Hier on a vu que la colère était contreproductive avec les enfants. Mais… le souci c’est que nous n’avons pas appris nous mêmes enfants à gérer notre colère. Donc comment aider nos propres enfants ? Voilà 5 outils issus du livre Chasseur, cueilleur, parent de Michaeleen Doucleff.
Outil #1 : cultiver son calme
À Kugaaruk, plus l’enfant insuffle d’énergie dans une situation, plus le parent descend en énergie. Si l’enfant se met à crier, à se débattre, à pleurer ou même à taper, le parent ne se précipite pas pour lui donner des ordres.
Il ne lui dit pas non plus de se calmer. Il ne le menace pas (« Si tu n’arrêtes pas de crier… ») et n’essaie pas de l’amadouer (« Qu’est-ce qui ne va pas ? Tu veux boire quelque chose ? Tu veux aller… ? »).
Au lieu de cela, le parent montre à l’enfant comment rester calme en le restant lui-même. Quand un enfant est contrarié – quand il crie et pleure –, les parents ne prononcent que très peu de mots (les paroles stimulent). Ils bougent très peu (le mouvement stimule). Et leur visage reste très peu expressif (l’émotion aussi stimule).
Les parents ne sont ni craintifs ni timorés. Ils gardent toujours confiance en eux. Mais ils s’approchent de l’enfant comme on s’approcherait d’un papillon posé sur son épaule. Lentement. Avec douceur. À pas feutrés.
Les enfants apprennent par l’exemple. Donc si on veut leur enseigner le calme on doit le faire calmement.
Mieux encore : plus je prends l’habitude de garder mon calme et plus l’enfant me verra comme une sorte de refuge en cas de tempête émotionnel. Je deviens le roc qui lui permet de s’apaiser.
Comment devenir la personne la plus calme du monde quand ta fille de 3 ans t’envoie une gifle en travers du visage ? Cela n’a assurément pas été facile. Et il m’aura fallu des mois d’entraînement. Mais plus je parviens, par miracle, à me contenir et à rester calme quand Rosy ne l’est pas, plus cela devient facile. Et plus Rosy et moi aimons passer du temps ensemble.
Personnellement, pour garder mon calme, j’ai recours à l’imagerie sensorielle. J’imagine que je suis en train de me faire masser dans le spa d’un hôtel de luxe. Je ferme les yeux et je visualise l’endroit. Je suis dans une pièce aux murs mauves, la lumière est tamisée. Des carillons népalais émettent une paisible mélodie et une odeur de lavande flotte dans l’air. Aaaaah. Si l’imagerie ne fonctionne pas, je fredonne « Edelweiss » et je me concentre sur la Julie Andrews qui sommeille en moi.
Trouvez ce qui marche pour vous, pour être le plus calme et le plus imperturbable possible. Cet état dans lequel vous vous contenterez d’émettre un petit gloussement si on vous crache du lait à la figure. Dégainez cet alter ego chaque fois que votre enfant se prépare à piquer une crise. Mon mari a son truc à lui : « Je fais semblant d’être un peu défoncé. »
Quant à Tina, elle s’imagine que son enfant est comme une chaîne stéréo. « Considérez le système nerveux de votre enfant comme un bouton de volume. Mon boulot, c’est d’aider mon enfant à baisser le volume. Et pour y parvenir, je dois commencer par moi. Si je lui hurle dessus ou que je participe au chaos, j’augmente le volume. Je dois me concentrer sur mon propre bouton et m’assurer qu’il ne monte pas trop haut ni ne descende trop bas. »
Après que j’ai appris à maîtriser cette stratégie, les explosions et crises de colère de Rosy commencent à disparaître. Les tempêtes émotionnelles se produisent moins souvent et se dissipent plus rapidement. Finalement, au bout de quelques mois, elles s’évanouissent presque totalement.
Nous parlons là d’une baisse de plusieurs crises par jour pour arriver à une ou deux par mois. La différence est si frappante que même ma mère a dû admettre que oui, peut-être que cette approche fonctionne mieux.
