3 traits spécifiques à l'autisme
Il n’existe aucun trait, aucun critère de l’autisme qui, tout seul, permet de conclure qu’une personne est autiste.
Il n’existe pas non plus de comportement qui, tout seul, permet d’exclure qu’une personne est autiste. Je le précise parce que j’entends trop souvent des personnes qui cochent tous les critères me dire non mais j’ai pas ce trait spécifique donc je ne suis pas autiste.
Ça ne marche pas comme ça.
La différence entre sensibilité et spécificité
Quand la science crée des tests d’identification de l’autisme elle est confrontée à deux objectifs contradictoire :
- Quand 100 personnes autistes passent le test, le test doit dire 100 fois “tu es autiste”. C’est la sensibilité du test. 
- Quand 100 personnes non-autistes passent le test, le test doit dire 100 fois “tu n’es pas autiste”. C’est la spécificité du test. 
Par exemple, si mon test a 10 questions et que les questions sont toutes du style :
Est-ce que, depuis ton enfance, tu as besoin d’air qui rentre et sort de tes poumons pour vivre ?
Si je le donne à 100 autistes iels auront un score de 10/10 et le test dira ok tu es autiste.
En revanche si je le donne à 100 non-autistes iels auront aussi un score de 10/10 et le test dira aussi ok tu es autiste.
Ce test a donc une sensibilité de 100% (dès qu’une personne autiste le passe elle reçoit un score positif) mais une spécificité de 0% (en fait tout le monde reçoit un score positif).
Bon… tu constates qu’une question/un test avec une sensibilité de 100% mais une spécificité de 0%, ça ne sert à rien. Globalement un truc avec une grande sensibilité et une faible spécificité est assez inutile.
En revanche, avoir une question qui a une haute spécificité et une petite sensibilité a son utilité : en gros une question où tous les gens qui répondent oui sont autistes mais où tous les autistes ne répondent pas oui.
Je vais te montrer un exemple avec le premier trait.
1 - L’hyperlexie
L’hyperlexie est définie par des capacités de lectures avancées par rapport à la compréhension, des capacités de lecture acquises très tôt en l’absence d’enseignement explicite, et une forte orientation vers le matériel écrit. Généralement avant 5 ans.
Selon une étude (Ostrolenk et al., 2017), jusqu’à 84% des hyperlexiques sont autistes. Y’a même des gens qui pensent que quasiment 100% des hyperlexiques sont autistes.
D’ailleurs, c’est mon cas. J’ai été tellement surpris de découvrir le lien entre l’hyperlexie et l’autisme. C’est si peu connu que quand j’ai demandé à mon père comment ça se faisait qu’on m’ait fait faire un test de QI à 6 ans mais que personne n’a jamais évoqué le mot autisme il m’a répondu bah t’avais aucun trait de l’autisme.
Mais alors… pourquoi on n’inclut pas l’hyperlexie dans les test d’identification de l’autisme ? En tout cas ça n’est dans aucun des tests les plus populaires.
Parce que ça ne concerne que 6 à 20% des autistes.
En d’autres termes, la question
As-tu été hyperlexique ?
a une sensibilité de 6-20% et une spécificité de 84-100%.
Pour un test c’est trop peu. Un test ne peut pas se permettre d’avoir un item aussi peu sensible.
En revanche ça peut t’aider toi. Bah oui… si tu as été hyperlexique tu constates que ça te donnes une haute probabilité d’être autiste.
Et c’est pareil pour le trait suivant.
2 - L’oreille absolue
Certaines personnes autistes sont très sensibles à différents aspects du son. En plus d’entendre des sons imperceptibles pour les autres, environ 5 % des personnes autistes sont capables d’identifier avec précision la hauteur d’un son sans avoir besoin de le comparer à une référence connue (comme un diapason ou un accordeur).
Cette capacité, appelée oreille absolue, n’apparaît que chez environ 0,05 % de la population générale et peut être très précieuse pour les musicien·ne·s, compositeurs·rices ou ingénieur·e·s du son, entre autres.
