l’association qui organise la soirée gala de l’école de commerce où j’étais. Donc il a fallu que je trouve une tenue. J’ai commencé par tomber sur un chapeau et j’ai trop kiffé.
Sauf que, forcément, on peut pas mettre un chapeau avec un jogging. Ni avec les tshirts de sport que je mettais. J’ai donc commencé à chercher des vêtements pour l’associer.
Déjà une amélioration.
Et je n’ai plus quitté ce chapeau (et ses variantes). Si bien que j’étais connu comme le mec au chapeau. Avec le recul, c’était mieux que le mec au jogging.
J’étais même le mec du recrutement avec un chapeau au début de ma carrière.
L’époque chapeau était géniale. Parce que déjà ça cachait ma calvitie. Mais aussi ça compensait mon manque de sociabilité. Chaque fois que j’allais en boîte avec mon chapeau, des personnes venaient me parler pour me l’emprunter ou me dire que c’est stylé. C’était à la fois un signe distinctif et un prétexte à la discussion.
Mais bon… je continuais à pas trop savoir ce que je faisais…
Le blog qui a tout changé
Dans ma classe, en école de commerce, il y avait un élève qui s’appelait Benoît Wotjenka. Pendant qu’on passait notre temps à faire des soirées, il créait son blog sur la mode masculine.
Je me disais ah ouais c’est pas pour moi. La mode ? Mdr.
Puis, quand j’ai commencé à vouloir m’habiller mieux, j’ai fini par me rappeler et jeter un coup d’oeil.
J’ai pris une claque.
Je suis tombé sur un article où il expliquait qu’il voulait écrire pour les gens comme moi et pas uniquement pour les gens passionnés de mode. Qu’il voulait que ça soit accessible à tout le monde. Puis, il décrivait exactement ma situation.
C’est là que j’ai appris les erreurs les plus communes que font les hommes en s’habillant.
Erreur #1 : S’habiller trop ample
Quasiment tous les débutants s’habillent trop large. Tout simplement parce qu’ils ne se posent pas la question de la taille.
Par conséquent, ils essaient un vêtement, ça a l’air d’aller, ils le prennent. Et ils se disent ma taille c’est ça. Et les prochains on reste sur cette taille.
Sauf que la seule manière de connaître sa taille est d’essayer un vêtement trop petit.
Bah oui… un vêtement trop large c’est dur à voir quand on n’a pas l’oeil. En revanche quand c’est trop petit on est trop serré.
Il faut donc essayer d’abord une taille, puis celle d’en dessous, et ainsi de suite. Jusqu’à ce qu’on arrive au trop petit. La bonne c’est celle juste au-dessus.
Benoît expliquait le plaisir de s’habiller à la bonne taille. D’être maintenu dans ses vêtements.
Erreur #2 : l’omniprésence du noir
Encore plus vrai à Paris. Mais les débutants s’habillent en noir. On ne s’en rend même plus compte. Chaque fois que j’ai dit à une amie que les hommes mettaient trop de noir elle m’a dit ah ouais ? Tant que ça ?
Puis on a joué au jeu de compter dans la rue dès qu’un homme avec un truc noir sur lui. Et c’est énorme à chaque fois. Que ça soit le manteau, les chaussures, un t-shirt…
Le problème c’est que le noir est LA couleur la plus dure à maîtriser. C’est ballot. Les débutants prennent exactement la couleur des pros.
Pourquoi ? Plein de raisons. Mais en voici quelques unes :
Le noir se mélange très mal aux autres couleurs. Les copines des mecs qui s’habillent mal leur donne du noir parce que la robe noire est un classique du vestiaire féminins. Oui, sauf que la robe est, par définition, une tenue en une pièce. C’est pour ça qu’une robe noire fonctionne.
Le noir assombrit toute la tenue, ça la ternit.
Le noir supporte très mal le cheap. Entre un t-shirt noir de mauvaise qualité et un t-shirt blanc de mauvaise qualité, ça sera pire sur le noir. Il va se délaver, perdre de son intensité, etc.
