Claude Jean-Pierre est un retraité guadeloupéen. Il conduit sur les routes de Deshaies. Deux gendarmes l’arrêtent pour un simple contrôle routier.
Il obtempère, s’arrête sur le bas-côté.
Les gendarmes lui demandent d’avancer encore le véhicule. Il obtempère à nouveau.
Puis il obtempère en ouvrant la porte du véhicule.
Pendant 6 minutes, tout est calme.
Rien ne laisse présager ce qui va suivre.
Car subitement… sans qu’on comprenne pourquoi… le deuxième gendarme va chercher son gilet pare-balles. Il revient. Puis, ils l’arrachent violemment de la voiture.
Problème : sa tête se coince dans l’habitacle. Claude fait presque deux mètres et il est trop grand pour être sorti ainsi.
Par conséquent… ils lui ont brisé le cou.
Double facture des cervicales. Il est immédiatement tétraplégique.
Puis… il décède quelques jours plus tard.
“Il a fait un malaise”
Ça je le sais car il existe une vidéo d’une caméra de surveillance.
Mais à ce moment, on dit à ses deux enfants (Fatia et Christophe) que leur père est mort en tombant tout seul de la voiture.
Puisqu’il était présumé en état d’ébriété par les gendarmes, c’est pour ça qu’ils l’arrêtent : ils lui font passer un test d’alcoolémie.
« En me rapprochant, je vois les deux gendarmes et je leur demande ce qu’il s’est passé. Ils me répondent : “On ne lui a rien fait, il s’est effondré, c’était un malaise”.
Fatia ne se pose aucune question. Elle est juste dévastée de voir son père entre la vie et la mort. Mais Christophe a une intuition. Et si c’était une bavure policière ?
Ils décident donc de porter plainte (car c’est la seule manière d’avoir le droit de voir la vidéo).
La vidéo est alors sauvegardée et scellée.
Ils ne la verront qu’un mois plus tard.
Et, sur cette vidéo, il n’y a plus de doutes.
Non seulement Claude n’est pas tombé tout seul, mais en plus ils l’ont laissé sur le goudron brûlant pendant un quart d’heure, au début sans même couvrir sa tête.
Puis, un gendarme va trouver un chapeau et le mettre sur la tête de Claude. Il le maintient…avec son pied.
La vidéo qui change tout
Au début, rien ne bouge, malgré les démarches des deux enfants.
On doute de leur version. L’opinion publique n’a pas accès à la vidéo.
Puis, un jour, un média fait fuiter la vidéo et tout change. L’opinion est scandalisée, mobilisée.
Malgré ça… le procureur de la République demande un non-lieu :
Heureusement… la pression est trop forte et le juge décide, en mars 2023 de continuer l’instruction.
Le calvaire de la famille
J’ai écouté une interview des deux enfants où ils expliquent qu’ils ont fait le choix de ne jamais se laisser aller à la colère. Ils ont donc refusé toute manifestation violente.
Ils ont même accepté d’annuler un concert événement en la mémoire des deux ans de la mort de leur père, parce que des commissariats ont appelé pour faire pression sur les organisateurs.
Ils racontent comment on a essayé de les criminaliser. Comme on le fait toujours dans ces cas là pour retourner la faute. Sauf qu’aucun membre de la famille n’a la moindre affaire judiciaire (je ne devrais pas avoir à préciser ça).
Le comble du comble ?
Selon eux, les gendarmes n’ont été auditionné qu’une fois, lors d’une garde à vue qui a duré uniquement 4 heures. Les deux gendarmes étaient au même endroit, au même moment et ils auraient pourtant réussi à donner deux versions contradictoire.
L’un d’entre eux expliquera que Claude a refusé d’obtempérer. Mais ça ne semble pas concorder avec la vidéo.
Malheureusement, c’est une vidéo sans son donc c’est dur d’en avoir le coeur net.
En tout cas on est sûr qu’avant leur acte, il n’y a aucun danger, aucune violence. Claude a une jambe dans la voiture, une jambe sur le bitume. La portière est ouverte.
Ce qui déclenche la colère c’est l’alliance entre justice et police
En vérité… on pourrait tous comprendre, je pense, des gendarmes qui expliquent : on a voulu le sortir selon telle procédure, on a pas vu qu’il était si grand, on a totalement merdé, on s’en veut terriblement d’avoir causé sa mort.
Une justice qui débat sur la qualification : homicide involontaire ?
Coups et blessures ayant entraîné la mort sans intention de la donner ?
Accident dans le cadre d’une procédure cadrée et donc ne pouvant être imputé aux gendarmes en tant que personnes ?
Ce n’est pas à nous d’en décider. Mais en revanche c’est à nous de continuer à réclamer que justice soit rendue.
Un clip dont les royalties sont reversées à la famille
En collaboration avec un artiste guadeloupéen connu là-bas (je l’écoute depuis que j’ai 15 ans) la famille a produit ce clip :
C’est en créole. Mais il y a la traduction en sous-titre.
Tu peux aussi l’écouter sur une des plateformes de streaming ici : https://modulor.lnk.to/JistisPouKlodo
Là encore, les revenus générés sont reversés à l’association de la famille.
L’Etat français comme d’hab dira que ce n’est pas de sa faute
Ses gendarmes sont coupables et en moins de deux ils sont blanchis
Affaire classée, ils sont déjà mutés, ils sont en Normandie
Si on s’est levés pour George Floyd, on doit se lever pour Klodo aussi
(…)
Ça n’arrive pas qu’aux Etats-unis, ça n’arrive pas qu’à Paris
Le racisme institutionnel est présent aussi dans l’île
Merci de partager ces histoires