3 livres à lire sur l'antiracisme
Avant toutes choses, j’ai oublié de te prévenir que l’accès gratuit à ma formation antiraciste expirait vendredi dernier. Donc j’ai laissé ouvert jusque ce soir. Tu peux encore partager autour de toi :
https://nicolasgalita.podia.com/racisme-comment-s-auto-desintoxiquer?coupon=ANTIRACISME2023
Aujourd’hui je vais répondre à une question que vous m’avez pas mal posé : par où commencer quand on veut s’éduquer à l’antiracisme.
Voici trois livres que je peux te recommander.
"Where Do We Go from Here: Chaos or Community?" - Martin Luther King
Oui. Martin Luther King a écrit des livres que personne ne lit. On préfère citer des versions tronquées de son discours I have a dream alors que justement dans le livre il raconte les pressions qu’il a subi du pouvoir politique pour, ce jour-là, faire un discours pas trop corrosif.
Ce n’est pas une théorie du complot, c’est lui-même qui l’explique !
Pourquoi c'est un bon livre pour débuter sur le sujet
C’est un bon début si tu veux être porté·e par la plume d’un personnage influent de son époque.
Par rapport aux autres que je vais te recommander il est beaucoup moins axé sur la pédagogie. C’est un essai avec des arguments.
Mais ce qui est dingue c’est à quel point tout sonne très actuel. Notamment sa critique de ce qu’il appelle les blancs modérés et qu’il désigne comme étant un ennemi beaucoup plus grand que les membres du Ku Klux Klan.
Cette prédiction s’est avérée exacte. Beaucoup de gens s’opposent à l’antiracisme tout en étant persuadés d’être progressistes sur la question.
3 citations
Je ne suis pas intéressé par le rôle de leader consensuel. Je refuse de déterminer ce qui est juste en faisant un sondage Gallup sur les tendances de l'époque.
Le blanc progressiste doit voir que le Noir a besoin non seulement d’amour mais aussi de justice. Il ne suffit pas de dire : “Nous aimons les Noirs, nous avons beaucoup d’amis noirs.” Ils doivent exiger la justice pour les Noirs. L’amour qui ne se soucie pas de justice n’est pas un amour du tout.
Il est important que le progressiste blanc comprenne que la personne opprimée qui s’agite pour ses droits n’est pas le créateur de la tension. Elle ne fait qu’extérioriser les tensions cachées qui existent déjà.
L’été dernier, lorsque nous avons organisé nos marches pour le logement libre à Chicago, nombre de nos amis progressistes blancs ont poussé des cris d’horreur et de consternation : “Vous créez de la haine et de l’hostilité au sein de la population blanche” : “Vous créez de la haine et de l’hostilité dans les communautés blanches dans lesquelles vous marchez. Vous ne faites que susciter une réaction négative de la part des Blancs”.
Je n’ai jamais pu comprendre cette logique. Ils n’ont pas réalisé que la haine et l’hostilité étaient déjà présentes de manière latente ou inconsciente.
Nos marches ne faisaient que les faire remonter à la surface. Comme il serait étrange de condamner un médecin qui, grâce à son travail acharné et à l’ingéniosité de ses compétences médicales, a découvert un cancer chez un patient. Serait-on assez ignorant pour dire qu’il a provoqué le cancer ?
Grâce aux compétences et à la discipline de l’action directe, nous révélons l’existence d’un dangereux cancer de la haine et du racisme dans notre société. Nous n’avons pas causé le cancer, nous l’avons simplement exposé. Ce n’est que par ce type d’exposition que le cancer pourra être guéri.
Le progressiste blanc engagé doit comprendre la nécessité de disposer d’antidotes puissants pour lutter contre la maladie du racisme. Le progressiste blanc doit intensifier son soutien à la lutte pour la justice raciale plutôt que de la désamorcer. Il serait tragique d’abandonner et de se retirer de la lutte. Le besoin d’engagement est aujourd’hui plus grand que jamais.
"White Fragility: Why It's So Hard for White People to Talk About Racism" - Robin DiAngelo
Un classique extrêmement pédagogique. Le seul de la liste écrit par une personne blanche.
Version Française : Fragilité blanche : Ce racisme que les blancs ne voient pas
Pourquoi c'est un bon livre pour débuter sur le sujet
Le fait que l’auteure soit blanche l’aide à être très pédagogique en présentant son propre cheminement. Elle a respecté le principe qu’on a vu la semaine dernière : soit je suis une personne concernée, soit je m’éduque. C’est-à-dire qu’elle ne se contente pas de son expérience, elle a étudié le sujet.