Le noir impose le contraste maximal. Or, dans plein de cas on veut plutôt diminuer le contraste et faire transitionner les couleurs de manières fluides.
Le costume noir est une faute de goût dans la tradition vestimentaire. On croit toujours que les costumes sont noirs alors qu’ils sont bleus marines. Les costumes noirs sont traditionnellement réservés aux métiers de service (serveurs, uber, etc) ou aux métiers du haut de la domination (PDG, rock star, etc).
La chemise noire est perçue comme le vêtement du dragueur beauf.
Exception : le cuir (pour ça que ta copine a une jupe en cuir noir), mais c’est dur de maîtriser le cuir. Un bon cuir dans le vestiaire masculin c’est souvent très cher.
Attention, ça ne veut pas dire qu’on doit interdire la couleur noir dans le vestiaire masculin. Mais ça ne devrait pas être le choix d’un débutant. Il faut savoir ce qu’on fait quand on met du noir.
Erreur #3 : se prendre la tête sur l’assortiment des couleurs
Là encore ça vient en partie du fait que les mecs se font habiller par leurs meufs, désespérées et qu’elles appliquent les règles du vestiaire féminin. Sauf qu’elles ne sont pas toutes transposables. Car il y a beaucoup moins de couleurs basiques dans le vestiaire masculin.
Les 3 couleurs basiques du vestiaire masculin sont les mêmes que celles de la décoration d’intérieur : bleu, gris et beige.
En décoration le beige c’est au sens très large : tout ce que le bois donne comme couleur. Donc de beige à marron foncé.
On ne peut pas se tromper en association les 4 couleurs de bases. Au pire on a une tenue fade. Mais on ne peut pas faire de vraie faute.
En revanche, dès que tu sors des basiques, ça demande une réflexion. C’est pour ça que si je te parle d’un costard rouge, jaune ou orange tu vas penser à quelqu’un d’un peu extravagant.
Oublie tous les trucs de rappel de couleur, d’assortiment. En tout cas au début. Déjà si tu as les 3 couleurs de bases et une autre (genre violet, bleu flashy, jaune, etc), ça suffit à composer un vestiaire.
Pareil, oublie les trucs de saisons ou de mode. Y’a pas de couleur d’hiver dans un vestiaire masculin, y’a les couleurs intemporelles, les 4 classiques.
Et… quand tu es vraiment perdu c’est le gris qui est le vrai noir. La couleur qui va le plus facilement avec tout c’est le gris. Pas le noir.
Dernière règle assez simple pour les couleurs : c’est plus facile de faire une tenue avec un bas foncé et un haut clair plutôt que l’inverse. Et c’est plus facile de faire une tenue où les couches du dessus (veste, sweat, manteau, etc) sont plus foncées que les couches du dessous (t-shirt, chemise, etc).
Comme moyen mnémotechnique j’utilise toujours le costard : on a bien un pantalon sombre et une chemise claire. Mais la veste est aussi sombre que le pantalon.
Erreur #4 : penser pièce au lieu de penser tenue
Problème courant qui arrive aux personnes qui commencent à s’intéresser à l’habillement (donc plus les débutants) : vouloir acheter des pièces coup de coeur mais qui ne s’associent pas entre elles.
C’est le sens de la règle précédente. Si tu achètes les 3 mêmes couleurs qui vont ensemble tu n’as plus besoin de te prendre la tête.
Je le fais encore. Chaque fois que j’achète un vêtement je me demande s’il s’insère bien avec le reste.
Erreur #5 : négliger l’importance de la coupe et de la matière (et surestimer la couleur)
On l’a dit, il ne faut pas trop se prendre la tête avec les couleurs. D’autant plus que, comme en décoration tu as aussi la coupe et la matière. Il vaut mieux une tenue avec des couleurs fades et une bonne coupe, une bonne matière que l’inverse.
Une mauvaise coupe ça gâche tout.
Il faut donc développer ton goût pour commencer à voir ça. Juste te dire ok la coupe ça joue, qu’est-ce que j’aime ?
