7 bonnes nouvelles de l'élection
Bon… j’enfreins encore ma règle de ne pas parler d’actualité, mais c’est dur de résister.
On va quand même essayer de rester sur le crédo de quelque chose de ni éphémère, ni anxiogène, ni futile. Puisqu’en vrai c’est ça le problème des actualités telles que proposées.
En tant que bon bobo, je faisais du vélib pour rentrer chez moi et j’étais empli sur tout le trajet d’une bonne humeur.
Alors, déjà parce que j’ai fait un trajet relativement long sans musique, sans podcast, sans rien. Ce qui revient à se mettre dans un état méditatif.
Mais ensuite parce que plus j’y pense, plus l’élection me donne de la force.
Bien sûr, j’aurais voulu un autre résultat. Mais je n’ai jamais espéré un autre résultat. Donc forcément… après une journée de gueule de bois, ça a été plus facile de m’en remettre.
Tu te rappelles quand je te disais que pour garder espoir il fallait des valeurs, un sentiment de contrôle et une communauté ?
Et bah c’est justement en parlant autour de moi que j’ai commencé à développer ce sentiment.
Voici donc 7 “bonnes nouvelles” qui me donnent de l’énergie.
#1 | Le score de Marine Le Pen
Non, ceci n’est pas une apologie de l’extrême-droite. Mais il faut que tu te mettes dans mes baskets : je passe mon temps à essayer d’expliquer aux gens que la France est structurellement raciste et que le racisme explose depuis les attentats de 2015.
Souvent j’ai le droit à des réactions ébahies ou sceptiques.
Or, le fait que Le Pen arrive deux fois de suite au second tour après les attentats en question permet de finir de convaincre les gens.
Je ne suis évidemment pas content de la montée du racisme. Mais rien n’est plus dangereux qu’une société où le racisme monte mais qui reste dans le déni. C’est le meilleur moyen pour se réveiller dans les ténèbres.
Il y a un déni insupportable autour du vote Le Pen. On nous a dit que c’était un vote protestataire, puis que c’était un vote de vieux…
D’ailleurs à chaque fois qu’on admet autour de moi connaître une personne qui vote Le Pen, c’est toujours pour montrer une personne de plus de 60 ans. En rajoutant mais on peut plus la changer.
J’ai pas arrêté de dire que c’était faux. Ça m’énervait. Mais je n’avais pas de chiffre pour le prouver : juste mon expérience quotidienne qui me montrait bien que le racisme n’est pas moins élevé chez les jeunes. Nous en avons désormais la preuve : Le Pen a fait son meilleur score (environ 28%) sur les 35-59 ans. Et elle fait plus que sa moyenne nationale chez les 18-34 ans.
C’est grâce justement au plus de 70 ans que son score s’effondre.
C’est donc la première candidate des gens qui ne sont ni vieux ni jeunes.
Pire encore, on se comporte comme si c’était le covid. Comme si le vote Le Pen était une donnée externe. Comme si ce n’étaient pas des millions de français·es qui votaient Le Pen.
Alors je me dis que désormais plus personne ne pourra nier. Il n’y avait pas d’accident cette fois-ci. Pas de Fillon dans une affaire, pas de surprise d’un Jospin plus faible. Le pays a voté sciemment Le Pen.
Pire encore, ce qui a failli empêcher Le Pen d’arriver au second tour c’est… Zemmour. Donc un autre candidat d’extrême-droite.
Deux millions de personnes ont été voter pour un candidat qui proposait un programme fasciste non déguisé (Le Pen fait au moins l’effort de déguiser le fascisme, c’est-à-dire l’appel à purger le pays les non-blancs).
Or, puisque ce n’est pas déguisé, personne ne peut dire je ne savais pas. Déjà que j’y crois pas quand on me dit non mais je sais pas trop pourquoi je vote Le Pen. Alors Zemmour ?
L’extrême-droite s’est dévoilée. À nous de réagir maintenant. Plus personne ne nous dira qu’on exagère.
Or, on le verra une autre fois, le fait d’avancer masquer est une composante cruciale du recrutement de l’extrême-droite. Retirer le masque est extrêmement couteux pour elle. Elle ne le fait que quand elle commence à être vraiment en position de force. Mais ensuite c’est irrémédiable.
#2 | L’antiracisme est la voie de la gauche
Il y avait deux gauches irréconciliables : la ligne Valls et la ligne Mélenchon. Leur affrontement remonte à longtemps.
Valls nous a alors expliqué que l’autre gauche sombrait dans le communautarisme et n’était pas républicaine.
En d’autres termes : ne nous fatiguez pas avec l’antiracisme et le féminisme, le plus important est la question sociale.
J’avais été démoralisé par une étude qui montrait qu’aux USA la seule manière de gagner pour la “gauche” américaine était de ne faire campagne que sur l’économie en mettant la question des luttes antiracistes et féministe de côté.
Je me disais que c’était foutu en France pour cette raison. Quand le Parti Socialiste décide d’affirmer haut et fort qu’il s’oppose au “wokisme”, idem pour le Parti Communiste… c’est mal barré.
