6 réponses sur la monogamie
Hier je vous ai posé 6 questions sur la monogamie. Aujourd’hui on y répond.
#1 | Les animaux sont rarement monogames
Chez les animaux, la monogamie est très peu répandue.
Vous avez été 84% à trouver la bonne réponse.
On a longtemps cru que certains animaux était monogames, à tort. Au final, les évaluation les plus récentes sont plutôt que seules 5% des espèces animales sont monogames.
Certains animaux ont été considérés comme monogames parce qu’on projetait sur eux notre vision du monde. Puis, les tests ADN sont arrivés pour pouvoir vérifier combien d’enfants viennent vraiment de leur père.
Un exemple simple est celui du Cygne. On en a fait le symbole ultime de la monogamie. Parce qu’il faut deux parents cygnes pour incuber les œufs et qu’il faut les deux pour nourrir les oisillons ensuite.
Alors on s’est dit que forcément le mâle devait être sûr d’élever ses enfants pour avoir un tel investissement. Sauf que non... les tests ADN nous révèlent que 20% des petits cygnes viennent d’un autre mâle.
Au final, sur 180 espèces d’oiseaux qu’on pensait monogames, des études plus poussées ont montré que plus de 160 ne le sont pas !
Ceci dit, il existe tout de même des animaux relativement monogames. C’est le cas du Gibbon, un singe qui passe sa vie à deux.
Mais quand on dit passer sa vie à deux, c’est vraiment. Au point que les couples de Gibbons ne se mélangent pas aux autres. Ils ne vivent pas en société mais bien à deux par deux.
#2 | Les animaux qui pratiquent le sexe en dehors d’un but reproductif sont la minorité
Vous avez été 57% à trouver la bonne réponse : « oui, mais pas beaucoup ».
La plupart des animaux vont pratiquer le sexe plutôt rarement.
D’ailleurs, l’animal qui nous ressemble le plus à ce niveau (le Bonobo) est connu pour ça. Alors que les Bonobos nous arrivent à la cheville. Certes, comparés aux humains ils pratiquent un nombre similaires d’actes sexuels dans une vie, mais chaque acte est beaucoup plus court.
Paradoxalement, on associe une sexualité fréquente à l’animalité. Avec l’idée que c’est un peu bestial. Alors que c’est tout l’inverse : l’animalité c’est plutôt peu de sexe et dans le but de se reproduire.
Surtout pour les animaux monogames. Les animaux monogames, généralement, ne pratiquent que très peu le sexe.
Logique en même temps... puisque le but est de se reproduire et qu’on le fait avec un seul autre individu de son espèce... on le fait rarement.
Un autre paradoxe, parfois on utilise l’expression « être en rut » ou « être en chaleur » en parlant d’humain·es. Alors que... les espèces qui ont des périodes de rut sont justement des espèces peu sexuelles.
Je crois que la confusion vient justement du fait qu’ils sont non-monogames. En effet, la plupart des animaux sont non-monogames MAIS pratiquent peu le sexe. Ils le font pour se reproduire.
#3| Les primates sont majoritairement non-monogames
On l’a dit, le Gibbon est un exemple de singe monogame. Il en existe d’autres et là encore il y a débat selon la définition, mais le chiffre le plus grand que j’ai vu c’est 30% (certains affirment que seul le Gibbon est véritablement monogame, d’autres qu’on est plutôt autour de 10% de primates monogames).
Mais prenons le 30%, ça laisse quand même une grande majorité d’espèces de primates non monogames.
#4| Nos ancêtres étaient moins jaloux que nous jusqu’à un événement précis...
En vrai c’était une question piège. Je dirais que la bonne réponse c’est qu’il est faux de dire que plus une société est ancienne plus elle a des comportements de jalousie. Mais… c’est probablement vrai si on compare le moyen-âge occidental avec notre époque.
La clé c’est que si on remonte il y a vraiment longtemps, tout porte à croire que les premières sociétés étaient non-monogames.
Ce qu’on appelle les société de chasseurs-cueilleurs (et qui d’ailleurs existent encore). L’événement en question est si bouleversant que même le nom chasseur-cueilleur est un rappel (par opposition) du grand événement qui va tout changer...