En ce qui concerne les matières c’est simple : 100% naturel c’est mieux. Sauf dans le cas des vêtements techniques (matériaux spéciaux anti froid par exemple). Et des matières naturelles y’en a pas 50 : le coton, la laine, le lin, le cachemire…
Erreur #6 : ne pas comprendre les prix
Si tu ne comprends pas pourquoi la fast fashion vend si peu cher alors tu ne peux pas comprendre quoi choisir. Je ne dis pas qu’il faut forcément payer cher pour bien s’habiller. Mais tant que tu ne comprends pas les prix, tu ne peux pas prendre les bonnes décisions.
Comment tu peux reconnaître une bonne affaire si tu ne sais pas reconnaître un prix cher mais justifié ?
De manière générale, c’est rare de trouver de la qualité dans les équivalents de McDo : H&M, Zara, Celio, etc. Tu vas parfois trouver de bonnes pièces mais il faut savoir trier. Alors que dans les équivalents des petits restaurants de quartier ou des restaurants gastronomique, tu auras beaucoup moins de chances de te tromper.
Mais c’est la pièce qui compte, pas la marque. Tu peux trouver une bonne pièce chez Zara et une mauvaise pièce chez Uniqlo (ma marque favorite dans l’équilibre qualité-prix-disponibilité).
Erreur #7 : ne pas investir dans du durable
Si tu as 150 euros, il vaut mieux les mettre dans une paire de sneakers de qualité qui durera 5 ans plutôt que dans 5 modèles à 30 euros qui vont te durer 6 mois.
Parfois tu crois que tu fais des économies mais pas du tout.
Il vaut mieux moins de vêtements avec du caractère et de la durabilité plutôt que de reproduire les codes de la fast fashion dans ton vestiaire.
D’où je suis parti…
Là on est sur le summum de mon style. Je me rappelle j’étais trop content car c’était mon premier manteau (j’arrivais de Guadeloupe).
Mais n’empêche, on peut dire ce qu’on veut, c’était un manteau C&A pas cher et moche mais super chaud. Je me rappelle que les gens étaient choqués à chaque fois. Et, en effet, maintenant je comprends.
Où j’en suis maintenant…
Y’a encore plein de trucs que je veux améliorer mais je sais où je vais. Je commence à avoir un style qui s’émancipe de celui que j’ai appris dans Bonne Gueule. Ce qu’on peut voir dans la photo de gauche où j’ai une pièce avec des motifs floraux, ce que je n’aurais jamais fait avant. Ou même dans celle du milieu où je n’ai aucune couleur basique.
Et surtout c’est un plaisir. Je m’habille pour moi, ça me fait plaisir comme la décoration, parfois je veux me prendre en selfie juste parce que j’aime la composition.
Quand je suis triste je fais ce truc très cliché d’aller faire les magasins pour me trouver une pièce.
Après… y’a pas que le style dans la vie. En ce moment je suis en train de me refaire tout une garde-robe avec la gamme Heattech d’Uniqlo : des vêtements anti-froid. Je dois reconnaître que ça fait plaisir aussi. J’ai un bonnet moche mais qui tient tellement chaud.
Comment apprendre ?
Comme je te le disais, j’ai appris grâce à Bonne Gueule. Leur blog est rempli d’articles gratuits :
https://www.bonnegueule.fr/assortir-les-couleurs-arretez-de-vous-prendre-la-tete-part-ii/
Mais surtout y’a leur livre qui est un objet magnifique et qui est vraiment le condensé parfait pour un débutant total. J’imagine que ça a un peu vieilli notamment sur les recommandations de marques mais y’a le blog qui reste à jour pour compléter :
Par curiosité j’ai lu les critiques négatives sur Amazon et je suis totalement en désaccord. Y’a beaucoup de critique sur le fait que c’est une vision de la mode. Bah oui. Bien sûr que personne ne peut faire un ouvrage neutre sur quelque chose d’aussi subjectif. Mais justement, partir avec la vision de quelqu’un permet ensuite de faire son goût.
Et… voilà qui conclut cette série sur la vie d’adulte !