J’ai vu avec le coeur déchiré des camarades de lutte me montrer qu’entre l’anticapitalisme et l’antiracisme ils choisiraient toujours l’anticapitalisme. Qu’entre être de gauche ou être blanc ils préféreront toujours être blanc.
Je pensais que ça représentait énormément de gens.
Mais non.
C’est bien la ligne antiraciste qui a généré 22% de voix.
Et bien sûr :
Un cadre PS "anonyme" à propos du vote des "banlieues" pour JLM: "c'est un vote communautaire, on n'en veut pas".
Voilà, la messe est dite. Nous ne sommes pas réconciliables. Et, heureusement, c’est ma gauche qui a gagné.
Le Parti Socialiste a été puni.
Courir derrière les idées d’extrême-droite comme Roussel et Hidalgo l’ont fait, leur a permis un boost dans les sondages et des éloges de plein de personnalités de droite (pour Roussel)… mais quand il a fallu voter pour de vrai bah les gens de droite ont vraiment voté à droite.
La gauche découvre à ses dépens un principe que pourtant Le Pen père nous avait enseigné les gens préfèreront toujours l’original à la copie. Voilà pourquoi la technique de la triangulation, c’est-à-dire de voler les thèmes de l’extrême-droite ne peut pas fonctionner.
L’antiracisme est la voie de la gauche. La gauche qui le refusera finira aux oubliettes de l’histoire. En tout cas, c’est mon pari.
#3 | La fin du mythe de “l’extrême-gauche”
J’exagère quand je dis la fin. Mais en tout cas on a beaucoup moins eu cette attaque. Alors qu’en 2017 plein de gens me disaient que Mélenchon et Le Pen c’est pareil puisque c’est les extrêmes.
Aujourd’hui j’ai des électeurs de Macron qui me disent on a hésité à voter Mélenchon parce que c’est quand même beaucoup mieux que Le Pen donc autant lui assurer le second tour.
#4 | L’effet du temps long
En octobre de cette année, le Rassemblement National fêtera ses 50 ans.
50 ans.
Voilà le temps qu’il a fallu pour imposer sa candidature durablement au second tour.
Et chaque candidature a servi de marche pour les suivantes.
C’est pareil ici.
La France Insoumise a 13 ans (je compte à partir du Parti de Gauche). À l’époque ce n’était pas gagné d’avance. Quand Mélenchon quitte le Parti Socialiste, je suis moi-même sympathisant socialiste et je pense c’est cool mais ça pourra jamais marcher.
13 ans après… le Parti Socialiste est en cendre (je n’y aurais pas cru si on me l’avait annoncé) et c’est bien La France Insoumise qui est debout.
13 ans pour arriver aux portes du second tour, ce n’est pas tant que ça.
Ça nous montre que si on continue les efforts on peut y arriver.
Il n’y a jamais eu autant de voix pour cette proposition politique.
#5 | Les sondages ont été démentis
Tu le sais si tu me suis depuis un moment, j’ai passé mon temps à répéter que les sondages ne se trompent quasiment jamais.
Et bah je suis content de m’être trompé.
Bien sûr, quand les sondages se trompent il y a une explication. Un facteur X. En science de la décision on appelle facteur X cette variable qu’on oublie de compter mais dont on est incapable de dire ce qu’elle est.
Par exemple, en 2002 le facteur X c’était le fait que les gens avaient honte de dire qu’ils votaient Le Pen. Ça a donc fait sous-estimer le vote.
Cette année, il semblerait que le facteur X soit la quantité astronomique de personnes indécises jusqu’au dernier jour. Ce qui, forcément, amplifie le phénomène du vote utile.
#6 | L’Ile-de-France bascule à gauche
Je n’ai jamais compris pourquoi l’Ile de France ne votait pas systématiquement à gauche. Sarkozy avait fini premier au premier tour par exemple. Macron et Fillon étaient devant Mélenchon en 2017.
Aujourd’hui c’est chose faite, même si c’est de justesse. L’Ile-de-France a choisi Mélenchon premier au premier tour.
Mieux encore, mon arrondissement de Paris a basculé à gauche.
Je suis donc égoïstement content d’habiter dans un endroit en phase avec mes valeurs.
#7 | Les gens interrogent le système de la 5ème république
Ce système électoral n’a plus aucun sens. Il en avait un quand il y avait deux grands partis qui dominaient (et encore, même là c’était absurde). Mais là c’est insensé ?
Imagine si Mélenchon avait battu Le Pen de 200 000 voix au premier tour… est-ce que ça aurait été juste d’éliminer Le Pen ? Pas vraiment.
Comment une si petite différence peut mener à tout ou rien ?
Pourquoi on accepte d’avoir un second tour à deux finalistes seulement ? Alors qu’on fait des triangulaires pour toutes les autres élections françaises (municipales, législatives, régionale…).
C’est encore minoritaire mais j’entends de plus en plus de voix s’élever contre cette absurdité.
Or… une de mes valeurs principales c’est justement d’espérer voir de mon vivant la fin de la 5ème République.