Ce qui est dommage c’est que le concept phare se traduit mal en français. Car nous on pense à babtou fragile. Ici on ne parle pas de ça. On parle du malaise que les personnes blanches éprouvent quand elles parlent de racisme. Malaise qui les braque et empêche la discussion.
3 citations
“J’étais surprise d’à quel point autant de personnes blanches sont en colère et sur la défensive à l’idée qu’elles puissent être liées au racisme de quelque manière que ce soit. L’idée même qu’on puisse leur demander de participer à un atelier sur le racisme les enrageait.
Elles arrivaient dans la salle exaspérées et le faisait sentir tout au long de la journée en posant leurs ordis violemment sur la table, en refusant de participer aux exercices et en contredisant à tout bout de champ. Je ne comprenais pas leur aigreur ou désintérêt à en apprendre davantage sur une dynamique sociale aussi complexe que le racisme”(…)
Aucun des Blancs dont je décris le comportement dans ce livre ne s’estimerait raciste. Ils se qualifieraient même plutôt de progressistes sur le sujet et réfuteraient avec véhémence toute complicité avec un système raciste. Pourtant, toutes leurs réponses illustrent la fragilité blanche et la façon dont elle maintient le système en place.(…) Ces réactions entraînent des frustrations et des affronts quotidiens infligés aux personnes non blanches par des Blancs qui s’estiment ouverts d’esprit et, par conséquent, non-racistes.
Ce livre est conçu pour nous, les progressistes blancs qui, bien souvent, malgré nos intentions conscientes, leur rendons la vie si difficile. « Je pense sincèrement que ce sont les progressistes blancs qui, au quotidien, nuisent le plus aux personnes non blanches. » Je définis un progressiste blanc comme une personne blanche qui ne se pense pas raciste, ou moins raciste, ou qui pense être « convaincue » ou « avoir déjà compris ».
En ce moment, vous êtes peut-être en train de penser à tout ce qui vous rend différent des autres Blancs, et vous vous dites que si je savais comment vous êtes arrivé dans ce pays, ou à quel point vous êtes proche de ces gens, comment vous avez grandi dans tel quartier, traversé telles épreuves ou avez vécu telle expérience, alors je saurais que vous êtes différent ou différente – que vous n’êtes pas raciste.
C’est un réflexe courant dont j’ai été témoin un nombre incalculable de fois dans le cadre de mon travail. Voici un exemple : j’ai récemment fait une intervention devant un groupe d’environ deux cents employés. Il n’y avait pas plus de cinq personnes non blanches dans toute l’entreprise et, parmi elles, seules deux étaient afro-américaines.
Je n’ai cessé de mettre en avant à quel point il était important pour les Blancs de faire preuve d’humilité raciale et de ne pas se dispenser de reconnaître les mécanismes inévitables du racisme.
À peine avais-je terminé de parler qu’une file de Blancs se formait, officiellement pour me poser des questions mais, en réalité, principalement pour réitérer l’opinion sur la race qu’ils avaient en entrant dans la salle.
Le premier, un homme blanc, m’a expliqué qu’il était américain d’origine italienne et que les Italiens, autrefois, étaient considérés comme des Noirs et victimes de discrimination. Par conséquent, est-ce que je ne pensais pas que les Blancs aussi faisaient l’expérience du racisme ?
Le fait que dans cette pièce remplie de collègues presque tous blancs, à son image, il puisse s’affranchir de l’examen de sa couleur sous prétexte que les Italiens ont autrefois été victimes de discrimination est un exemple d’individualisme extrêmement courant.
Il lui aurait été plus profitable (car cela aurait élargi sa vision du monde actuelle au lieu de la protéger) de se demander comment les Américains d’origine italienne ont pu devenir des Blancs et l’influence que cette assimilation a eue sur ses expériences en tant qu’homme blanc aujourd’hui.
L’universitaire Marilyn Frye utilise la métaphore de la cage à oiseaux pour décrire comment les forces d’oppression sont liées les unes aux autres. Si vous vous placez tout près d’une cage et que vous appuyez votre visage contre les barreaux, ils disparaîtront de votre champ de vision et vous verrez l’oiseau sans qu’aucun obstacle ne s’interpose entre vous et lui.
Si vous tournez la tête pour examiner l’un des barreaux de la cage, vous ne pourrez pas bien distinguer les autres. Si votre représentation de la cage se fonde sur cette vision à très courte portée, vous ne comprendrez pas pourquoi l’oiseau ne se contente pas de contourner l’unique barreau que vous voyez pour s’envoler. Vous pouvez même imaginer que l’oiseau aime être en cage, ou a choisi de l’être.
