Arrêtez de nier que Damso est autiste

Cette semaine, je te résume les dernières vidéos de ma chaîne YouTube. On commence avec celle sur Damso.

Si tu préfères regarder directement la vidéo c’est par ici :

Damso sort un son intitulé DAMSAUTISTE et les gens se moquent de lui

Bon… si c’était sur le jeu de mots, je me moquerais aussi. Mais ce n’est pas du tout le souci :

Les gens nient que Damso puisse être autiste.

À cause du validisme, mais aussi à cause du racisme. Un noir ne peut pas être autiste dans l’imaginaire des gens.

Pire encore, on a interrogé une psychiatre belge sur le sujet. Accroche-toi, ça va être une tartine d’incompétence :

Dans le deuxième extrait que nous soumettons à Caroline Depuydt, Damso est en interview dans l’émission Quotidien sur TF1. Il parle de son sentiment d’être autiste, le journaliste lui rétorque : “Vous dites ‘Asperger’ “.

S’en suivent deux caractéristiques propres au comportement de Damso d’après ses équipes : “On dit de vous que vous êtes obsessionnel et chieur”.

La psychiatre rappelle d’abord qu’il ne s’agit pas de faire une soupe avec tout ça. “Dans le spectre du trouble de l’autisme, il y a des personnes qui sont ‘haut niveau’, qu’on appelle aussi Asperger. Ces personnes peuvent avoir une QI normal ou élevé et donc être aussi HPI. C’est pour ça qu’on peut être un peu ‘obsessionnel et chieur’ parce que quand on a un intérêt, il est extrêmement restreint et développé”.

Caroline Depuydt poursuit : “Lui, ce qu’il dit aussi, c’est qu’il est bien avec ça et c’est sans doute pour cette raison qu’il n’est pas allé plus loin dans le diagnostic. C’est important d’en avoir conscience et de pouvoir s’ouvrir à ça pour comprendre certains de ses comportements. Mais, une nouvelle fois, c’est primordial d’aller plus loin quand on ne se sent pas bien par rapport à ça pour ne pas rester seul avec sa souffrance.”

Y’a rien qui va. Qu’est-ce que le HPI vient faire là ? Avoir une intensité dans ses intérêts est une expérience partagée par énormément d’autistes (c’est d’ailleurs un des critères), peu importe les QI.

Mais ce que je trouve fou c’est de dire “il est bien avec ça”.

Dans quel monde, elle est capable de dire ça ? Surtout que Damso est précisément connu parce qu’il raconte ses souffrances. Mais on y reviendra.

Que dit vraiment ce morceau ?

Dans ce morceau, Damso mentionne l’autisme deux fois : vers le début et à la fin. La première fois il dit :

J’commence à croire quand on m’dit qu’jsuis Asperger

La deuxième fois il conclut :

C’est bizarre comment, parfois, le temps entretient une relation

Particulière avec certaines blessures

Comme s’ils n’voulaient plus jamais se quitter

Comme si la blessure datait d’hier et qu’elle était

On va dire coincé dans une faille spatio-temporelle

En gardant ça, même intensité, sa même agressivité

Putain, rien qu’d’en parler, en fait, ça remonte à la surface

Suffit d’quelques - en plus pour t’sentir un peu seul au monde

Bref, askip, j’suis Asperger, donc bienvenu dans ma folie, hein

Bon… Damso n’est clairement pas éduqué sur le sujet. On le voit à l’utilisation du terme Asperger. Mais c’est assez logique puisque manifestement : ce sont les gens qui lui disent ça.

Il s’en est ouvert en interview :

“Depuis que j’ai 4 ans, on me dit de manière péjorative, soit que je suis HPI, soit autiste, soit dans la lune, bref, dans mon truc. (…) On m’a dit depuis très longtemps que j’étais Asperger, mais de manière péjorative. Quand je suis allé chercher des infos, effectivement, c’est vrai que cela me ressemble sur des petits trucs comme cette forme de focus sur des choses et une sorte d’incompatibilité sociale”, détaille le rappeur en précisant ne “jamais être allé très loin dans la réflexion”.

Il rajoute, plus bas :

J’ai été tellement sombre par moments que j’aurais préféré ne pas exister. Mais les moments de déprime sont moins nombreux qu’avant, c’est comme un microclimat. Il faut juste s’adapter à ces moments et je le fais de façon paisible. Ce n’est pas grave quand il pleut ou quand il fait un peu chaud. Avant, je butais, je voulais toujours le soleil. Aujourd’hui, j’ai changé de raisonnement : je suis content de vivre toutes ces émotions même les plus sombres, car cela rend tout plus fort

Je trouve ça hallucinant qu’une psy voit ça et dit non mais il est bien avec. BAH NON. Une personne qui a accepté que les moments de dépression sont comme des saisons et que donc elle fait régulièrement des dépressions ne va pas bien.