#5 | L’agriculture a tout bouleversé
Vous avez été 68% à vous tromper sur celle-ci. L’événement qui déclenche le bouleversement c’est bien l’agriculture et non pas la religion monothéiste. Même si, en réalité, une religion comme le christianisme a été le deuxième coup de marteau, indubitablement.
On en reparlera mais l’agriculture a été à la fois une avancée collective et un traumatisme individuel.
C’est elle qui va faire émerger le patriarcat. On en a déjà parlé lors de la série d’e-mails sur le sexisme dans la science. Le patriarcat n’est ni inné, ni vieux (à l’échelle de l’humanité).
L’Humanité a passé 95% de son temps sans patriarcat et 5% avec. Alors oui... 5% ça fait des milliers d’années, c’est sûr. Mais ça donne un espoir sur le fait que ça n’est pas normal ou naturel.
Bien sûr, les religions comme le christianisme ont surenchéri sur le patriarcat et la monogamie. Mais c’est bien à l’agriculture que ça commence.
Si je voulais faire un anachronisme je dirais que c’est plutôt le capitalisme qui déclenche la catastrophe puis la religion qui l’accentue.
(Mais c’est anachronique, ce n’est pas du tout le capitalisme en tant que tel, ici je fais un parallèle entre accumulation et capitalisme).
L’agriculture va subitement permettre d’accumuler énormément de richesses pendant une vie. Avant, tout le monde devait participer à l’effort de recherche de nourriture. Désormais ce n’est plus le cas.
Certaines personnes réussissent à accumuler des richesses et elles veulent léguer ces richesses à leur descendance.
Et... la seule manière d’être sûr que je lègue ma fortune à mon fils génétique c’est d’imposer la monogamie des femmes.
J’insiste sur “des femmes”. Car, la plupart des sociétés qui prônent la monogamie la prônent d’abord pour les femmes.
Sur le papier, tout le monde doit l’être, dans les faits ce sont les femmes qui vont être lourdement punies. Logique puisque ce sont les hommes qui doutent de leur partenalité.
Enfin... par “homme” j’entends ici, par raccourci, les personnes qui n’ont pas d’utérus à la naissance. Il existe des hommes transgenres qui peuvent accoucher, par exemple.
Forcément, la personne qui accouche n’a pas de doute possible sur le fait que c’est son enfant qui sort de son ventre.
La suite tu la connais, le concept du mariage où les deux se jurent fidélité mais surtout la “femme”.
Guillemets pour les mêmes raisons que précédemment : la personne socialisée comme femme.
Tout ça pour dire que dans les sociétés pré-agriculture, la jalousie était souvent mal vues et, par conséquent, très peu présente. Car, oui, la jalousie est un apprentissage social.
La première fois qu’on m’a dit ça j’étais scié. C’était un truc tellement viscéral en moi que je ne pensais pas ça possible. Aujourd’hui je peux confirmer personnellement que non seulement c’est appris mais que ça peut se désapprendre. Je ne te dirais pas que je ne la ressens plus, mais l’intensité est facilement 100 fois inférieure à avant.
On confond viscéral et naturel. Ce n’est pas parce que quelque chose est profondément ancré que c’est la nature qui l’a ancré et non pas la société.
“Les femmes et les hommes Mosuo déclarent sans honte avoir eu des centaines de relations.
Ils n’en ont pas honte : ce qui leur ferait honte, au contraire, ce serait une promesse ou une demande de fidélité.
Un vœu de fidélité serait considéré comme inapproprié, car il impliquerait une tentative de négociation ou d’échange.
La jalousie ouvertement exprimée est considérée comme une agression, puisqu’il s’agit d’une intrusion implicite dans l’autonomie sacrée d’une autre personne.
Elle appelle le ridicule et la honte.”
La jalousie existe parce que nous voulons qu’elle existe :
“Buss et les autres psychologues évolutionnistes qui soutiennent qu’un certain degré de jalousie fait partie de la nature humaine ont peut-être raison, mais ils exagèrent lorsqu’ils universalisent leurs conclusions en les étendant à tout le monde, partout et toujours.