Mais si vous reculez de quelques pas et élargissez votre champ de vision, vous constatez que les barreaux forment une structure conçue pour maintenir l’oiseau à cette place et qu’il est cerné par un réseau d’obstacles reliés entre eux de façon systématique.
Si certains oiseaux arrivent à s’échapper, la plupart n’y parviennent pas. Et ceux qui s’enfuient devront franchir un certain nombre d’obstacles auxquels leurs pairs qui n’ont jamais vécu en cage ne sont pas confrontés. La métaphore de la cage aide à comprendre pourquoi il est parfois si compliqué de voir et de reconnaître le racisme : notre champ de vision est limité.
"Me and White Supremacy" - Layla F. Saad
Version Française : Moi et la suprématie blanche : reconnaître ses privilèges, combattre le racisme et changer le monde
Pourquoi c'est un bon livre pour débuter sur le sujet
C’est vraiment LE livre parfait pour débuter. Car, à l’origine, il s’agissait d’un challenge Instagram. Une sorte de programme de désintoxication sur quatre semaines.
On peut donc lire chaque chapitre de manière indépendante car il correspond à un jour de la semaine.
C’est vraiment LE livre qui synthétise tous les autres et qui les mets sous forme d’enseignements actionnables.
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Dans son livre Racisme sans racistes : la cécité à la couleur et la persistance de l’inégalité raciale dans l’Amérique d’aujourd’hui, l’auteur Eduardo Bonilla-Silva, sociologue politique et professeur de sociologie portoricain, décrit le phénomène du racisme aveugle à la couleur, ou ce qu’il nomme “le nouveau racisme”
(…)
Le problème, c’est que la philosophie de la cécité à la couleur ne répond pas assez précisément aux questions suivantes : s’il n’y pas de racistes, pourquoi le racisme existe-t-il encore ? Si les Blancs sont aveugles à la couleur, pourquoi les personnes noires, autochtones et de couleur sont-elles toujours dominées ? Selon les partisans de la cécité à la couleur, ce n’est pas la faute des Blancs.
(…)
Ce qui est encore plus poignant, c’est que la plupart des Blancs insistent sur le fait que les minorités (surtout les Noirs) sont responsables du « problème racial » qui existe dans ce pays.
Ils dénoncent publiquement les Noirs qui « jouent la carte du racisme », qui exigent le maintien de programmes inutiles et clivants fondés sur des quotas ethniques, tels que la discrimination positive, et qui crient au « racisme » à chaque fois que des Blancs les critiquent.
La plupart des Blancs croient que si les Noirs et autres minorités arrêtaient de ressasser le passé, travaillaient dur et se plaignaient moins (surtout de la discrimination raciale), les Américains de toutes les couleurs pourraient tous « s’entendre ».
Avoir des préjugés, c’est mal, mais ce n’est pas la même chose qu’être raciste. Le racisme, c’est l’alliance des préjugés et du pouvoir, qui permet au groupe racial dominant (les détenteurs de privilèges blancs dans une société suprémaciste blanche) de dominer tous les autres groupes ethniques et de leur nuire à tous les niveaux, aussi bien personnel que systémique ou institutionnel.
C’est pourquoi, bien qu’une personne noire, autochtone ou de couleur puisse nourrir des préjugés contre un Blanc, elle ne peut pas être raciste à son égard. Contrairement aux Blancs, elle ne bénéficie ni du pouvoir (accordé par le privilège blanc) ni du soutien d’un système d’oppression (la suprématie blanche) lui permettant de transformer ces préjugés en domination et en sanctions.
Nous nous sommes tous déjà excusés aussitôt après avoir marché sur le pied de quelqu’un ou l’avoir bousculé. Nous n’avions pas l’intention de le blesser, mais il est entendu que notre action a eu un impact négatif et a causé une souffrance.
Au lieu de refuser de nous excuser parce que nous n’avons pas agi sciemment, nous nous empressons de le faire parce que nous comprenons que nous lui avons fait du mal.
Cette comparaison schématique me paraît utile car elle permet de comprendre aisément que, dans ce genre de situation, notre impact est plus important que notre intention. Pour en revenir aux mises en cause publiques ou privées, les détenteurs de privilèges blancs réagissent souvent en se focalisant sur leur intention plutôt que sur leur effet sur les personnes noires, autochtones et de couleur.
C’est une forme d’autocentrisme blanc qui donne la priorité au ressenti de la personne mise en cause, au lieu de mettre en avant la peine que ses actes, intentionnels ou pas, infligent aux personnes racisées.