Outil #2 : le toucher physique
On ne parle pas ici de taper l’enfant. On parle ici de communiquer avec l’enfant via le tactile.
Le plus dur c’est d’y arriver quand l’enfant justement nous tape.
Sally attrape Caleb. Le petit garçon saisit la joue de Sally si fort qu’il la griffe jusqu’au sang. Des gouttelettes rouges apparaissent sur sa joue. Je vois qu’elle a mal. Elle serre les dents et plisse les yeux. Je suis persuadée qu’elle va se mettre à crier. Mais elle garde son calme et retire doucement les petits doigts potelés de sa peau.
Elle dit avec une bienveillance incroyable : « Tu ne te rends pas compte que ça fait mal, n’est-ce pas ? » Puis elle a recours à l’outil du contact physique. Elle retourne lentement Caleb sur le ventre et lui tapote doucement les fesses plusieurs fois, comme on tapoterait un morceau de rumsteck avant de le faire cuire.
« Oh, ça me fait mal, dit-elle de la même voix douce et calme. On ne fait pas de mal aux gens. » Puis elle le fait voler en cercle, comme un avion. Caleb glousse. Son envie de griffer a disparu. Sa colère s’est évaporée. Et Sally, grâce au contact physique, l’a apaisé, tout en lui montrant qui est forte et aimante (autrement dit qui est le chef).
Dans une autre configuration, il va s’agir de mettre l’enfant sur son dos ou dans un porte-bébé (même s’il ou elle a un peu passé l’âge)
Ainsi, le contact physique est un peu comme un couteau suisse. Il offre plusieurs outils en un. Vous pouvez toucher doucement le bras d’un enfant ou lui frotter le dos pour freiner une crise de colère naissante, ou le prendre dans vos bras et le faire sauter sur vos genoux quand vous sentez que l’explosion est imminente.
Le contact physique peut aussi se situer quelque part entre les deux extrémités du spectre. Vous pouvez faire à un enfant un tas de baisers inuits sur la joue, des kuniks (en le reniflant avec votre nez), un petit guili sur le bras ou une chatouille sur le ventre. Dans tous les cas, toucher l’enfant est une façon de lui montrer qu’il est aimé et en sécurité, et qu’une personne plus calme – et plus forte – prend soin de lui.
Le contact physique est un moyen de communication émotionnel. Comme quand on se fait des câlins entre adultes.
Chez les enfants c’est encore plus important car leur cerveau est encore peu apte à se réguler via les mots et beaucoup plus en capacité d’y arriver avec un contact bienveillant.
Outil #3 : l’émerveillement
Cet outil fonctionne jusqu’à un âge tardif (par exemple à 16 ans). Il s’agit simplement de remplacer la colère par un émerveillement. On fait diversion avec autre chose de sincèrement intéressant.
On a travaillé toute la journée et la fatigue rend Rosy grognon. Elle s’assied sur la route et commence à chouiner. Je l’ignore. Alors elle se met à pleurer et à crier. Elizabeth s’approche d’elle, s’agenouille et lui dit d’une voix emplie d’émerveillement : « Regarde le beau coucher de soleil. Tu vois le rose ? Le pourpre ? »
Rosy regarde Elizabeth d’un air suspicieux. Elle fronce les sourcils. Mais elle ne peut résister à sa douceur – ni au coucher du soleil. Elle se tourne et lève les yeux vers le ciel. Et son expression tout entière change. Ses yeux s’adoucissent. Les pleurs cessent. Elle se lève et se remet en marche.
Outil #4 : l’emmener dehors
J’ai hésité à inclure cet outil dans le livre, parce qu’il est un peu léger en apparence. Mais depuis que nous sommes rentrées à San Francisco, cette simple stratégie s’est avérée si utile pour aider Rosy à se calmer que je me dois de la mentionner. C’est aussi une bonne idée à garder dans sa besace quand vous êtes en public. C’est facile, ça marche plus souvent qu’on ne le croit et ça m’a été suggéré par des mères issues de différentes cultures.
