Combien de personnes pour lancer un mouvement ?
Suite à ma semaine, plusieurs personnes m’ont envoyé cette vidéo en me disant que je devrais la voir et que c’est fou la coïncidence (car elle est sortie au début de la semaine aussi) :
Ça ressemble en effet à l’email où je te parlais de l’effet de conformité et où je te montrais une vidéo où des gens se mettent tous à danser parce qu’une seule personne a commencé.
Ici l’idée c’est de réfléchir à quelle est la masse critique qui crée la bascule sociale.
Que ce soit pour une révolution, un mouvement militant, un produit innovant genre le smartphone…
La théorie de l’influenceur
Au début, quand on pensait cette question on se disait que les comportements étaient impulsés par des leaders d’opinion, ce qu’on appellerait aujourd’hui un influenceur au sens large.
Si Squeezie ou Léna Situations partage une vidéo de chat, elle a de grandes chances de se propager partout.
Parce qu’une telle personne occupe une place centrale dans nos réseaux : elle est en contact avec plein d’autres personnes.
Le contre-exemple de la révolution égyptienne
Pourtant… on s’est rendus compte que ça ne marchait absolument pas comme ça pour les révolutions.
Par exemple, lors de la révolution égyptienne on a analysé 14 millions de tweets. Conclusion : le mouvement a été lancé par des gens avec peu de contacts. Ce qu’on appelle la périphérie du réseau.
Ce n’est que quand le mouvement était déjà fort que les influenceurs sont rentrés dans la danse.
Si tu te rappelles des gilets jaunes c’était comme ça : un gros mouvement de fond qu’on regardait avec scepticisme et de loin… puis qui a fini par être relayé de partout.
Les comportements complexes
Alors pourquoi les vidéos de chat arrivent par les influenceurs mais les révolutions arrivent par la périphérie ?
Parce que le partage de vidéo de chat ne demande pas beaucoup d’engagement. Donc Squeezie est bien placé pour la propager puisqu’il a plein de contacts.
Alors que sur des comportements plus complexes comme une révolution ou même un mouvement comme #metoo, y’a un coût social.
Par conséquent, les personnes centrales du réseau vont avoir une réticence à être marginales.
On l’a vu récemment avec le Nouveau Front Populaire : il faut d’abord que les gens lambda s’en emparent avant que les influenceurs rejoignent le mouvement.
Bien entendu leur arrivée va catalyser et accélérer le mouvement. Mais elle ne le démarre pas.
L’exemple de la Ola
On a étudié les ola dans les stades de sport. Et si on met une seule personne qui se lève, sans surprise ça ne prend pas.
10 non plus.
20 non plus.
Mais 30… et bim, tout le stade s’y met.
C’est ce qu’on appelle une masse critique.
En tout cas avec un seuil de 25%. C’est-à-dire qu’une personne adopte le comportement quand au moins 25% des gens autour d’elle ont adopté le comportement.
Mais le seuil varie selon le contexte, plus le match va être excitant et plus le seuil s’abaisse, moins on a besoin d’un grand groupe pour lancer la ola.
Le taux de 25%
Et bien au-delà de l’exemple trivial, on retrouve ce chiffre de 25% dans une autre expérience où on essaie de voir combien de gens il faut pour changer une norme sociale.
Là encore : la masse critique.
Et ce qui est fascinant c’est que c’est comme pour les maladies : y’a vraiment un effet point de bascule. Ce n’est pas proportionnel.
Quand le mouvement prend… il donne l’impression de prendre brutalement… même s’il peut avoir mis des mois infuser avant d’arriver au point de bascule.
Comme le covid. Ça a commencé fin janvier en France, on a eu le premier mort le 14 février… mais le confinement, le basculement arrive en mars.
Morale de l’histoire : quand tu essaies de bâtir un mouvement, ça peut être décourageant cette sensation de faire dans le vide. Mais si ça se trouve tu participes simplement à agglomérer la masse critique.