Enfin… au sens de la santé mentale évidemment. C’était mon cas de 2018 à 2024 et oui j’allais bien au sens où j’avais d’autres choses dans ma vie qui allait. Mais ma santé mentale n’allait pas bien.

Une psy devrait dire oulah, même s’il dit qu’il va bien, ce n’est absolument pas typique de vivre des dépressions régulières, non ça n’est pas comme le climat… la tristesse oui, mais pas la dépression, ça laisse penser à des phénomènes de burn-out autistique.

Mais c’est aussi pour ça que je te dis que c’est parce qu’il est noir : les soignant·es sont connus pour appliquer ce qu’on appelle le syndrome méditerranéen. Je t’en ai déjà parlé, c’est le fait de minimiser systématiquement la souffrance des personnes noires.

Il faut une autorisation pour dire qu’on est autiste

Ce qui est le plus fou c’est que ce n’est même pas lui qui dit qu’il est autiste.

Il a 32 ans au moment où il fait le morceau et on lui dit depuis qu’il a 4 ans. Ça fait donc VING-HUIT ANS qu’il refuse l’identification autistique.

Et, même là, il dit “askip”, c’est-à-dire à ce qu’il paraît.

Mais même le public ? Le nombre de fois que les gens ont commenté, avant ça, sous ses vidéos pour dire qu’il est perché / chelou / excentrique ?

Donc pourquoi s’énerver comme ça quand il dit qu’il est autiste ?

C’est pas comme si Macron disait qu’il est autiste. Là je comprends qu’on dise c’est étrange y’a rien qui colle.

Damso a été SDF (y’a une sur représentation des autistes chez les SDF), il dit lui même qu’il fait des jeûnes de parole, dans une interview il déclare :

“quand un sujet m’intéresse, je vais dans une librairie à Bruxelles qui s’appelle Filigranes, et j’achète une pile de livres sur le thème que je veux creuser, par exemple le business ou le féminisme. Je ne m’attarde pas sur les titres ou les auteurs.

Mais t’as quand même Warren pour dire :

En général les autiste sont moins adapté socialement et lui non donc moi aussi je peux donné des contre exemple déjà l’autiste va avoir des intérêts spécifiques et restreint

Ça n’a aucun sens. Enfin si… c’est ce que je me tue à répéter : il faut bannir les expressions intérêts spécifiques et intérêts restreints car elles sont profondément ancrées dans le validisme. Elle expriment l’idée d’un truc étrange. Alors qu’un intérêt autistique se caractérise par son intensité et non son étrangeté, ni sa spécificité.

C’est sûr que se plonger intensément dans le féminisme et acheter tous les livres pour les lire en 2-3 semaine ça n’est pas spécifique (c’est un sujet mainstream) et ça n’est pas restreint puisque manifestement il fait ça un temps avant d’arrêter. Mais c’est bel et bien intense.

Si bien que son entourage le décrit comme une personne obsessionnelle.

Tout est dit.

Il n’a rien à gagner

Contrairement à une idée répandue qui voudrait que y’a des gens qui disent qu’ils sont autistes pour être cools…. bah c’est faux.

Dans un monde où le ministre du travail et des solidarités (donc en charge du handicap) vient à la télévision dire :

Faut vraiment ne jamais essayer de dire je suis autiste pour croire que c’est pour être cool. La première fois que je l’ai dit en public, je l’ai dit en chuchotant à l’oreille de quelqu’un.

Parce que, bien sûr que j’avais un peu honte. Le terme est chargé de stigmatisme.

Y’a clairement des éléments pour penser que Damso est autiste

À commencer par le fait qu’il le déclare. Généralement on ne déclare pas ça au hasard. D’ailleurs je le redis : il a mis 28 ans avant de répéter ce qu’on arrête pas de lui dire, à savoir qu’il est autiste.

Et ça cadre avec l’expérience que j’ai. Autour de moi, les autistes mettent énormément de temps à dire ok je suis autiste. Parce qu’elleux aussi sont immergé·es dans l’ignorance. J’étais le premier dans ce cas. J’avais du mal à dire je suis autiste parce que je ne comprenais pas ce que ça veut dire.

Mais une fois que j’avais compris ça ne me laissait plus de doute.

Si tu veux une analyse rapide sur chacun des 7 critères de l’autisme, je le fais dans la fin de la vidéo :