La nature humaine est faite d’un matériau hautement réfléchissant.
C’est un miroir, certes marqué par des rayures et des fissures génétiques inaltérables, mais un miroir quand même. Pour la plupart des êtres humains, la réalité est à peu près ce qu’on nous dit qu’elle est.
Comme pratiquement tout le reste, la jalousie est le reflet d’une modification sociale et elle peut manifestement être réduite à un simple irritant mineur si le consensus l’estime tel.”
#6 | On croyait qu’il fallait plusieurs hommes pour qu’une femme ait un enfant
Je ne sais pas comment et ça me fascine toujours autant mais il semblerait que nos ancêtres ont très rapidement compris le lien entre sexe et grossesse. En revanche,ils n’avaient pas compris qu’on pouvait avoir un enfant avec une seule relation sexuelle.
“Comme l’expliquent les anthropologues Stephen Beckerman et Paul Valentine :
« La grossesse est considérée comme une question de degré, sans distinction claire avec la gestation. Toutes les femmes sexuellement actives sont un peu enceintes.
Avec le temps, le sperme s’accumule dans l’utérus, un fœtus se forme, d’autres rapports sexuels suivent, et le sperme supplémentaire fait grandir davantage le fœtus. »
Si une femme cessait d’avoir des rapports sexuels lorsque ses règles s’arrêtent, on croit, dans ces cultures, que le fœtus arrêterait de se développer.
Cette compréhension de la façon dont le sperme forme un enfant conduit à des conclusions très intéressantes sur ce que doit être un comportement sexuel « responsable ».
Comme toutes les mères, les femmes de ces sociétés souhaitent donner à leur enfant tous les avantages possibles dans la vie.
À cette fin, elles chercheront généralement à avoir des relations sexuelles avec des hommes variés. Elles solliciteront les « contributions » des meilleurs chasseurs, des meilleurs conteurs, des plus drôles, des plus gentils, des plus beaux, des plus forts, et ainsi de suite, dans l’espoir que leur enfant absorbe littéralement l’essence de chacun.
Les anthropologues rapportent des imaginaires similaires de la conception et du développement du fœtus dans de nombreuses sociétés sud-américaines, allant des simples chasseurs-cueilleurs aux horticulteurs.
Une liste partielle comprendrait les Aché, les Araweté, les Barí, les Canela, les Cashinahua, les Curripaco, les Ese Eja, les Kayapó, les Kulina, les Matis, les Mehinaku, les Piaroa, les Pirahã, les Secoya, les Siona, les Warao, les Yanomami et les Ye’kwana, des sociétés qui vont du Venezuela à la Bolivie.
Il ne s’agit pas non plus d’une curiosité ethnographique, d’une idée étrange qui se serait transmise dans des cultures somme toute assez proches. On retrouve la même compréhension chez des groupes culturels qui n’ont eu aucun contact avec ces cultures pendant des millénaires.
La paternité partagée n’est pas non plus limitée à l’Amérique du Sud. Par exemple, les Lusi de Papouasie-Nouvelle-Guinée considèrent également que le développement du fœtus dépend d’actes sexuels multiples, souvent avec des hommes différents.
Aujourd’hui encore, les Lusi les plus jeunes, qui ont eu accès à la compréhension moderne de la reproduction, conviennent qu’une personne peut avoir plus d’un père.
Stephen Beckerman et Paul Valentine notent qu’il est difficile de ne pas en tirer la conclusion suivante : « La paternité partagée est une ancienne croyance populaire capable de soutenir des familles efficaces, des familles qui fournissent des soins paternels satisfaisants aux enfants et qui réussissent à les élever jusqu’à l’âge adulte. »
Source
Au commencement était le sexe (Sex at down en VO).
Je mets un petit avertissement si tu le lis : il a été écrit en 2010.
Deux implications : la première c’est que les connaissances scientifiques ont évoluées depuis. La seconde c’est que c’est comme regarder Friends... y’a des pages qui font preuve d’insensibilité sur certaines questions.