Suzanne Gaskins fut la première à m’en parler. « Quand un enfant demande des choses qui dépassent l’entendement, les parents mayas l’envoient dehors. » Cette réaction indique à l’enfant que son comportement ou sa demande n’est pas acceptable compte tenu de son âge ou de son niveau de maturité. « C’est une manière de pousser l’enfant du coude pour lui faire comprendre qu’il doit améliorer son jeu en matière de responsabilités sociales. »
Dolorosa Nartok, à Kugaaruk, me parla d’une idée semblable. « Quand les jeunes enfants sont hors de contrôle, c’est qu’ils ont passé trop de temps dans la maison ou dans l’igloo. Faites-les sortir quelques minutes. » Dolorosa tient cette technique de sa belle-mère. « Les petits deviennent grincheux quand ils ont passé trop de temps à l’intérieur. Alors vous les empaquetez [c’est-à-dire que vous les mettez dans un porte-bébé], et vous sortez faire un tour. »
Cet outil est aussi simple qu’il y paraît : lorsqu’un enfant fait une crise, vous le prenez calmement dans vos bras et vous le mettez dehors. Vous le posez, tout simplement, puis vous rentrez dans la maison et vous le regardez par la fenêtre, comme le font les parents mayas.
Vous pouvez aussi prendre l’enfant en porte-bébé, comme le suggère Dolorosa, et marcher un moment. Si vous vivez en zone urbaine avec un espace extérieur restreint, comme c’est notre cas, vous pouvez prendre le petit dans vos bras, sortir avec lui sous le porche minuscule et rester silencieux.
Si vous ne pouvez pas vous empêcher de lui parler, optez pour quelque chose comme : « Tu es en sécurité. Je t’aime. » Lorsque l’enfant commence à s’apaiser, vous pouvez lui dire quelque chose comme : « Nous pourrons rentrer quand tu te seras un peu calmé. » Quand les enfants grandissent, il devient plus difficile de les prendre dans ses bras pour les mettre dehors. D’après mon expérience, Rosy ne veut plus venir dans mes bras quand elle est en colère.
Alors je lui prends doucement la main pour la conduire dehors. Si je dois lui parler, je lui dis quelque chose comme : « Allons prendre un peu l’air. Tu te sentiras mieux dans un moment. » Mais généralement, vous n’avez pas besoin de parler. La douceur et le calme de votre geste suffisent.
Outil #5 : ignorer la crise
Puisque les enfants apprennent par la pratique, l’exemple et la reconnaissance parfois il vaut mieux ne pas les laisser pratiquer, montrer le bon exemple et ne pas reconnaître le mauvaise comportement.
Et une des manières de faire ça c’est de les ignorer pendant les crises.
Attention cet outil doit être dosé.
Plus l’enfant est jeune et moins on peut l’ignorer.
Un enfant très jeune on peut attendre quelques secondes pour voir si ça colère se dissipe avant d’intervenir. Mais ça ne peut pas durer trop longtemps.
Quand j’étais enfant on disait que fallait ignorer les pleurs des bébés.
C’est la pire idée du monde.
Et on se disputait avec les enfants de 8 ans dans les magasins.
C’est une autre pire idée du monde.
Il faut faire l’inverse.
On peut ignorer la crise d’un enfant de 8 ans dont on sait qu’il ou elle a les capacités de s’apaiser en solo.
Mais on ne fait surtout pas ça quand avec un enfant de 8 mois qui va juste se sentir abandonné.
Quand l’enfant est suffisamment âgé, le laisser s’apaiser pendant une crise c’est aussi une occasion de l’aider à pratiquer la régulation émotionnelle.
Et on le fait par empathie, non pas par colère. Parce que la régulation émotionnelle ça demande beaucoup de temps à apprendre. Pour paraphraser l’autrice, je ne suis même pas sûr que j’y suis arrivé moi-même à 35 ans.
Demain on voit 6 outils supplémentaires mais qui servent plutôt à gérer les “mauvais” comportements. Comment ramener un enfant sur le “droit” chemin sans pour autant être dans l’ingérence. Comment laisser de l’autonomie quand parfois c’est urgent (pour sa sécurité) ?
Outil 1 : littéralement exactement ce que j'ai dû apprendre avec mon chien.