Source : Is this Autism ?
Y’a des débats sur l’étude qui a conclu ce résultat. On se demande si on a pas sous-estimé l’existence de l’oreille absolue chez les non-autistes.
D’autre part, on se rend compte que y’a beaucoup de personnes entraînées à la musique qui développent l’oreille absolue. Donc, ce trait n’est significatif que si tu avais l’oreille absolue avant entraînement musical intensif.
Mais tu vois, là encore, on a un trait très spécifique mais peu sensible.
Avez-vous l’oreille absolue avant d’avoir eu un entraînement musical poussé ?
Si une personne répond oui… alors elle a de grandes chances d’être autiste.
Mais si elle répond non… alors on n’est pas plus avancé. 95% des autistes sont dépourvu·es de l’oreille absolue.
3 - Le shutdown
J’ai de plus en plus de personnes qui me disent soit :
- Je suis autiste mais j’ai pas de shutdown 
- Je ne dois pas être autiste, j’ai des traits mais c’est possible d’être autiste sans avoir de shutdown ? 
Et je me demande si c’est de ma faute ou si tout le monde se pose cette question. Parce que c’est vrai que comme c’est le shutdown qui m’a fait comprendre que j’étais autiste j’en parle parfois comme LE truc révélateur.
Petit rappel avant de ce qu’est un shutdown :
Un shutdown autistique se produit quand une personne autiste est tellement surstimulé·e et stressé·e, qu’elle ne peut plus gérer et traiter son environnement. C’est le pendant plus silencieux, plus intérieur d’un meltdown autistique, qui tend à impliquer davantage de larmes, d’automutilation ou d’agression externe.
Le shutdown est en gros une manière de se dissocier de l’environnement. Ça peut ressembler à s’endormir très soudainement, devenir apathique ou être genre dans les vapes.”
Les shutdowns peuvent impliquer une dissociation et se manifestent par les signes suivants : le retrait, le mutisme, sembler catatonique, privilégier des lieux calmes et sombres…
(…)
D’un seul coup, c’est comme si mon cerveau buguait, et il me faut deux ou trois jours pour récupérer. L’intensité des shutdowns varie en fonction des personnes, certaines ne sont plus capables de communiquer ni de fonctionner, d’autres peuvent parler et accomplir des tâches basiques comme cuisiner ou prendre une douche.
Nous n’avons pas les chiffres de la prévalence du shutdown chez les autistes. Pour ce que l’on sait il est donc normal d’être autiste sans shutdown.
C’est probablement la preuve que la personne est dans un environnement respectueux de ses limites.
Donc oui, le shutdown est extrêmement spécifique aux autistes, en revanche on ne connaît pas la sensibilité.
Cependant, je dois de me rajouter que le sexisme joue un rôle prépondérant dans le fait que certaines personnes disent ne pas vivre de shutdown.
J’ai eu la discussion avec plusieurs amies autistes qui me disaient moi je fais pas des shutdowns comme toi.
Et… en creusant je me rends compte que carrément que si.
Alors oui, comme elles sont socialisées à se tenir bien en société, envers et contre tout, elles vont maintenir les apparences tant qu’elles sont en public, puis décompenser en privé… mais c’est quand même un shutdown.
C’est pas parce que tu te retiens de l’exprimer que ce n’est pas un shutdown. Si tu vis des périodes de “retrait” et qu’elles sont liées à des déclencheurs autistiques (ex : avoir vu trop de monde, avoir subi trop de bruits, être trop loin trop longtemps de chez toi, le sentiment d’injustice qui te submerge, le fait qu’on interprète mal ton non-verbal, etc) alors y’a des chances que ça soit un shutdown autistique.
Deux traits supplémentaires
Si ce concept t’a parlé, tu le retrouveras (avec 2 traits supplémentaires) dans cette vidéo YouTube :
